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Pneumocystose

Pneumocystose chez une femme burundaise VIH positif

Cas clinique

 

Observation 

 

Une femme, de nationalité burundaise, âgée de 34 ans, est hospitalisée dans le service de Médecine interne du CHU de Bujumbura (Burundi) pour une fièvre au long cours, associée à un amaigrissement rapidement progressif (perte de 8 kg en 15 jours) du à une dysphagie, une asthénie profonde, des lésions cutanées des membres inférieurs rapidement extensives, une toux persistante et une dyspnée à l’effort apparue il y a 3 semaines.

Dans les antécédents, on note un zona intercostal il y a un an. Cette femme «avoue» de nombreux partenaires sexuels. Il n’y a pas de notion de transfusion sanguine.

A l’examen, l’état général est apparemment conservé (poids : 50 kg pour taille : 1 m 60), la température est à 38°3C. On note au niveau des pieds de multiples nodules violacés (plante, orteils dos des pieds) et un placard angiomateux du pied gauche. Il y a un vaste placard fait d’un conglomérat de nodules à la face interne de la cuisse gauche. Le membre inférieur gauche est le siège d'un œdème élastique, chaud, douloureux, ne prenant pas le godet. Il existe également des lésions  nodulaires au niveau de l’épaule gauche. L’examen de la cavité buccale montre deux nodules angiomateux de la voûte palatine et un muguet. L’examen neurologique est sans anomalie, mais la malade signale au cours de l’examen de violentes céphalées. Le rythme respiratoire est à 18/mn L’auscultation pulmonaire montre des râles crépitants au niveau des deux bases. Il y a de petites adénopathies inguinales prédominant à gauche.

 

Examens paracliniques 

VSH : 90 mm à la première heure

NFS :  Globules rouges : 3 500 000/mm3, hémoglobine : 7 g/dl, VGM : 76 fl ; globules blancs : 

6 500/mm3, PN : 75%, PE : 2%, L : 20%, M : 2% ; plaquettes : 180 000/mm3.

Bilan rénal et hépatique normal

Radiographie du thorax : infiltrat réticulo-nodulaire périhilaire droit (fig.1)

Recherche de BAAR (tubages gastriques): négative

IDR à la tuberculine à 10 unités : négative

Fond d’œil : œdème papillaire à droite, sans rétinopathie dysorique

Ponction lombaire : LCR clair, hypertendu, avec 80 éléments blancs/mm3 à prédominance lymphocytaire, proteinorachie à 0, 62 g/l, glycorachie  à 3,2 mmol/l, présence de cryptocoques après coloration à l’encre de Chine (la culture sur Sabouraud sera positive pour Cryptococcus néoformans à la 48 éme heure).

 

1. Quel est votre diagnostic ?

2.    Quels examens complémentaires sont indispensables pour confirmer ce(s) diagnostic(s) ?

3. Quels traitements allez-vous prescrire ?

4. Quelle est la prévention de cette maladie ?

 

Discussion :

 

Cette malade présente un sida avec plusieurs infections opportunistes :

- une candidose buccale et un sarcome de Kaposi de diagnostic clinique,

- une méningo-encéphalite à cryptocoques diagnostiquée par l’examen du LCR, la ponction lombaire s’imposant chez cette malade fébrile et souffrant de céphalées violentes.

Le diagnostic de sida est affirmé par la mise en évidence d’anticorps anti-VIH1 par test rapide et un test ELISA..

Une oesogastroduodénoscopie montre l’extension de la candidose buccale à l’œsophage et la présence de nodules vineux au niveau de l’estomac, érodés en surface, pouvant être cause de saignements et expliquer l’anémie microcytaire.

Il existe une symptomatologie pulmonaire faite d’une toux sèche et d’une dyspnée d’effort d’apparition récente qui pose le problème de son étiologie. L'atteinte pulmonaire chez cette malade au stade de sida peut être du à une des infections opportunistes décelées : cryptococcose ou sarcome de Kaposi, plus vraisemblablement à une pneumocystose, sans pouvoir éliminer une tuberculose pulmonaire, une pneumopathie interstitielle lymphoïde.

La recherche de Pneumocystis carinii dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA) recueilli au cours d’une fibroscopie bronchique montre des kystes à la coloration de Gomori-Grocott affirmant le diagnostic de pneumocystose. Pneumocystis carinii est un champignon de la famille des Ascomycetes.

La pneumocystose est une des étiologies des affections pulmonaires au cours du sida. Sa rareté  signalée dans le  sida africain dès 1983 n’était qu’apparente, liée à des difficultés d’examens complémentaires (recueil du LBA, colorations spéciales) ou à des décès précoces souvent en rapport avec une tuberculose pulmonaire.

La pneumocystose touche les malades immunodéprimés, enfants et adultes, atteints d’immunodépressions congénitales ou acquises (sida en particulier) ou sous traitements immunosuppresseurs.

