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Angiocholite aiguë ascaridienne : cas clinique.

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 31/07/2003.

 

Observation

 

Un homme de 20 ans, Mélanésien, originaire de Hienghene, dans la province nord de la Nouvelle-Calédonie, est hospitalisé en urgence pour un syndrome douloureux fébrile de l’hypocondre droit. Le début des troubles remonte à une semaine, caractérisé par des douleurs intenses de l’hypocondre droit avec une fièvre à 39°5 C, des frissons, des nausées suivies de vomissements, une constipation et des urines foncées.

L’examen met en évidence un ictère cutanéo-muqueux, la température est à 39° C, il existe une hépatomégalie (flèche hépatique à 15 cm) douloureuse avec une défense abdominale localisée à l’hypocondre droit. Le pouls est à 95 mm, la TA à 150/90 mmHg. Le toucher rectal est normal.

 

Examens paracliniques :

VSH : 92 mm à la 1ère heure,

NFS : globules rouges 4 200 000 el/mm3, taux d’hémoglobine : 11, 5 g/dl, globules blancs : 22 400 el/mm3, polynucléaires neutrophiles : 84%, éosinophiles : 6%, plaquettes : 344 000 el/mm3.

Bilirubinémie totale : 96 µmol/l, conjuguée : 78 µmol/l

Transaminases : ASAT 198 UI/l, ALAT 98 UI/l

Plosphatases alcalines : 628 UI/l

Amylasémie : 631 UI/l

Creatininémie : 16 mmol

Echographie hépato-biliaire : dilatation des voies biliaires intrahépatiques (VBIH), dilatation cholédocienne, (diamètre > 3 cm) avec présence d’images échogénes de la voie biliaire principale (VBP) avec et sans cône d’ombre, vésicule biliaire distendue à paroi normale, foie et pancréas d’échostructure normale.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quels examens complémentaires sont utiles pour confirmer ce diagnostic ?

Quels traitements prescrivez-vous ?

 

Discussion 

 

Le tableau clinique et biologique est celui d’une angiocholite aiguë, avec douleurs de l’hypocondre droit, fièvre et frissons, ictère cholestatique. A l’échographie hépato-biliaire, deux éléments pathologiques sont à retenir :  la visibilité des VBIH (normalement non visibles du fait de leur petit calibre), et la dilatation de la VBP avec des images échographiques avec et sans cône d’ombre. La vésicule biliaire apparaît distendue, mais sans autre anomalie (paroi, contenu). Ii y a donc un ou des obstacles au niveau de la VBP, le diagnostic étiologique le plus probable étant celui d’une lithiase du cholédoque.

Le bilan est complété par une oesogastroduodénoscopie qui montre l’enclavement d’un ascaris adulte dans la papille avec Ie tiers de son corps dans le 2éme duodénum. Une cholangiopancréatographie rétrograde per-endoscopique (CPRE) n’a pas pu être réalisée. A l’examen parasitologique de selles, on note la présence d’œufs d’ascaris.

Il s’agit donc d’une angiocholite aiguë clinique et biologique avec pancréatite biologique compliquant une ascaridiose  avec migration d’un ver adulte dans la papille.

Les ascaris qui vivent dans l’intestin grêle, peuvent migrer vers le duodénum et s’engager dans l’ampoule de Vater, puis dans le cholédoque, entraînant une angiocholite. Cette migration serait favorisée par une infection à bacilles gram négatif (BGN). Des migrations dans le canal de Wirsung avec pancréatite aiguë ont été rapportées.

D’autres parasites sont cause d’angiocholite, en particulier la clonorchiase, distomatose hépato-bilaire d’Asie du sud-est, caractérisée par la présence dans les canaux biliaires de douves adultes et de calculs, baignant dans une boue infectée par des BGN.

Ces parasites favoriseraient le développement d’une lithiase pigmento-calcique avec présence de calculs intra et extrahépatiques n’intéressant pas la vésicule biliaire.

L’exérèse de l’ascaris à la pince lors d’une endoscopie duodénale est rarement possible. Elle n’a pu être réalisée dans le cas présenté. Une cholédocotomie avec sphinctérotomie chirurgicale a été réalisée. Elle a permis l’extraction de calculs de la VBP et de l’ascaris. La présence dans les voies biliaires de calculs et de parasites explique les aspects échographiques associant des images échogènes avec (calculs) et sans (parasite) cône d’ombre.

L’ascaridiose hépatobiliaire et pancréatique est la plus fréquente des localisations extra-intestinales de l’ascaridiose. Elle peut réaliser des tableaux cliniques variables :

- colique hépatique : présence d’œufs ou de vers adultes dans les VB,

- angiocholite aiguë : enclavement intra-papillaire de l’ascaris adulte ou migration dans les VB,

- cholécystite aiguë : migration de l’ascaris adulte dans le canal cystique,

- abcès hépatique : présence de vers adultes dans les VBIH,

- ascaridiose pancréatique : présence de ver adulte dans la papille de Vater ou dans le canal de Wirsung.

Les autres complications digestives de l’ascaridiose sont :

- l’occlusion intestinale, complication chirurgicale la plus fréquente, surtout chez l’enfant, au cours de l’ascaridiose intestinale en zone d’endémie,

- l’ascaridiase appendiculaire, par migration d’un ou plusieurs vers dans l’appendice,

- la péritonite ascaridienne, complication d’une occlusion intestinale ou d’une appendicite ascaridienne.

Le traitement de l’angiocholite ascaridienne est médico-chirurgical, associant :

- en première intention : antihelminthiques [dans les PED : mébendazole (VERMOX®) 100 mg matin et soir pendant 3 jours], antalgiques antispasmodiques, et antibiotiques à large spectre (amoxicilline + métronidazole),

- puis, cholécystectomie, cholédocotomie avec sphinctérotomie, extraction des calculs et des ascaris adultes des voies biliaires, à défaut de CPRE avec sphinctérotomie, qui n’est le plus souvent pas disponible dans les PED.

 

Références 

 

Aubry P., Touze J.E. Angiocholite ascaridienne. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit., mars 1990, 72-73.

 

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Un ictère rétentionnel. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format Utile. Editions Varia, mars 2001, 78-80.

 

Mbaye P.S., Wade B., Klotz F.Ascaris et ascaridiose. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses,

8-516-A-30, 2003, 8 p.

 

Iconographies 

 

Echographie abdominale 

 

Vue endoscopique : ascaris sortant de la papille dans le 2ème duodénum.