Cestodose adulte à Tænia
saginata : cas clinique
Observation
Lors d’une mission à Mahajunga (Côte Ouest de Madagascar)
en 1999, une mère de famille européenne me demande conseil pour un de ses
enfants, un garçon de 7 ans, qui élimine dans ses sous-vêtements des
«éléments » blanchâtres de petite taille (environ 2 cm)». Cet enfant est
en bonne santé apparente. Il se plaint de temps à autre de douleurs abdominales
de siège et de type mal précisés. Il n'est pas fébrile. Il pèse 21 kg 600 pour
une taille de 1 m 19.
L’examen clinique est sans anomalie
Un bilan paraclinique a été fait, il y a huit jours. En
voici les résultats :
VSH : 12 mm à la première heure
NFS : GR : 4.640.000/mm3
GB : 10 200/mm3, dont PN : 56%, PE : 5% (510 éléments/mm3),
lymphocytes : 39%, Plaquettes : 290 000/mm3
Examen parasitologique de selles :
recherche d’AKOP négative
Quel est votre diagnostic?
Quels sont les examens biologiques qui
doivent apporter le diagnostic?
Quels sont les traitements actifs?
Quelle est la prévention?
Discussion
Il s’agit d’une téniose (ou tæniasis)
affirmé par la présence d’anneaux de
tænia dans les sous-vêtements. L’infection à Tænia saginata est probable, compte tenu d’une part, des habitudes
alimentaires de la famille : alimentation
carnée à base de viande de bœuf et en particulier de steaks de zébu
hachés consommés peu cuits et d’autre part, de l’élimination des anneaux dans
les sous-vêtements.
La téniose à T. saginata est le plus souvent asymptomatique. Parfois, elle
entraîne des troubles digestifs : nausées, vagues douleurs abdominales, le
plus souvent de siège péri-ombilical, ballonnement abdominal, alternance de
diarrhée et de constipation, modifications de l’appétit (anorexie, boulimie).
Les signes neurologiques (convulsions chez l’enfant) et allergiques (prurit,
urticaire, dyspnée asthmatiforme) sont à rattacher avec beaucoup de prudence au
tæniasis.
La téniose à T. saginata est une cestodose adulte cosmopolite. L’Amérique
latine, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie centrale sont des régions de haute
endémicité. D’après les résultats d’examens de selles, la téniose à T. saginata ou à T. solium est rare à Madagascar, au moins dans la région de
Mahajunga. L’hyménolépiose à Hymenolepis
nana est plus fréquente, ce qui peut s’expliquer par un double cycle du
parasite, transmission féco-orale directe
d’homme à homme et indirecte par l’intermédiaire d’un insecte, le ver de
farine, l’homme se contaminant en ingérant accidentellement l’insecte dans la
farine mal cuite.
La localisation habituelle du Tænia saginata adulte chez l’homme est
le jéjunum. Le ver, en règle unique, est un ver plat, segmenté, de 4 à 12 cm de
long, avec à son extrémité antérieure le scolex (ou tête) de 1 à 2 cm de
diamètre, puis une chaîne d’anneaux ou proglottis, de 1 cm de long sur 2 à 3 mm
de large. Le scolex est fixé sur la muqueuse jéjunale. Les œufs, contenus dans
les derniers anneaux, sont expulsés dans le milieu extérieur. Ce sont des œufs
sphériques de 30 à 40 µm entourés d’une double coque, avec en leur centre un
embryon (embryophore). Les œufs, directement infectants, sont ingérés par un
bovidé. L’embryon, débarrassé de sa coque, pénètre la muqueuse intestinale de
l’animal et gagne les muscles striés. L’homme se contamine en consommant de la
viande de bœuf insuffisamment cuite ou crue. La larve devient adulte en 10 à 12
semaines.
Le diagnostic de la téniose à Tænia saginata repose :
- sur la recherche d’anneaux dans les selles et/ou les sous-vêtements,
- sur la recherche et l’identification
des œufs (les œufs de T. solium sont
identiques, la distinction entre T.
saginata et T.solium est
cependant essentielle à cause de la cysticercose que l’infection à T. solium peut entraîner)
- sur le scotch test de Graham qui
permet de prélever les embryophores déposés à la marge anale lors du passage
des anneaux à travers le sphincter anal.
L’hyperéosinophilie est modérée et
transitoire.
Le traitement de référence est le
praziquantel (Biltricide®), comprimés à 600 mg, à la dose de 10
mg/kg en prise unique. Le niclosamide (Tredemine®) peut être
prescrit, uniquement actif contre les tænia, il se présente en comprimés, à 500
mg qui doivent être longuement mastiqués avant d’être avalés avec très peu
d’eau. La dose est de 2 g, demi-dose entre 2 et 7 ans, en une prise.
Les alternatives thérapeutiques dans
les ténioses en situation d'échec sont l'albendazole (Zentel®) 400 mg/jx3 j
(AMM) ou le nitazoxanide (Cryptaz®) 2 à 3 g en une prise
(ATU-Etranger).
Le traitement du tæniasis a T. solium est identique. Un purgatif
salin est donné après la prise du médicament pour éviter une cysticercose
secondaire par auto-infection.
Le traitement de l’hyménolépiose est
différent : praziquantel 25 mg/kg en prise unique ou niclosamide 30 mg/kg
/j pendant 7 jours. En cas d'échec, Cryptaz®, 2 à 3 g en une prise.
Dans l’observation présentée, l’enfant
a reçu une prise de Biltricide®, un demi-comprimé (300 mg). Tous les
membres de sa famille ont été traités par le Biltricide®.
Des examens de selles faits chez
l’enfant trois jours après la prise de praziquantel ont montré la présence
d’œufs de tænia.
Il a été conseille à la mère de
faire consommer à sa famille de la
viande toujours bien cuite.
Références
Buchy P. les parasitoses digestives dans
la région de Mahajunga, côte Ouest de Madagascar. Bull. Soc. Path. Exot., 2003,
96,41-45.
Delpy R., Guisset M., Klotz F.
Cestodoses adultes. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8511-A-10, 2005,
16 p.
Aubry P. Nouveautés thérapeutiques dans
les helminthiases. Bull. Soc.
Path. Exot., 2007, 100,
154-155.
Iconographie
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Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)
Professeur Pierre Aubry. Texte revu le
30/06/2007.