Elle débute sur un mode insidieux. Les signes fonctionnels sont discrets : toux sèche, dyspnée d’effort modérée. La radiographie pulmonaire montre dans plus de 50% des cas une peneumopathie interstielle. La coloration par le Gomori-Grocott  du LBA montre des kystes formant des conglomérats très denses, colorés en brun ou en noir sur fond vert, de 3,5 à 5 µm de diamètre, avec une morphologie arrondie ou en cupule.

Des anticorps monoclonaux spécifiques de Pneumocystis  détectent le parasite. Les techniques de biologie moléculaire permettent de mettre en évidence le parasite dans le LBA et dans le liquide de rinçage oropharynx (LROP), ce qui évite la fibroscopie bronchique, qui peut être de réalisation difficile, en particulier chez l’enfant 

La pneumocystose  se développe chez des adultes VIH positifs avec moins de 200 CD4/mm3 et chez des enfants ayant moins de 450 CD4/mm3. La pneumocystose est fréquente chez l’enfant africain.

La transmission serait aérienne par inhalation. Les sources d’infection sont inconnues.

Le traitement de la pneumocystose fait appel au cotrimoxazole associant triméthoprime et sulfaméthoxazole, 20 mg/kg/j de TMP et 100 mg/kg/j de SMX, par voie orale ou 15 mg/kg/j de TMP et 75 mg/kg/j de SMX par voie IV, en 4 prises ou en 4 perfusions courtes pendant 21 jours. Cette thérapeutique entraîne de nombreux effets secondaires : fièvre, signes cutanés d’intolérance, agranulocytose. Ces effets secondaires sont fréquents chez les sujets atteints de sida.

Notre malade a été traitée d’une part par l’amphotéricine B IV (FUNGIZONE®) à la dose de 1 mg/Kg/j associée au 5-fluorocytosine (ANCOTIL®)à la dose de 100 mg/kg/j, d’autre part par le cotrimoxazole per os (BACTRIM® forte) à la dose de 20 mg/kg/j de TMP et de 100 mg/kg/j de SMX.

L’évolution a été au début du traitement favorable avec disparition des céphalées, disparition de la candidose buccale, diminution de la symptomatologie fonctionnelle pulmonaire, mais la fièvre a persisté à 37,8°C en plateau et les lésions pulmonaires se sont bilétaralisées. Une PL de contrôle a montré un LCR clair contenant 40 élements/mm3, avec une proteinorachie à 0, 20 g/l, mais avec persistance  de cryptocoques à l’examen direct.

Un traitement par fluconazole (TRIFLUCAN®) per os à la dose de 400 mg/j a pris le relais de l’amphotéricine B au 15 émé jour, le cotrimoxazole étant poursuivi. .

Une dégradation brutale de la condition respiratoire a entraîné à la 4ème semaine d’hospitalisation le décès dans un tableau de syndrome de détresse respiratoire aigu de l’adulte (SDRA), malgré la mise sous corticoïdes à la dose de 60 mg/j de prednisolone. Cette aggravation peut être due à une co-infection pulmonaire par un autre agent opportuniste (notamment un Mycobacterium).

La pneumocystose à Pneumocystis carinii, qui a révélé l’infection à VIH/SIDA aux USA en 1981, a bénéficié d’une prophylaxie primaire dans les pays du nord (compte de CD4 < 200 mm3 ou malade au stade IV du CDC) et l’incidence de la pneumocystose a considérablement décru. La prophylaxie consiste en une prise de cotrimoxazole  (160 mg de TMP et 800 mg de SMX) sous forme de BACTRIM ® forte tous les jours ou trois fois par semaine, prévention de faible coût, de grande acceptabilité et d’efficacité reconnue, mais non dépourvu d’effets secondaires.

Cette prophylaxie au cotrimoxazole doit être accessible partout puisqu’elle assure une potection significative contre la pneumocystose, mais aussi la toxoplasmose, les salmonelloses, les infections à Hib et à staphylocoque.

 

Références 

 

Aubry P, Touze J.E. Pneumocystose au cours du sida. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Durauliè édit, mars 1990, pp. 167-168. ;

Kamanfu G, Mlika-Cabanne N., Girard P.M. et coll. Pulmonary complications of HIV infection in Bujumbura, Burundi. Am. Rev. Respir. Dis., 1993, 147, 658-663.

Yao N.A., Ngoran N., de Jaureguiberry J.P., Bérard H., Jaubert D. Immunodépression et infections oulmonaires. Bull . Soc. Path. Exot., 2002, 95, 257-261.

Fisk D . T., Meshnick S., Kazanjian P.H. Pneumocystis carinii pneumonia in patients in the developing world who have acquired immunodeficiency syndrome. CID, 2003, 36, 70-78.

 

Professeur Pierre Aubry. Texte revu le 03/10/2007.

 

Infiltrat
réticulonodulaire périhilaire droit

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