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  Deshydratation du nourrisson : cas clinique

Déshydratation du nourrisson chez un enfant malgache : cas clinique.

 

0bservation

 

Un enfant de 13 mois est hospitalisé à l’Hôpital de Soavinandrina à Antananarivo, capitale de Madagascar, pour une diarrhée  et des vomissements évoluant depuis 36 heures. Sa famille habite en ville.

Dans ses antécédents, on note des infections rhino-pharyngées et des épisodes de diarrhée jusqu’ici sans gravité. Les vaccinations du Programme Elargi de Vaccinations sont à jour. Il a été nourri exclusivement au sein pendant 10 mois, et est actuellement nourri au sein avec des bouillies de riz.

A l’examen, le poids est de 8,200 kg  pour une taille de 77 cm, le périmètre brachial est à 140 mm. La température est à 38,2°C, le pouls à 95/mn, la TA à 90/50 mm de Hg, Les yeux sont excavés, la langue sèche, le pli cutané abdominal persistant. L’enfant, assoiffé, est très agité.

La recherche d’un foyer infectieux (voies aériennes supérieures, oreilles, poumons, méninges) est négative.

Au cours de l’examen, l’enfant émet une selle liquide, abondante, aqueuse, ne contenant ni sang, ni glaire.

 

Examens complémentaires :

Taux d’Hb : 11 g/dl, leucocytes : 9 000/mm3

Créatininémie : 20 mg/l ; pH : 7.23

Frottis sanguin : absence d’hématozoaires

Examen parasitologique des selles : présence d’œufs d’ascaris

Coproculture : négative

Examen cytobactériologique des urines : stérile

Télé thorax de face : ITN

 

1-       Quel est votre diagnostic ?

2-       Quels examens complémentaires sont utiles au diagnostic ?

3-       Quel(s)  traitement(s) allez-vous prescrire ?

4-       Quelle est l’évolution attendue sous traitement ?

 

Discussion

 

Le diagnostic est évident : il s’agit d’une diarrhée aiguë, aqueuse, récente chez un nourrisson de 13 mois entraînant en moins de 48 heures une déshydratation.

Suivant les critères de gravité de la déshydratation du nourrisson (OMS), il s’agit d’une déshydratation modérée (perte de poids entre 5 et 10%), ne mettant pas en jeu dans l’immédiat le pronostic vital.

 

Tableau I : Critères de gravité de la déshydratation du nourrisson

 

 

Perte de poids

 

 

Déshydratation

 

Signes cliniques

 

< 5%

 

légère

 

 

Soif, muqueuses sèches

 

5 à 10%

 

modérée

 

Pli ébauché, fontanelle déprimée, yeux excavés

 

 

> 10%

 

 

sévère

 

Pli cutané franc, oligurie, langue rôtie, troubles  de la conscience

 

 

> 15%

 

risque vital

 

 

Hypotension artérielle, tachycardie, coma

 

 

Dans les PED, les diarrhées bactériennes sont les plus fréquentes (50 à 60%). Il s’agit ici d’une diarrhée aqueuse, non invasive (ni glaire, ni sang) diarrhée dite hydrique, dont l’étiologie n’est pas précisée (coproculture  négative). L’étiologie est soit bactérienne (Vibrio cholerae, Escherichia coli entérotoxinogénes ou ETEC), soit virale (Rotavirus), soit parasitaire (Cryptosporidium, Giardia, Anguillules). Rappelons qu’il ne faut pas rattacher une diarrhée aux ascaris sans avoir éliminé une autre cause.

Les complications les plus fréquentes des diarrhées du nourrisson sont la déshydratation et la malnutrition protéino-énergétique

Les examens biologiques ne sont pas utiles, ni pour juger de la gravité de la déshydratation, ni  pour suivre la réhydratation, les critères cliniques suffisent.

Par contre, il faut apprécier l’état nutritionnel par des critères anthropométriques basés sur le poids, la taille, le périmètre brachial. Il est ici satisfaisant, la mesure du périmètre brachial étant à 140 mm.

La deshydratation est responsable de la mortalité élevée des diarrhées de l’enfant dans les PED. Les diarrhées constituent plus de 90% des étiologies des déshydratations.

La réhydratation  est impérative. Elle se fait, en cas de déshydratation légère à modérée, par voie orale grâce aux solutés de réhydratation orale (SRO). L’OMS et l’UNICEF ont recommandé l’utilisation d’une formule unique de SRO à base de glucose pour traiter ou prévenir la déshydratation due à la diarrhée quelqu’en soit l’étiologie (formule dite standard, 1985). Cette solution de SRO ne réduisant pas le volume des selles ou la durée de la diarrhée, une formule de SRO améliorée, à osmolarité réduite, a été recommandée en 2002. Cette solution doit être utilisée dans les diarrhées aiguës non cholériques. Elle est associée à une réduction du volume des selles, une réduction des vomissements et surtout à une réduction des besoins en perfusion intraveineuse. Chez les enfants présentant une diarrhée due au choléra, les 2 solutions ont une efficacité identique

 

Tableau II. Composition de la solution de SRO standard et de la solution de SRO à osmolarité réduite.

