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Dengue : cas clinique

 

Dengue chez un français métropolitaine au retour des Antilles : cas clinique

 

Observation

 

Un jeune homme, âgé de 24 ans, de nationalité française, étudiant, consulte pour une fièvre à 40°C, des frissons, des douleurs diffuses (céphalées, arthro-myalgies).

L’interrogatoire apprend qu’il vient de faire un séjour touristique de deux mois à la Martinique et qu’il est rentré depuis 4 jours en France métropolitaine. Au milieu de son séjour, il a passé une semaine en Guyane française. Quarante-huit heures après son retour de Martinique est survenu un syndrome pseudo-grippal avec embarras gastrique fébrile, douleurs diffuses, en particulier douleurs lors des mouvements des yeux.

A l’examen clinique, on note une hyperémie conjonctivale avec un faciès vultueux, un exanthème fait de macules siégeant au niveau du tronc et des extrémités des membres, avec quelques pétéchies au niveau des pieds. Il n’y a ni adénomégalie, ni hépatomégalie, ni splénomégalie. La conscience est normale. Il n’y a pas de syndrome méningé. La tension artérielle est à 130/80 mmHg, le pouls à 96/mn.

Il a été vacciné, avant son départ, contre les hépatites A et B, la fièvre typhoïde et la fièvre jaune. Il a suivi une chimioprophylaxie antipalustre par LARIAMâ depuis son séjour en Guyane et depuis son retour.

 

Examens paracliniques :

VSH : 22 mm à la première heure ; CRP : 25 mg/l

NFS : globules rouges : 5.480.000/mm3, taux d’Hb : 15,6 g/dl, VGM : 84µ3 ;

globules blancs : 2 100/mm3, polynucléaires neutrophiles : 57%, lymphocytes : 33%, monocytes : 8% ; plaquettes : 56 000/mm3.

ASAT : 23 UI/l, ALAT : 30 UI/l.

Créatininémie : 92 µmol/l

Examen des urines : protéinurie : 0,05 g/l, glycosurie : négative ; examen direct : flore microbienne nulle ; cultures stériles.

Radiographie thoracique : ITN

 

Quel est votre diagnostic ?

Sur quels éléments cliniques et/ou biologiques, appuyez-vous ce diagnostic ?

Quels sont les examens complémentaires pour affirmer ce diagnostic ?

Quelles sont les complications à craindre de cette maladie ?

Quel est le traitement ?

Quelle est la prévention ?

 

Discussion

 

Chez ce jeune adulte revenant d’un séjour dans les Antilles, mais aussi en Guyane Française, sous chimioprophylaxie antipalustre, on élimine cependant d’emblée un accès palustre par le frottis sanguin et la goutte épaisse qui sont négatifs. L’absence de cytolyse hépatique et de syndrome rénal sont contre une leptospirose.

En fait, l’une des principales causes du syndrome fébrile observé au retour d’un séjour en zone tropicale est la dengue ou les syndromes dengue-like.

Le diagnostic sera apporté ici par la mise en évidence d’IgM spécifiques anti-DEN (il s’agit d’anti-DEN-2) en ELISA.

La dengue est une arbovirose due à un flavivirus, transmise par la piqûre d’un moustique femelle du genre Aedes, Aedes aegypti en zone urbaine, Aedes. albopictus en zone rurale, qui ont une aire de répartition mondiale, touchant les cinq continents. Les épidémies de dengue sont, en partie, consécutives à la baisse de lutte antivectorielle

La dengue sévit en Asie du sud-est, en Australie, en Océanie, dans l’Océan indien, dans les Caraïbes, en Amérique  (du sud-est des USA an nord de l’Argentine), en Afrique subsaharienne. Les départements et territoires français d’outre-mer sont tous endémique : Nouvelle-Calédonie, Martinique, Guyane, Guadeloupe, Polynésie française, Mayotte, La Réunion.

Il existe 4 sérotypes distincts du virus de la dengue : DEN-1, DEN-2, DEN-3, DEN-4. D’autres arboviroses donnent une symptomatologie identique (syndromes dengue-like), en particulier en  Afrique, en Asie et actuellement dans l’Océan indien le virus Chikungunya, et il est impossible cliniquement de les distinguer. De plus, il y a des formes frustres purement fébriles et des formes inapparentes

La dengue classique est caractérisée par :

- une incubation de 7 jours en moyenne (1 à 14 jours),

- une période d’invasion avec fièvre > 38,5°C d’apparition brutale, frissons, malaise général, céphalées frontales, myalgies, arthralgies, douleurs lors des mouvements des yeux quasi-pathognomoniques (par myalgies des muscles oculomoteurs), des nausées et des vomissements, une éruption cutanée,

- une rémission avec chute de la fièvre, donnant à la courbe fébrile un aspect biphasique,

- une période d’état avec reprise de la symptomatologie.

