Péricardite
purulente : cas clinique.
Professeur
Pierre Aubry. Texte rédigé le 30/07/2003.
Observation
Une femme ivoirienne de 20 ans, sans
antécédent connu, est hospitalisée pour un syndrome infectieux associé à des
douleurs vives et permanentes de l’hypocondre droit. Cette symptomatologie a
débuté progressivement 3 semaines auparavant. Il n’y avait ni dyspnée, ni
précordialgies.
A l’examen clinique, on note une hépatomégalie (flèche
hépatique à 16 cm), lisse, ferme, douloureuse ; une turgescence jugulaire
avec reflux hépato-jugulaire. Il n’y a ni ictère, ni ascite, ni œdème des
membres inférieurs. Les bruits du cœur sont bien audibles, le rythme cardiaque
est à 100/mn, sans bruit surajouté. La TA est à 90/55 mm/Hg. La température est
à 39°5 C,
Examens complémentaires :
NFS : globules rouges : 4 200
000/mm3, taux d’Hb : 14 g/dl, globules blancs 13 000/mm3, polynucléaires
neutrophiles 78%.
VSH : 120 mm à la 1ère
heure, CRP : 155 mg/ml.
Exploration fonctionnelle
hépatique : ni cytolyse, ni insuffisance hépato-cellulaire.
Radiographie thoracique :
élargissement modéré de l’index cardiaque.
Electrocardiogramme : tachycardie
sinusale avec anomalies diffuses de la repolarisation.
Echographie hépatique : gros foie
homogène ; de contours réguliers avec dilatation permanente de la veine
cave inférieure et des veines sus-hépatiques. Au cours de l’examen, l’étude de
la région basi-thoracique met en évidence un épanchement péricardique.
Quel est votre diagnostic ?
Quels examens complémentaires sont indispensables pour
confirmer ce diagnostic ?
Quel est l’étiologie la plus probable
de cette maladie ?
Quel en est le traitement ?
Discussion
La turgescence jugulaire, l’échographie hépatique évoquent
un foie cardiaque. L’échographie met en évidence un épanchement péricardique.
Celui-ci doit être confirmé par une échographie cardiaque qui objective un
volumineux épanchement péricardique paracardiaque droit. Celui-ci impose une
ponction drainage du péricarde à l’aiguille, avec mise en place d’un cathéter,
qui permet de retirer 300 ml d’un liquide purulent.
Il s’agit donc d’une péricardite
purulente. Le liquide est adressé au laboratoire pour examen direct, mise en
culture et antibiogramme. Il est isole un Streptococcus
pneumoniae. Il s’agit donc d’une péricardite purulente à pneumocoques.
Les péricardites septiques sont fréquentes
en Afrique noire, en particulier chez l’enfant et l’adulte jeune. Elles sont le
plus souvent dues au staphylocoque ou au pneumocoque et peuvent être une
complication d’un foyer primaire, pas toujours retrouvé, l’ensemencement
microbien se faisant par voie hématogéne.
Il faut retenir de cette observation
que la symptomatologie thoracique peut être fruste au cours d’une péricardite
septique : il n’existait au début ni dyspnée, ni précordialgies et la
silhouette cardiaque était modérément élargie, sans recouvrement hilaire. De
même, un gros foie douloureux et fébrile n’est pas toujours, en Afrique, la
traduction d’un abcès amibien du foie.
Le traitement est médico-chirurgical associant
antibiothérapie adaptée et ponction drainage par voie xiphoïdienne. Ceci permet
d’éviter la péricardite constrictive, qui nécessite une péricardectomie.
Le traitement repose sur la pénicilline
G 20 000 000/j ou l’amoxicilline, à la dose de 150 mg/kg/j pendant 15 jours. Si
le pneumocoque est résistant à la pénicilline, une céphalosporine de 3ème génération
ou la vancomycine peuvent être prescrits.
Le traitement dans le cas présenté a consisté en
pénicilline G 20 000 000/j pendant 4 semaines. L’évolution a été favorable :
le drain a été retiré au 8ème jour, l’apyrexie obtenue au 10ème
jour, l’assèchement de l’épanchement péricardique contrôlé par échographie au 21ème
jour.
Note : parmi les péricardites purulentes, la péricardite
amibienne doit toujours être évoquée en Afrique, même si cette entité est
relativement peu fréquente (14% des cas en Afrique de l’ouest). Elle met
rapidement en jeu le pronostic vital. Le risque est, en effet, la tamponnade
qui nécessite l’évacuation de l’épanchement compressif par ponction-drainage.
Le diagnostic est difficile s'il n'y a pas d’abcès du foie ou si celui-ci est
passé inaperçu. L’aspect café au lait ou chocolat du liquide de ponction, le
caractère amicrobien du pus drainé sont évocateurs chez un patient originaire
ou ayant séjourné dans une zone d’endémie amibienne. Les sérologies amibiennes
positives, l’efficacité du traitement par métronidazole sont des éléments
essentiels au diagnostic de certitude.
Références
Aubry P., Touze J.E. Péricardite
purulente. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit., mars 1990,
194-195
Touze
J.E., Peyron F., Malvy D. Une tamponnade. Médecine tropicale au quotidien. 100
cas cliniques.
Format
Utile, Editions Varia, mars 2001, 60-63.
Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)