Méningite à
cryptoccoques chez un Burundais VIH positif : cas clinique.
Observation
Un homme de 32 ans, Burundais,
fonctionnaire, marié, père de 2 enfants, est admis au CNHU de Bujumbura
(Burundi) pour des céphalées, une fièvre et une asthénie. Dans ses antécédents,
on note un amaigrissement récent de 20 kg en 6 mois, un zona intercostal il y a
4 ans, ayant récidivé il y a 6 mois. Il présente depuis 3 mois une diarrhée
faite de 3 à 6 selles par jour, liquides, non sanglantes.
A l’examen, on note un syndrome méningé franc, une
température est à 38,8°C, une parésie du membre supérieur gauche, des
adénopathies latérocervicales bilatérales.. Il n’y a pas d’atteinte des nerfs
crâniens. Il existe des troubles psychiques avec obnubilation, une
désorientation temporospatiale avec épisodes délirants.
Examens paracliniques :
VSH : 75 mm à la 1ère
heure
NFS : GR : 4 520
000/mm 3, Hb : 12,4 g/l ; GB : 6 200/mm3,
Lymphocytes : 19% (1 200/mm3) ; Plaquettes ; 190 000/mm3
Ponction lombaire : LCR clair, hypertendu, 5 élements/mm3,
proteinorachie : 1,15 g/l, glycorachie : 0,25 g/l.
Examen de selles : isolement
d’oocystes d’Isospora belli
Anticorps
anti-VIH : positif (2 tests ELISA)
Le diagnostic est apporté par l ‘examen direct du LCR
(coloration à l’encre de Chine)
Quel est votre diagnostic ?
Quels
examens complémentaires sont utiles pour confirmer le diagnostic ?
Quels traitements allez-vous prescrire ?
Discussion
Le malade présente un sida avec atteinte sévère de l’état
général (fièvre, amaigrissement), une diarrhée chronique, des adénopathies et
des infections opportunistes (antécédents de zona, diarrhée due a à une
isosporose) et une positivité de la sérologie VIH.
Le syndrome neurologique associant
syndrome méningé, déficit moteur, troubles du comportement évoque une méningo-encéphalite
(ME).
Le diagnostic étiologique de cette ME
est apporté par la mise en évidence de cryptocoques à l’examen direct
(coloration à l’encre de Chine) qui montre des levures de 4 à 8 µm de diamètre,
entourées d’un halo clair. Les antigènes solubles polysaccharidiques (Ags) sont
positifs dans le LCR à 1/64éme. La culture sur milieu de Sabouraud se positive
en 48 heures à 37°C. L’identification sur galeries de Levures Pasteur (sucre,
uréase +) montre qu’il s’agit de Cryptococcus
néoformans.
D’autres infections opportunistes neuro-méningées
pourraient être en cause, en particulier la tuberculose neuro-méningée.
La cryptococcose est une infection
opportuniste due à une levure tellurique et ubiquitaire. Elle est fréquente en Afrique subsaharienne depuis le
sida. Elle se contracte par inhalation avec au départ une primo-infection
pulmonaire en règle asymptomatique. Elle réalise dans la quasi-totalité des cas
une ME subaiguë. Les signes d’appel sont les céphalées, la fièvre, l’atteinte
de l’état général. L’examen neurologique met en évidence un syndrome méningé
plus ou moins franc, parfois des troubles de la conscience et du comportement.
Des troubles déficitaires et une atteinte des nerfs crâniens sont plus rarement
observés. L’examen du LCR permet le diagnostic ; liquide clair, avec
formule cytologique à prédominance lymphocytaire, mais la cellularité peut être
normale comme dans notre observation, hyperprotéinorachie, hypoglycorachie,
mise en évidence des crytoccoques souvent à l’examen direct (un seul élément
permet d’affirmer le diagnostic), toujours par la culture.
Des localisations pulmonaires (aspect
de pneumopathie interstitielle à la radiographie) et cutanées (à type de
papules, de nodules évoluant vers l’ulcération) isolées sont moins fréquentes,
mais au cours du sida des formes disséminées sont courantes.
Dans l’observation présentée, la ME à
cryptoccoques est associée à une infection parasitaire digestive à Isospora belli. Il s’agit d’un
protozoaire souvent mis en évidence chez l’Africain atteint de sida. Il
entraîne une diarrhée chronique par malabsorption. Ce parasite, invasif, est
mis en évidence dans les selles (technique de concentration combinée de Junod)
et/ou sur l’examen du liquide d’aspiration duodénale et sur l’examen anatomo-pathologique
des biopsies duodénales recueillis lors d’une endoscopie digestive haute.
Le traitement de la ME à
cryptocoques est l’amphotéricine B (FUNGIZONEâ) à la dose de
0,7 à 1mg/kg/j ou l’amphotéricine B
liposomiale (AMBISOMEâ) à la dose de
3 à 6 mg/kg/j pendant 15 jours avec relais par le fluconazole (TRIFLUCANâ) 400 mg per
os en une prise journalière (le TRIFLUCANâ diffuse bien dans le LCR) pour une durée de 15 à 45 jours
suivant l’évolution clinique et mycologique. Le TRIFLUCANâ peut être
prescrit d’emblée à la dose de 400 mg/j par voie orale jusqu’à négativation des
foyers initialement positifs, puis à la dose de 200 mg/j.
Le malade a été traité par TRIFLUCANâ 400 mg/j. On
a noté une amélioration clinique et mycologique dès le 20ème jour
avec disparition des cryptoccoques dans le LCR à l’examen direct et à la
culture, le taux des antigènes étant alors à 1/32 éme.
Une prophylaxie secondaire par TRIFUCANâ 200
mg/j est obligatoire, mais son coût élevé fait qu’elle n’est pas suivie en
pratique en Afrique.
Le traitement de l’isosporose repose sur le cotrimoxazole
prescrit à la dose de 4 comprimés de BACTRIMâ ou de 2 comprimés de BACTRIM FORTâ
pendant 2 semaines chez l’adulte.
Il est demandé au malade de prévenir sa
famille de son état. Un soutien psychosocial lui sera apporté.
Références
Aubry P., Touze J.E.
Méningo-encéphalite à cryptocoques. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La
Duraulié édit., mars 1990, pp. 163-164 ;
Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Des
céphalées fébriles. Médecine Tropicale au quotidien.100 cas cliniques. Format
Utile. Editions Varia, mars 2001, pp. 167-168.
Iconographie
Examen du LCR (encre de
Chinex1000) : présence de nombreuses levures encapsulées.
Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé
le 24/01/2004.
|
Collections : Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A Le Pharo (Marseille)