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Arthrite gonococcique chez une jeune femme gabonaise : cas clin

Arthrite gonococcique chez une jeune femme gabonaise : cas clinique

 

Observation

 

Une femme, âgée de 28 ans, gabonaise, célibataire, est admise au CHU de Libreville pour une tuméfaction du genou droit, très douloureuse, entraînant une impotence fonctionnelle, apparue il y a 10 jours dans un contexte infectieux avec fièvre et frissons. Elle a reçu des anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui n’ont pas fait régresser les lésions.

Dans ses antécédents, on note une salpingite il y a 6 ans traitée par antibiotiques et de fréquentes leucorrhées blanc verdâtres.

La température est à 38,6°C. L’examen objective une impotence fonctionnelle totale du membre inférieur droit en rapport avec un genou tuméfié et très douloureux. La peau en regard est chaude et rouge. Il y a un épanchement intra-articulaire important avec choc rotulien. Les autres articulations sont libres. Le toucher vaginal confirme l’existence de pertes. Le reste de l’examen est normal. Il n’y a pas, en particulier, d’atteinte cutanéo-muqueuse, méningée ou cardiaque.

 

Examens par acliniques :

NFS : Globules rouges : 3 800 000 el/mm3, taux d’Hb : 12,6 g/dl, VGM : 85 µ3

          Globules blancs : 12 000/mm3, polynucléaires neutrophiles : 85%

VSH : 105 à la première heure

Radiographie standard du genou : sensiblement normale

Ponction articulaire du genou : 40 ml d’un liquide puriforme, contenant 30 000 cellules/mm3 dont 90% de polynucléaires neutrophiles. A l’examen direct : absence de germe.

Frottis de l’endocol : présence de nombreux diplocoques à Gram négatif extra et intracellulaires.

Sérologie VIH1 et VIH2 : négative.

 

Quel est votre diagnostic ?
Quels examens complémentaires sont utiles pour confirmer ce diagnostic ?

Quel(s) traitement(s) prescrire ?

Quelle est la prévention de cette maladie ?

 

Discussion :

 

Il s’agit d’une mono arthrite aiguë infectieuse du genou droit chez une femme jeune ayant des signes actuels et des antécédents d’infection génitale.

Le diagnostic étiologique est apporté par le prélèvement génital qui isole des diplocoques extra et intracellulaires à Gram négatif. Il s’agit à l’évidence d’une infection génitale à gonocoques avec dissémination sanguine et localisation articulaire sous forme d’une mono arthrite.

Les prélèvements (articulaire, génital) doivent être mis en cultures sur gélose chocolat. Elles se positivent en 24 à 48 heures. Les cultures permettent  la confirmation du diagnostic et également de pratiquer un antibiogramme avec recherche de b-lactamases. Il faut ensemencer les milieux de cultures au lit du malade, le gonocoque étant très fragile. Des hémocultures doivent être systématiquement pratiquées : elles sont positives dans 25 à 50% des cas. Une sérologie de la syphilis est obligatoire.

La gonococcie est une maladie à transmission uniquement sexuelle. Le seul hôte naturel est l’homme. L’agent responsable est Neisseria gonorrhoeae, diplocoque à Gram négatif. La transmission se fait surtout par un porteur asymptomatique, en particulier par la femme, asymptomatique dans 50% des cas, alors que l’homme est symptomatique dans 80 à 95% des cas.

A partir de l’atteinte génitale (urètre, endocol utérin, mais aussi canal anal ou pharynx), le germe peut se propager localement le long des muqueuses entraînant chez la femme endométrite, bartholinite, salpingite, périhépatite, péritonite, … et chez l’homme : prostatite, abcès périurétéral, épididymite.

Les septicémies dues au gonocoque sont rares, cause d’arthrite et de dermatite, exceptionnellement d’endocardite, de péricardite, de méningite.

Les arthrites septiques gonococciques sont observées dans 1% des cas (0,1 à 3% selon les auteurs) des gonorrhées génitales. Elles sont surtout observées chez la femme. Elles se caractérisent par une atteinte polyarticulaire dans 2/3 à ¾ des cas ou oligo articulaire et asymétrique, atteignant les genoux (80% des cas), les poignets, les mains, les chevilles et s’accompagnant de lésions cutanées dans 1 cas sur 2, lésions à type de papules, de pustules, de pétéchies, siégeant au niveau des membres. Une mono arthrite est plus rare, souvent isolée et sans lésions cutanées.

Le traitement est antibiotique. La plupart des souches de N. gonorrhoeae restent sensibles à la pénicilline, mais les souches avec augmentation des CMI et les souches productrices de b-lactamases sont de plus en plus fréquentes. En Afrique, 20 à 40 % des gonocoques sont producteurs de b- lactamases.

En cas d’arthrite, en attente de l’antibiogramme, le traitement initial fait appel à la ceftriaxone (ROCEPHINE®) à la dose de 1g/j par voie IV, le relais étant pris par la pénicilline G 10 000 000 U par jour ou par l'ampicilline ou l'amoxicilline, 3g/j pendant 10 jours, si le germe est sensible. Il faut  rappeler qu’il ne s’agit vraisemblablement pas d’arthrite gonococcique si l’inflammation articulaire résiste à la ceftriaxone, mais d’arthrite d’autre cause en particulier d’arthrite réactionnelle.

Dans le cas présenté, le traitement a associé d’une part une antibiothérapie par pénicilline G 10 000 000 U par jour par voie IV  qui a entraîné une amélioration clinique en 72 heures, le relais étant pris par l’ampicilline à la dose de 3g/j poursuivie pendant 14 jours,  et d’autre part, après ponction articulaire, une immobilisation du genou. La culture du liquide articulaire a confirmé le diagnostic d’arthrite gonococcique septique, mais, compte tenu de la réponse favorable au traitement, il n’y a pas eu d’étude sur la sensibilité de la pénicilline à la souche isolée. La guérison a été obtenue sans séquelle.

On rappelle que le traitement des urétrites gonococciques fait appel en première intention à la ceftriaxone (ROCEPHINE®) IM ou IV, 500 mg en dose unique, et en seconde intention, à la céfixime (OROKEN®) per os, 400 mg en dose unique ou à la spectinomycine (TROBICINE®) IM, 2 g en dose unique. L’azithromycine (ZITHROMAX®) est prescrite en cas d’association gonocoque + Chlamydia trachomatis, 1 g per os en prise unique

La prévention est commune à toutes les MST : le préservatif. Il faut informer les malades sur les MST et l’infection à VIH. Il faut, si possible, examiner et traiter les partenaires sexuels. Il faut faire le dépistage du VIH et la recherche de l’AgHBs.

 

 

Références 

 

Aubry P., Touze J.E. Arthrite gonococcique. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Durauliè édit., mars 1990, pp. 147-148.

Schuhmacher H., May T. Manifestations ostéo-articulaires septiques et arthrites réactionnelles. Encycl. Med. Chir ., Maladies infectieuses, 8-003-A-40, 1998, 11 p.

 

Iconographie :

 

Présence de nombreux diplocoques à Gram négatif au prélèvement endocervical. 

Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)

Prélèvement vaginal (Gram X 1000) nombreux diplocoques en grains de café gram négatifs

 

Professeur Pierre Aubry. Texte revu le 24/01/2007