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Maladie de Kaposi chez un Centrafricain VIH négatif : cas clinique.

 

Observation 

Un homme de 32 ans, Centrafricain, est admis au CHU de Bangui pour des nodules sous-cutanés prédominants au niveau des deux mains et des 2 avant-bras. Ces lésions sont apparues il y a 2 ans, d’abord à la face dorsale des mains, puis à la face palmaire et ont remonté vers la racine des membres supérieurs sur les avant-bras.

Elles sont indolores et n’entraînent pas d’impotence fonctionnelle malgré leur diffusion. On dénombre une vingtaine d’éléments. Ils sont durs, enchâssés dans le derme, hyperpigmentés, avec des nuances pourpres, parfois ulcérés et bourgeonnants. Le reste du revêtement cutané est indemne de toute lésion, ainsi que les muqueuses.

L’état général est conservé, malgré un amaigrissement chiffré à 4 kg depuis un an. Il n’existe ni fièvre, ni diarrhée. Il n’y a pas d’anomalie neurologique, cardiaque, pulmonaire ou abdominale à l’examen clinique. Les aires ganglionnaires sont libres. Le foie et la rate sont de volume normal.

 

Examens paracliniques :

VSH : 22 mm à la 1ère heure

NFS : taux d’Hb : 13,2 g/l ; GB : 7 800/mm3,  lymphocytes : 42% ( 3276/mm3)

IDR à la tuberculine : positive à 8 mm

Radiographie thoracique : ITN

Anticorps anti-VIH : négatifs.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quel(s) examen(s) complémentaire(s) sont utiles pour confirmer ce diagnostic ?

Quel est le traitement de cette maladie ?

 

Discussion 

Le diagnostic est clinique : il s’agit d’une Maladie de Kaposi (MK) dans sa forme endémique. Les lésions nodulaires, violines, indolores, la localisation aux extrémités ( ici les mains), la progressant en taille et en nombre, la topographie distale à tendance centripète des lésions sont typiques d’une Maladie de Kaposi.

Le diagnostic de certitude repose sur la biopsie cutanée qui montre une double prolifération cellulaire dans le derme moyen, l’une faite de cellules fusiformes en nappe, l’autre de cellules endothéliales vasculaires, ainsi qu’un infiltrat inflammatoire.

La négativité des anticorps anti-VIH permet de classer cette MK dans la forme endémique. On distingue, en effet, quatre formes cliniques de la MK :

- la forme classique connue depuis 1872, atteignant l’homme âgé, essentiellement cutanée,

- la forme endémique, connue depuis 1960, forme de l’homme jeune (avant 40 ans), réalisant des lésions cutanées florides,

- la forme liée à une immunodépression iatrogène décrite en 1970 chez les patients greffés traités par immunosuppresseurs : les lésions sont cutanées et muqueuses,

- la forme épidémique connue depuis 1981 liée au sida, forme généralisée, associée le plus souvent à des infections opportunistes.

Il faut, en Afrique, bien différencier la forme endémique et la forme épidémique liée au sida, le pronostic et le traitement dépendant de la forme clinique :

- dans la MK endémique, les nodules sont durs, situés aux extrémités des membres, le plus souvent des membres inférieurs, plus rarement supérieurs, l’atteinte est distale et bilatérale, les lésions muqueuses et viscérales rares,

- dans la MK épidémique liée au sida, il y a de nombreuses papules infiltrées, parfois ulcérées, siégeant au tronc, au visage, aux membres, avec une atteinte muqueuse (palais), des localisations viscérales digestives, pulmonaires, ganglionnaires.

Il faut systématiquement rechercher en zone d’endémie de l’infection à VIH/SIDA :

- une atteinte immunitaire par un compte précis des lymphocytes, une IDR à la tuberculine, si possible une numération des CD4+,

- une ou des infections opportunistes : examen clinique, radiographie pulmonaire, échographie abdominale, examen du LCR,

- les marqueurs de l’infection à VIH/SIDA. 

Le virus HHV8 a été identifié dans les cellules tumorales de la MK épidémique par des techniques de biologie moléculaire.

Le traitement de la forme endémique de la MK repose soit sur l’abstention s’il y a moins de 5 lésions ou sur la chimiothérapie : on privilégie une monothérapie par la bléomycine qui est efficace et d’emploi simple une injection IV stricte de 15 mg toutes les 2 ou 3 semaines (ne pas dépasser 300 mg) en surveillant régulièrement la NFS (risque de cytopénie d’origine centrale) et l’état du parenchyme pulmonaire (risque de fibrose)..

Dans le cas présenté, le traitement a permis une amélioration notable des lésions, mais n’a pu être poursuivi que pendant 3 mois.

 

Références

 

Aubry P., Touze J.E. Sarcome de Kaposi. Cas cliniques en Médecine Tropicale, La Duraulié édit. , mars 1990, pp.192-193.

 

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Des plaques violines. Médecine Tropicale au quotidien, 100 cas cliniques. Format Utile. Editions Varia, mars 2001, pp. 284-287.

 

Iconographies 

 

Nombreux nodules  sous-cutanés du membre supérieur

Examen antomopathologique : double prolifération fibroblastique et vasculaire (HESx250).

 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 23/01/2004.

Collections : Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A Le Pharo (Marseille)

Nodules sous-cutanés du membre supérieur Anatomopathologie : double prolifération fibroblastique et vasculaire