Oxyurose et appendicite : cas clinique.
Observation
Un enfant européen, âgé de 12 ans, est
admis à l’Hôpital Principal de Dakar pour un syndrome douloureux de la fosse
iliaque droite. La température à l’entrée est à 36,8°C. Il n’a présenté ni
nausées, ni vomissements, ni troubles du transit intestinal.
L’examen clinique met en évidence une
réaction de défense au niveau de la fosse iliaque droite avec douleur vive au
point de Mac Burney.
Examens paracliniques en urgence :
VSH : 13 mm à la première heure,
NFS : globules rouges : 4 560
000/mm3,globules blancs : 12 800/mm3 dont polynucléaires
neutrophiles : 62%, éosinophiles : 3% (384/mm3),plaquettes : 324 000/mm3,
Echographie abdominale normale.
Une appendicectomie est pratiquée.
L’appendice est adressé au laboratoire d’anatomie pathologique.
Compte-rendu : le chorion muqueux est congestif et contient des infiltrats
lymphoplasmocytaires, les follicules lymphoïdes sont de petite taille, la
musculeuse et la séreuse est congestive ; on note, dans la lumière, un
utérus gravide comblant la lumière, bourré d’œufs, ovoïdes tronqués.
Quel est votre diagnostic ?
Quelles sont les principales
caractéristiques de cette maladie ?
Quelle
est l’autre parasitose digestive qui peut entraîner une
appendicite ?
Quels sont les traitements de cette
maladie ?
Quelle en est la prévention ?
Discussion
Il s’agit d’une appendicite
discrètement inflammatoire contenant un parasite digestif femelle dont l’utérus
est bourré d’œufs ovoïdes tronqués. Il s’agit d’œufs d’oxyures.
L’oxyurose due à Enterobius vermicularis est une nématodose cosmopolite extrêmement
fréquente (un milliard d’individus sont
atteint dans le monde). Le seul réservoir de parasite est l’homme. Elle atteint
surtout les enfants. Son cycle est strictement intraluminal. Les femelles
gravides pondent au niveau de la marge anale des œufs embryonnés.
Il y a 3 modes de transmission :
- direct de l’anus à la bouche,
- indirect par des objets ou aliments
contaminés,
- par inhalation d’œufs en suspension
dans les poussières ( literies, vêtements…).
L’oxyurose est le plus souvent
asymptomatique. Si la charge parasitaire est importante (en particulier par
auto-infection), il existe un prurit anal, maximum le soir et la nuit :
c’est le signe essentiel. Des douleurs abdominales, une diarrhée faite de
selles molles, enrobées de mucus sont parfois associées au prurit. Chez
l’enfant, des signes extradigestifs sont toujours cités : instabilité,
agitation, insomnie. Le prurit vulvaire avec vulvo-vaginite est fréquent chez
la fillette prépubaire.
Le diagnostic de l’oxyurose est
parasitologique : visualisation des vers adultes dans la région
péri-anale, œufs recueillis par la méthode du scotch-test de Graham.
L’éosinophilie sanguine est toujours modérée, souvent inférieure à 500/mm3.
L’appendicite au cours de l’oxyurose se
voit surtout chez les enfants de moins de 15 ans. Il s’agit d’une appendicite
chronique ou subaiguë. Les oxyures sont endo-luminaux. Le diagnostic
histologique d’une oxyurose appendiculaire repose sur l’étude du contenu utérin
des femelles gravides : l’oxyure femelle est un nématode ovipare dont
l’utérus est bourré d’œufs ovoïdes embryonnés à coque épaisse, claire,
tronquée.
L’autre parasitose qui peut être cause
d’une appendicite est un cestode, Tænia saginata. Le tæniasis à Tænia saginata
est une parasitose cosmopolite due à la consommation de viande de bœuf crue ou
insuffisamment cuite. Le taeniasis peut être cliniquement muet et le diagnostic
est fait par le patient qui trouve des anneaux de la taille de 1 à 2 cm de long
sur 5 mm de large dans ses sous-vêtements. Parfois, ce sont des troubles
digestifs qui attirent l’attention : modification de l’appétit, douleurs
et ballonnement abdominaux, nausées, alternative de diarrhée et de constipation.
D’autres signes sont attribués au tæniasis : céphalées, convulsions,
troubles de l’équilibre, signes allergiques
(dyspnée asthmatiforme, prurit, urticaire,…). La méthode du sctoch-test
anal permet de recueillir des embryophores déposés à la marge anale lors des
passages de l’anneau à travers le sphincter anal. L’hyperéosinophilie sanguine
est inconstante et modérée. Le diagnostic histologique est basé sur l’examen
d’un anneau enclavé dans l’appendice : l’utérus contient des œufs bruns à
coque épaisse striée et l’embryon est armé de crochets. Le traitement du
tæniasis repose sur le praziquantel.
Le
traitement de l’oxyurose fait appel :
-
aux benzimidazolés : mébendazole (VERMOXâ)
100 mg, flubendazole (FLUVERMALâ) 100 mg ou albendazole (ZENTELâ) 400 mg quel
que soit l’âge,
-
à l’embonate de pyrvinium (POVANYLâ) 5mg/kg.
Une deuxième cure est prescrite à J 15.
La prévention de l’oxyurose consiste à
traiter non seulement le patient, mais tous les membres de la famille ou de la
communauté, à lutter contre l’auto-infection : changement de literie, de
linge, de sous-vêtements le jour du traitement, lavage régulier des mains, coupure des ongles très courts, port
de pyjama fermé aux extrémités (mains) pour éviter le grattage anal et la
transmission anus-doigts-bouche pendant la nuit.
Chez cet enfant, les suites opératoires
ont été simples. Un traitement par ZENTELâ a été prescrit à distance, ainsi qu’aux membres de sa
famille.
Références
Pierre
C., Civatte M., Chevalier A., Terrier J.P., Gros P., Carloz E. Le diagnostic
des helminthes en anatomie pathologique. Med. Trop. , 1998, 58, 85-97.
Caumes
J.L., Chevalier B., Klotz F. Oxyures et oxyuroses. Encycl. Méd. Chir.,
Maladies infectieuses, 8-515-A-20, 2002, 5 p.
Iconographies
Professeur
Pierre Aubry. Texte rédigé le 14/05/2004.
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Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)