 

 

 

SRO standard

g/L

 

SRO à osmolarité  réduite

g/L

 

 

SRO

standard

g/L

 

SRO à osmolarité  réduite

g/L

 

Chlorure de sodium

 

Glucose anydre

Chlorure de potassium

Citrate trisodique

 

 

3,5

 

20,0

1,5

2,9

27,9

 

2,6

 

13,5

1,5

2,9

20,5

 

Sodium

Chlorure

Glucose anhydre

Potassium

Citrate

Osmolarité totale

 

90

80

111

20

10

311

 

75

65

75

20

10

245

 

Le contenu d’un sachet est mélangé à 1 litre d’eau.

Un soluté simplifié peut être d’une grande utilité en zone tropicale : saccharose 40 g, NaCl 3,5 g, soit 8 morceaux de sucre et 1 cuillère à café rase de sel de cuisine pour un litre d’eau.

Dans le cas présenté, la réhydratation par voie orale a été faite d’emblée par le SRO standard en apportant 200 ml/kg/24 heures, soit 100 ml/kg les six premières heures (période de réhydratation), puis 100 ml/kg les 20 heures suivantes. Cette réhydratation se fait par petites doses rapprochées données à la cuillère. Elle a été poursuivie jusqu’à l’arrêt de la diarrhée.

En cas de réhydratation sévère et/ou de vomissements répétés, la réhydratation se fait au départ par voie intraveineuse par une solution type Ringer lactate enrichi en potassium ou par des solutés reconstitués : SG iso : 1 litre, NaCl : 3 g, KCl : 1,5 g, gluconate de Ca : 1 g, sans bicarbonates, indiqués si le pH est < 7.10. Puis, les besoins quotidiens sont apportés par les SRO.. Chez les enfants sévèrement malnutris, la réhydratation se fait avec le ReSoMal.

Il faut surveiller régulièrement le nourrisson pour s’assurer d’une bonne réhydratation (pli cutané, poids, diurèse) et pour éviter une hyperhydratation, surtout chez les enfants malnutris. Un œdème palpébral, une dyspnée imposent la réduction du débit de réhydratation.

Le traitement antibiotique est inutile dans les diarrhées aqueuses virales ou à ETEC. Il est par contre toujours nécessaire dans les diarrhées invasives (shigelles, salmonelles non typhiques, Escherichia coli entéropathogénes,…) par cotrimoxazole, C3G ou fluoroquinolones.

Un traitement symptomatique par ralentisseurs du transit ou antisecrétoires est inutile.

La vitamine A doit toujours être prescrite à la dose de 200 000 UI.

 

Sous réhydratation bien conduite, l’évolution immédiate est le plus souvent favorable. Dans les PED, des complications secondaires et tardives sont toujours à craindre, en particulier l’apparition d’une malnutrition proteino-énergétique. La renutrition doit donc être précoce dès le 2éme jour d’hospitalisation. Elle repose sur l’allaitement maternel chez l’enfant nourri au sein et sur des préparations lactées ou des produits de substitution chez l’enfant sevré..

Dans le cas présenté, l’allaitement maternel, exclusif pendant 10 mois, est associé depuis 3 mois à des bouillies de sevrage, bouillies cuites  préparées à base de riz, souvent fortement diluées par les mères compte-tenu de leur forte viscosité qui en rend l'ingestion difficile pour l’enfant. C’est une des causes principales d’infections et de  malnutrition observée chez les enfants de plus de 6 mois si elles constituent la base de la ration.

Le retour à un régime varié est obtenu dès que le poids s’est normalisé (9 kg dans le cas présenté).

A la sortie, un déparasitage par mébendazole (VERMOX®) est prescrit à la dose de 100 mg matin et soir pendant 3 jours (ou de 500 mg en dose unique).  Une chimioprophylaxie antipalustre n’est pas prescrite chez ce nourrisson qui habite en ville.

Pendant l’hospitalisation, l’éducation de la mère est axée sur les mesures d’hygiène et sur la nécessité d’une réhydratation par SRO dès la première selle diarrhéique.

 

Références

 

Aubry P., Touze J.E. Déshydratation du nourrisson. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié edit., mars 1990, pp. 208-209

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Un nourrisson diarrhéique. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Editions Varia, Format utile, Mars 2001, pp. 252-255.

Dillon J.C., Imbert P. L’allaitement maternel dans les pays en développement. Evolution et recommanadations actuelles. Med. Trop., 2003, 63, 400-406.

Gendrel D. Diarrhées parasitaires chez l’enfant eutrophique et l’enfant malnutri. Med. Trop., 2003, 63, 442-448.

Fontaine O. Actualités sur les solutions de sels de réhydratations par voie orale dans le traitement des diarrhées de l’enfant. Med. Trop. , 2003, 63,486-490.

 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte revu le 11/08/2005.