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Donovanose. Cas clinique.

 

Observation

Un  homme de 32 ans, originaire du Mali, est admis dans le service de médecine interne du CHU de Libreville (Gabon) pour des ulcérations génitales indolores évoluant depuis quinze jours. Il travaille comme maçon dans une entreprise de travaux publics.

Cet homme jeune, séparé de sa famille, a des rapports sexuels non protéges avec des partenaires de rencontre. Le dernier rapport remonte à un mois. Quinze jours après, il a vu apparaître des papules et des vésicules sur la verge et au niveau des plis inguinaux. Ces lésions ont évolué vers des nodules qui se sont secondairement ulcérés.

A l’examen, on est en présence d’un homme en bon état général. Il présente essentiellement des ulcérations génitales, indolores, indurées et bourgeonnantes en périphérie. De ces lésions sourd en permanence une sérosité. Le reste de l’examen est sans anomalie.

L’examen bactériologique de la sérosité ne montre pas de bacilles. L’examen du frottis obtenu par raclage d’une ulcération, coloré par le Giemsa, montre de nombreux histiocytes dont certains contiennent une grande quantité de bacilles constitués de 2 pôles fortement colorés en violet, entourés d’un halo.

 

Quels diagnostics doit-on évoquer ?

Quelles sont les critères diagnostiques des principales ulcérations génitales ?

Quels examens para-cliniques sont utiles au diagnostic étiologique de ces ulcérations ?

Quel traitement allez-vous prescrire à ce malade ?

 

Discussion

Il s’agit à l’évidence chez cet homme jeune, présentant des ulcérations génitales bourgeonnantes, apparues après des rapports sexuels avec des prostituées, d’une maladie sexuellement transmissible.

La syphilis primaire ou primo-secondaire est certainement la première infection à évoquer, même si l’aspect des lésions n’est pas en faveur. Le chancre syphilitique est une ulcération, le plus souvent unique, parfois multiple, indurée, accompagnée d’adénopathies peu inflammatoires, avec parfois un «préfet de l’aine». La négativité des sérologies TPHA- VDRL élimine ce diagnostic.

La présence de plusieurs ulcérations doit faire discuter un chancre mou, Les ulcérations sont multiples, non indurées, douloureuses spontanément et à la palpation, de consistance molle, à bords décollés et inflammatoires, à fond fibrino-purulent. Il y a de grosses adénopathies douloureuses. Un critère spécifique est l’auto-inoculation par contiguïté. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de bacilles Gram négatif à l’intérieur des polynucléaires ou extracellulaires regroupés en chaînettes (bacilles de Ducrey).

La lymphogranulomatose vénérienne ou maladie de Nicolas-Favre est en pratique une maladie systémique chronique, dont le point de départ est une ulcération génitale souvent méconnue, révélée par deux tableaux cliniques principaux : adénites inguinales réparties de part et d’autre de l’arcade crurale (signe de la poulie) évoluant vers la fistulisation  (en pomme d’arrosoir) et une rectite aiguë. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de Chlamydia trachomatis (par ponction ganglionnaire) et un taux élevé d’anticorps spécifiques.

Quant à l’herpès, du à Herpes simplex virus 2, il s’agit d’érosions multiples groupées en bouquet, très douloureuses, avec de multiples adénopathies de petite taille, sensibles et fermes.

Devant les lésions génitales multiples, ulcérées, bourgeonnantes, étendues (verge, plis inguinaux) que présente ce malade, la présence sur le frottis de raclage de bacilles Gram négatif dans les histiocytes, prenant une coloration bipolaire (les corps de Donovan), le diagnostic de donovanose ou granulome inguinal est retenu. Il s’agit d’une maladie sexuellement transmissible d’origine bactérienne, due à Calymmatobacterium granulomatis.

Les foyers d’endémie de la donovanose sont l’Inde, l’Australie, la Papouasie Nouvelle Guinée, l’Afrique du sud, les Guyanes, les Caraïbes, le Brésil. Elle est rarement rapportée en Afrique. Elle peut se rencontrer en zones tempérées chez des transplantés au retour des tropiques ou dans les populations migrantes.

Elle survient en pratique de 20 à 40 ans, à la période de maturation sexuelle, le sex ratio est de 2/1, il existe une prédominance de la maladie chez les Noirs.

Elle a une incubation variable, souvent longue (durée moyenne de 50 jours) à la différence de la syphilis et du chancre mou.

Les ulcérations bourgeonnantes, localisées sur l‘appareil génital ou, plus rarement, dans la région anale, saignent facilement au contact (ulcérations dites framboisiformes) sont indolores, s’étendent par contiguïté «en feuille de livre». Les bords des ulcérations sont en margelle de puits. IL n’y a pas d’adénopathie satellite, mais il peut exister des pseudo-bubons par diffusion sous-cutanée (aires inguinales).

La localisation la plus fréquente chez l’homme est le prépuce, le sillon balano-préputial et, plus rarement, le gland ; chez la femme, la fourchette et les lèvres. Il existe des localisations extra-génitales, surtout orales.

L’évolution non traitée peut s’étaler sur des années avec des destructions tissulaires étendues, laissant des cicatrices rétractiles ou d’importantes mutilations.

Le diagnostic peut être complété par un examen histopathologique, en particulier en cas de localisation cervicale chez la femme. La PCR est en développement.

Il faut toujours rechercher une co-infection avec une autre maladie sexuellement transmissible (syphilis) et une co-infection avec l’infection à VIH/SIDA. Des lésions délabrantes et/ou extensives sont fréquentes chez le sidéen. La sérologie VIH1 et VIH2 est impérative.

Le traitement de la donovanose comporte en première intention (OMS, CDC Atlanta) :

- doxycycline 100 mg 2 cp/j pendant 3 semaines ;

- (ou) cotrimoxazole 480 mg 2 cp/j pendant 3 semaines.

- (ou) azithromycine (ZYTHROMAXâ) 1 g le premier jour, puis 500 mg pendant 6 jours.

Les alternatives thérapeutiques sont :

- ciprofloxacine (CIFLOXâ) cp à 750 mg, 2 cp/j.

- érythromycine cp à 500 mg, 4 cp/j pendant 3 semaines (femme enceinte).

Note : l’azithromycine en cure unique de 1 g est active dans les donovanoses récentes et peu étendues.

Chez ce malade, VIH négatif, le traitement a consisté en doxycycline à la dose de 200 mg/j pendant 21 jours : l’évolution a été favorable en cinq semaines avec une cicatrisation des lésions.

Le traitement des sujets contacts est rarement possible (rapports avec des prostituées notamment) en zones tropicales.

 

 

Références

Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie edit., mars 1990, p. 178.

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format Utile. Editions Varia, mars 2001, pp. 214-217.

Clyti E., Pradinaud R. Donovanose. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-020-A-10, 2004, 5 p.

 

 

Iconographies

Malade : ulcérations multiples de la verge, des plis inguinaux.

 

Professeur Pierre Aubry. Texte revu le 15/06/2004.

Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)

Donovanose Donovanose
Corps de Donovan Donovanose: ulcérations génitales