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Anguillulose commune : cas clinique

Anguillulose commune chez un enfant malgache : cas clinique

 

Observation 

 

Un enfant malgache, de sexe masculin, âge de 12 ans, consulte au Centre Médical d’Analalava (province de Mahajanga) pour des douleurs abdominales mal systématisées d’intensité modérée et des troubles du transit intestinal à type de selles molles (3 selles par jour) alternant avec des phases de constipation.

L’examen clinique est normal, à l’exception d’une douleur provoquée dans la région périomblicale. Il n’a pas d’amaigrissement notable. La température est à 37,2°C.

 

Examens paracliniques :

VSH à 12 mm à la première heure

NFS :  taux d’Hb : 12,8 g/dl, globules blancs : 9800/mm3 dont 15% de polynucléaires éosinophiles (1470/mm3)

Radiographie pulmonaire : ITN

Examen parasitologique direct des selles : 3 examens négatifs

La demande d’une technique de concentration des selles (méthode de Baermann) apporte le diagnostic parasitologique.

 

Quelle helminthiase évoquez-vous ?

Quel est le cycle de cette parasitose digestive ?

Quel(s) examen(s) complémentaire(s) vous semble utile pour confirmer le diagnostic ?

Quel traitement proposez-vous ?

 

Discussion :

 

La technique de concentration des selles selon la méthode de Baermann met en évidence des larves d’anguillules (Strongyloïdes stercoralis).

La très faible fécondité des femelles d’anguillules, l’irrégularité de la ponte expliquent la négativité des examens directs des selles. La méthode de Baermann est basée sur l’hygrotropisme et le thermotropisme des larves d’anguillules. Attirées par l’eau tiède, ces larves mobiles se concentrent dans un petit volume d‘eau, ce qui permet leur découverte plus facile.

Le cycle évolutif de l’anguillulose se déroule chez l’homme et dans le milieu extérieur. Les larves rhabditoïdes (L1, L2) émises dans les selles se transforment dans le milieu extérieur en larves strongyloïdes (L3) infectantes qui pénètrent chez l’homme par voie transcutanée, migrent par voie sanguine dans le cœur droit,  puis vers les poumons ; remontent jusqu’au carrefour aérodigestif par les bronches et la trachée et sont alors dégluties. Les larves donnent des femelles parthénogénétiques qui s’enfouissent dans la muqueuse duodénale et pondent des œufs un mois après la contamination. Les larves rhabditoïdes éclosent dans le tube digestif et sont émises dans le milieu extérieur.

Le cycle de base est le cycle long, externe, sexué, indirect. En zone tropicale où la température extérieure est > à 20°C avec une forte humidité, les larves rhabditoïdes deviennent dans le milieu extérieur des adultes mâles et femelles qui s’accouplent, les femelles pondent des œufs sur le sol qui donnent des larves rhabditoïdes qui se transforment en larves strongyloïdes infectantes qui pénétrant l’homme par voie transcutanée.

Un cycle court est réalisé lorsque les conditions extérieures sont défavorables (température < 20°C, humidité insuffisante), les larves rhabditoïdes se transforment directement sur le sol en larves strongyloïdes infectantes.

Un troisième cycle dit cycle d’autoréinfection constitue la caractéristique fondamentale de l’anguillulose. Les larves rhabditoïdes peuvent directement donner dans la lumière intestinale des larves strongyloïdes infectantes qui pénètrent la muqueuse colique et rejoignent le poumon par la circulation sanguine. Ce cycle s’emballe en cas d’immunodépression et crée l’anguillulose maligne.

Il y  a plus de 50 millions de sujets infectés. L’anguillulose, maladie cosmopolite, est particulièrement fréquente en zone tropicale.

Les adultes se localisent dans le duodénum et cause une duodénite, ce qui explique la symptomatologie douloureuse abdominale. Dans l’anguillulose commune, il y a peu de manifestations extra digestives, à l’exception du syndrome de Loeffler en phase d’invasion et de la larva currens ou dermite linéaire fugace qui correspond à la migration sous-cutanée erratique d’une larve.

Le diagnostic de l’anguillulose repose sur l’hyperéosinophilie sanguine qui est durable, mais fluctuante (évolution en « dents de scie » en rapport avec le cycle d’autoréinfection), sur la mise en évidence des larves dans les selles, et des adultes sur une biopsie duodénale per endoscopique. La sérologie (IFI, ELISA) apporte un complément au diagnostic (diagnostic de présomption)

Il n’y a pas d’autre examen complémentaire a demandé chez cet enfant. Une biopsie duodénale per-endoscopique pourrait montrer une atrophie villositaire partielle infraclinique. L’anguillulose peut être cause d’un syndrome de malabsorption intestinale, il n’y a pas de signes cliniques de malabsorption dans cette observation. Le traitement de première intention de l’anguillulose commune fait appel à l’ivermectine (STROMECTOL®), à la dose de 200 µg/j en prise unique. Les rares échecs sont rattrapés par une deuxième cure réalisée deux semaines plus tard.

Les alternatives thérapeutiques sont : l’albendazole (ZENTEL®), 400 mg par jour pendant 3 jours, le thiabendazole (MINTEZOL®), 50 mg/kg/j en 2 prises pendant 3 jours et un nouveau médicament, le nitazoxanide (CRYPTAZ®), cp à 500 mg, 1 000 mg par jour pendant 7 jours (dose adulte).

Cet enfant a été traité par thiabendazole. Il a été suivi en Médecine scolaire pendant 2 ans. Il n’y a pas eu de récidive pendant la période su suivi.

Il faut insister sur la nécessité d’un traitement d’épreuve chez tout patient susceptible d’avoir été infecté avant d’entreprendre ou de renouveler une corticothérapie (même si les examens de selles sont négatifs).

 

*Ce médicament n’est plus commercialisé en France métropolitaine

 

Références :

Touze J.E., Peyron F., Malvy D . Dermatose prurigineuse. Médecine tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format utile. Editions Varia, mars 2001, pp. 81-83.

Nocolas X., Chevalier B., Klotz F. Anguillule et anguillulose. EMC, Maladies infectieuses, 8-514-A-60, 2004, 11 p.

Rey O., Debonne J.M. Alternatives thérapeutiques en cas d’échec d’un premier traitement dans les helminthiases intestinales de l ‘adulte. Méd. Trop., 2006, 66, 324-328.

 

Iconographies

Cycle évolutif de l’anguillule

Larve rhabditoïde d’anguillule dans les selles

 

Professeur Pierre Aubry . Texte revu le 28/09/2006