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Leishmaniose viscérale au retour du Tchad : cas clinique.

 

 

Observation 

Un homme de 38 ans, militaire, de retour du Tchad, où il a fait une mission de 2 mois, est admis à l’Hôpital d’Instruction des Armées Laveran à Marseille pour une altération fébrile de l’état général.

La symptomatologie est apparue il y a 3 semaines. Elle a été caractérisée par des accès fébriles intermittents avec frissons et sueurs  et une perte de poids de 10 kg. Il n’existe aucun antécédent pathologique notable.

A l’entrée, la température est à 40°C, le poids à 56 kg. On note une pâleur conjonctivale, une volumineuse splénomégalie, stade 3 de l’OMS, une hépatomégalie (flèche hépatique à 14 cm), des adénopathies axillaires bilatérales, mobiles de 1 à 2 cm de diamètre. Le reste de l’examen somatique est sans anomalie.

Le malade a  suivi une prophylaxie antipalustre par chloroquine 100 mg / proguanil 200 mg/j.

 

Examens paracliniques :

 

Frottis sanguin, GE, QBC  : absence d’hématozoaires,

VSH : 105 mm à la 1ère heure,

NFS ; GR : 2 900 000/mm3, Hb : 8,2 g/l ; GB : 3 200/mm3, plaquettes : 70 000/mm3.

Protidémie : 80 g/l, alpha 2 globulines : 12%, gammaglobulines : 34%, pic polyclonal à l’électrophorèse des protides,

Recherche d’anticorps anti-palustres par IFI : négative

 

Quel(s) diagnostic(s) évoquez-vous ?

Quels sont les examens indispensables pour confirmer le diagnostic ?

Quel(s) traitement(s) allez vous prescrire ?

 

Discussion

Ce malade présente une altération de l’état général au retour d’un séjour en Afrique centrale avec hépatosplénomégalie, adénopathies, tricytopénie périphérique et syndrome inflammatoire biologique.

Ce tableau peut faire évoquer une splénomégalie palustre hyperimmune, mais les recherches d’hématozoaires et la sérologie parasitaire négatives éliminent ce diagnostic.

En fait, le diagnostic de leishmaniose viscérale ou Kala-azar est évoqué :

- sur le plan clinique : devant un syndrome splénohépatoganglionnaire avec volumineuse splénomégalie, une fièvre anarchique, désarticulée, rebelle aux antipyrétiques,

- sur le plan biologique, devant la baisse des éléments figurés du sang associée à une accélération importante de la VSH et des anomalies du protidogramme (dyglobulinémie polyclonale).
Le diagnostic de certitude est apporté par la mise en évidence des leishmanies dans les cellules réticulo-histiocytaires. On les recherche essentiellement au niveau de la moelle osseuse sur les frottis colorés au May Grunwald Giemsa, mais aussi au niveau du foie, des ganglions et, dans les cas difficiles, au niveau de la rate, malgré las risques de la ponction splénique.. Les produits de ponction sont mis en cultures sur milieu NNN ou sérum de veau fœtal ( SVF) + RPMI. La sérologie  (IFI, ELISA) est un élément diagnostique si la recherche du parasite est négative. Dans le cas présenté, le diagnostic a été porté sur l’examen du frottis médullaire qui a montré la présence de nombreux leishmanies.

Les leishmanies sont des protozoaires parasites des cellules du SRH transmis par des insectes : les phlébotomes. Plusieurs espèces sont les agents des différentes formes cliniques de leishmanioses : viscérale, cutanée, cutanéo-muqueuse. Les phlébotomes sont des petits moustiques traversant les moustiquaires, les femelles hématophages piquent indifféremment l’homme et les animaux. La piqûre est douloureuse.

La leishmaniose viscérale est une maladie du littoral méditerranéen, de l’Inde, de la Chine, d’Afrique centrale et de l’est, d’Amérique du sud. Elle est actuellement une infection opportuniste du sida, d’où l’obligation de la recherche des anticorps anti-VIH et la numérotation des CD4+. Chez l’immunodéprimé, le diagnostic est basé sur la mise en évidence des leishmanies dans le sang périphérique par leucocytocentrifugation. Dans l’observation présentée, les anticorps anti VIH étaient négatifs.

Le traitement de la leishmaniose viscérale repose sur les dérivés pentavalents de l’antimoine à usage parentéral, dont la teneur en antimoine est différente : antimoniate de N-méthyl glucamine ou GLUCANTIMEâ 85 mg/ml et stibiogluconate de sodium ou PENTOSTAMâ 100 mg/ml. Le GLUCANTIMEâ est prescrit à la dose d’antimoine de 20 mg/kg/j pendant 20 jours (ampoules de 5 ml contenant 425 mg d’antimoine pentavalent) par voie IV lente ou IM.

Les effets secondaires sont :

- une stibiointolérance de type anaphylactique ; frissons, fièvre, éruption cutanée, toux coqueluchoïde, tachycardie, vomissements, diarrhée,

- une stibiointoxication : par surdosage en fin de cure : fièvre, myalgies, arthralgies, névralgies, troubles de la conduction cardiaque, cytolyse hépatique et pancréatique, insuffisance rénale, atteinte hématologique.

Une surveillance hebdomadaire est nécessaire : TA, ECG, NFS, glycémie, créatininémie, ASAT, ALAT, amylasémie, lipasémie.

L’amphotéricine B sous forme liposomiale (AMBISOMEâ) est prescrite chez le sujet immunocompétent à la dose de 3 mg/kg/j en perfusion à J0, J1; J2; J3, J4 et J10,  la dose totale étant de 18 mg/kg.

Dans le cas présente, 2 cures de GLUCANTIMEâ ont été pratiquées. L’apyrexie a été obtenue à la fin de la première cure, les leishmanies ont disparu sur le médullogramme de contrôle à la fin de la 2ème cure.

En cas d’immunodéficience, le GLUCANTIMEâ est prescrit à la dose de 60mg/kg/j pendant 28 jours, à dose progressive.

 

 

Références 

Aubry P., Touze J.E. Leishmaniose viscérale. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit., mars 1990, pp. 35-37.

 

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Fièvre prolongée avec anémie. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format Utile. Editions Varia. Mars 2001, pp. 69-71

 

Iconographie

Frottis médullaire (Giemsa x 100) présence de nombreux leishmanies.

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 20/01/2004.

Collections : Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A Le Pharo (Marseille)

Leismaniose: leishmanies promastigotes Leismaniose viscérales: leishmanies amastigotes (frottis médullaire)