Amibiase colique et hépatique à rechutes. Cas clinique.
Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 21/02/2003.
Observation
Un homme, âge de 24 ans, militaire de carrière, ayant
séjourné à 2 reprises outre-mer (Tchad, puis Djibouti), présente cinq mois
après son retour de Djibouti, une diarrhée dysentériforme.
Les
recherches étiologiques sont négatives : examen parasitologique des
selles, coproculture, rectosigmoidoscopie avec biopsies, sérologie de
l’amibiase. Le malade, traité en externe, guérit avec un traitement
symptomatique. Quatre mois plus tard, il est hospitalisé pour un nouvel épisode
dysentériforme. Le bilan étiologique, identique au précédent, mais avec une
coloscopie longue, demeure négatif. Il est cependant traité par métronidazole
(FLAGYL®).
Deux
mois après, nouvel épisode dysentériforme. La rectoscopie met alors en évidence
une ulcération rectale située à la face antérieure du rectum à 7 cm de la marge
anale, ulcération de 2 cm de diamètre, unique, ovalaire, bien limitée. Les
biopsies faites au pourtour de l’ulcération avec une pince à coloscopie ne
montrent qu’une rectite non spécifique. Au cours de la préparation locale pour
une coloscopie longue, le malade présente brutalement une douleur de
l’hypocondre droit et une poussée fébrile à 38, 8°C. L’échographie (ECT) montre
une image de tonalité liquidienne, arrondie, de 3,5 sur 3,4 cm, siégeant au
niveau du segment VII du foie. Une ponction sous ECT ramène un pus jaunâtre,
inodore, l’examen bactériologique et parasitologique est stérile.
La
sérologie de l’amibiase est à un taux non significatif (HIA à 1/32ème,
IFI à 1/100 ème). Le malade reçoit un traitement associant
Pénicilline G 20 000 000 U. et FLAGYL® 2 g/ j pendant 10 jours. L’évolution est
rapidement favorable. Un contrôle de la sérologie de l’amibiase au 10 ème
jour montre une élévation significative des taux : HAI à 1/1024 ème
, IFI à 1/900 ème.
Le
contrôle ECT montre la persistance au 3 ème mois d’une cavité du
segment VII de 1cm de diamètre. Le contrôle endoscopique ne montre plus
d’ulcération rectale.
Six
mois après cet épisode d’abcès amibien du foie, le patient présente de nouveau
un tableau d’hépatomégalie douloureuse et fébrile. L’ECT objective une image
anéchogéne du segment VII du foie, de 4,2 sue 3,6 cm, située au même endroit
que précédemment, signant une rechute in situ. La sérologie est à 1/1026
ème pour l’HIA, à 1/800 ème pour l’IFI.
Quel
est votre diagnostic ?
Comment
expliquer cette évolution à rechutes, en particulier de l'abcès du foie ?
Quels
traitements allez-vous prescrire ?
Discussion
Le
malade a présenté un premier abcès du foie, objectivé à l’ECT, dont la nature
amibienne a été apportée avec retard par la sérologie. La malade a guéri par un
traitement associant Pénicilline G et FLAGYL® prescrit compte tenu d’un doute
diagnostique avec un abcès à pyogènes. Six mois plus tard, le malade présente
une rechute in situ de l’abcès du foie avec ré-ascension de la sérologie
amibienne. Il s’agit donc d’une rechute d’un abcès amibien du foie après un
traitement correct par FLAGYL®.
Ceci
a été rapporté, après traitement par 5-nito-imidazolés, chez des sujets
revenant de zone d’endémie et vivant en zone tempérée. Plusieurs hypothéses ont
été évoquées ::
-
persistance in situ d’amibes pathogènes due à une posologie insuffisante du
métronidazole,
-
recontamination exogène,
-recontamination
endogène, due à la persistance d’amibes dans le colon du fait de la faible
concentration du FLAGYL®. dans la lumière colique (les 5-nitro-imidazolés sont
des amoebicides tissulaires peu actifs sur les amibes endoluminales).
Le
malade a eu une évolution en 3 phases successives :
- trois épisodes dysentériformes, le premier quatre mois
après son retour de zone tropicale ; aucune cause n’a été décelée au
cours des 2 premiers épisodes ;
une ulcération rectale a été mise en évidence au cours du 3 ème épisode ;
-
la survenue ultérieure d’un abcès amibien du foie ;
-
enfin, une rechute in situ de l’abcès amibien du foie.
Chez
ce malade, un nouveau traitement par FLAGYL®. per os 2 g/j pendant 7 jours a
été prescrit. L’évolution a été favorable. Un traitement par amoebicide de
contact a été prescrit ensuite sous forme d’INTETRIX® gélules, 1,6 g/ j, pendant 10 jours.
Il
est à noter qu’un examen parasitologique de selles fait systématiquement un
mois après l’arrêt du traitement amoebicide a montré des kystes d’Entamoeba histolytica, ce qui est en
faveur, chez ce sujet séjournant en France métropolitaine, d’une
re-contamination exogène.
Des cas d’amibiase-infection sont certains dans son
entourage immédiat (militaires séjournant outre-mer) et l’homosexualité du
malade a été suspecté. L’homosexualité est, en effet, un facteur de risque de
l’amibiase. La sérologie anti-VIH1 et anti-VIH2 était négative.
Références
Aubry
P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie édit., mars
1990, pp. 28-29.
Touze
J.E., Peyron F., Malvy D. Médecine Tropicale au quotidien, 100 cas cliniques.
Format Utile, Editions Varia, mars 2001, pp. 56-59.