L’évolution est spontanément favorable, la durée totale de la maladie est d’environ une semaine, suivie d’une convalescence longue, avec une asthénie marquée. La guérison est obtenue sans séquelles.

 

 

Dengue d’importation : principaux syndrome et signes cliniques

 

 

- Fièvre : 100%                           - Hypotension artérielle : 28%                                

- Asthénie : 65%                         - Bradycardie relative : 28%

- Céphalées : 59%                      - Signes neurologiques : 22%

- Courbatures : 59%                    - Microadénopathies : 20%

- Signes cutanés : 59%               - Hémorragies muqueuses : 16%

- Myalgies : 54%                          - Splénomégalie : 5%

- Signes digestifs : 50%

- Thrombopénie : 84%

- Leucopénie : 59%

                                                                        

 

A côté de la dengue classique, des formes graves, parfois mortelles, font toute la gravité de la maladie. Ce sont des formes hémorragiques, hépatiques et neurologiques. La dengue hémorragique (DH), dont la fréquence actuelle est partout signalée au cours des grandes poussées épidémiques, en particulier chez l’enfant de 2 à 14 ans, survient entre le 3e et le 5e jour, au moment de la chute de température. Elle se caractérise par des hémorragies cutanées et muqueuses et par des hémorragies internes, surtout digestives. Elle peut être cause d’un syndrome de choc (DSC) de survenue brutale au moment de l’apyrexie. La mortalité, qui est de 1 à 5% dans le DH, est de 20% dans DSC (mort en moins de 24 heures).

La DH survient à l’occasion d’une deuxième infection et serait en rapport avec un phénomène de facilitation de l’infection des monocytes par des anticorps circulants issus d’une première dengue.

 

Critères de diagnostic clinique et biologique de la DH (OMS, 1986)

 

 

Dengue hémorragique

 

 

1. Fièvre. Début brutal : forte et sans rémission durant 5 à 7 jours

2. Manifestations hémorragiques. Au moins, signe du lacet positif et éventuellement les phénomènes suivants : pétéchies, purpura, ecchymoses, épistaxis, gingivorragies, hématémèses et/ou méléna

3. Hépatomégalie

4 Thrombopénie  < 100 000/mm3

5. Hémoconcentration : hématocrite augmenté d’au moins 20% (fuite plasmatique)

 

 

Dengue avec syndrome de choc

 

 

1. Tous les critères de Dengue hémorragique +

2. Hypotension ou pincement de la différentielle

 

Le diagnostic biologique de la dengue est effectué par diverses techniques : mise en évidence des IgM, séroconversion sur 2 sérums prélevés à 15 jours d’intervalle, isolement du virus, PCR.

Le traitement de la dengue classique est symptomatique : repos, réhydratation orale, antalgiques, antipyrétiques : paracétamol (attention à l’acide acétylsalicylique compte-tenu du risque hémorragique).

La prévention repose sur la lutte antivectorielle contre les Aedes (sprays insecticides toute la journée, les Aèdes piquant la journée à la différence des Anophèles qui ne piquent que la nuit). Il n’a pas actuellement de vaccin disponible. Des vaccins sont à l’étude, mais les 4 types différents de virus de la dengue rend leur mise au point difficile.

Il faut particulièrement surveiller les voyageurs ayant déjà fait une dengue et présentant un deuxième épisode, vu le risque hémorragique. Il n’y a pas d’immunité croisée entre les 4 types de virus.

Le malade présenté n’avait jamais été hors de France métropolitaine et n’avait donc pas été en contact auparavant avec un des virus de la dengue. Il n’y avait donc pas théoriquement de risque de dengue hémorragique. Cependant, une surveillance clinique et biologique a été faite vu la présence de quelques pétéchies à l’examen clinique : TA, signe du lacet, plaquettes, hématocrite ont été surveillés tous les jours. L’évolution a été favorable sous traitement symptomatique.

 

Références

 

Badiaga S., Delmont J., Brouqui P., Janbon F., Durant J. et coll. Dengue importée : étude de 44 cas observés de 1994 à 1997 dans 9 Centres Hospitaliers Universitaires. Path. Biol., 1999, 47, 539-542.

Touze J.E., Piron F., Malvy D. Une fièvre hyperalgique. Médecine Tropicale au quotidien. Format utile. Editions Varia. 2001, pp. 237-239.

Rodhain F. Fièvre jaune, dengue et autres arboviroses. Encycl. Méd. Chir. , Maladies infectieuses,

8-082-A-10, 2001, 19 p.

Klement E., Bricaire F., Caumes E. La dengue, maladie émergente. Concours méd., 2003, 125, 1249-1254.

Hubert B., Pasche J., Laille M. Epidémie de dengue sévère en Polynésie française, 2001. Nouvelles preuves du rôle d’une infection antérieure. Médecine et maladies infectieuses, 2006, 36, S11.

 

 

Iconographie

 

Rash érythémateux

 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte revu le 20/06/2006.

Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)

Dengue : rash