Primo-infection VIH : cas clinique.
Observation
Un homme de 27 ans, de nationalité
française, célibataire, coopérant au Burundi depuis six mois, se présente à la
consultation de médecine interne au CHU de Bujumbura, pour une fièvre évoluant
depuis 15 jours, entre 38°C le matin et 39°C le soir, accompagnée d’une
asthénie et de douleurs pharyngées.
Cet homme jeune vit seul, a de nombreuses partenaires de rencontre et avoue ne
pas mettre systématiquement de préservatif lors des rapports sexuels. Son
dernier rapport non protégé date de 8 jours.
A l ‘examen, il est en bon état
général. La température est à 38,4°C. On palpe des ganglions cervicaux,
indolores, d’environ 2 cm de diamètre, des ganglions axillaires et inguinaux.
Il n’y a ni hépato, ni splénomégalie. On note une pharyngite œdémateuse. Il n’y
a pas d’éruption cutanée visible.
Examens paracliniques :
VSH : 45 mm à la première heure,
Protéine C réactive : 10 mg/l
NFS : globules rouges : 4.590
000, taux d’hémoglobine : 14,3 g/dl ; globules blancs : 8 600/mm3
dont polynucléaires neutrophiles : 38%, lymphocytes : 40%,
monocytes : 16% et 6% de grandes cellules mononuclées à cytoplasme
basophile ; plaquettes : 240 000/mm3.
Recherche d’hématozoaires :
négative
Transaminase : ASAT : 59
UI/l, ALAT : 89 UI/l.
Phosphatases alcalines, gamma GT,
bilirubinémie normales
Electrophorèse des protéines : a1
globulines : 2,6
g/l, a2 : 7,3
g/l, b 6,9 g/l, g- : 16,2
g/l.
VDRL et TPHA négatifs.
Sérologie des hépatites virales :
anticorps anti-VHA IgM négatifs, IgG positifs, AgHBs
négatif, anticorps anti-VHC négatifs.
Radiographie thoracique : ITN.
Echographie abdominale : normale.
IDR à la tuberculine à 10 U :
faiblement positive à 5 mm (BCG dans l’enfance).
Quel diagnostic portez-vous à la
lecture de la numération formule sanguine ?
Quelles
sont les principales étiologies de ce syndrome ?
Quelle
est l’étiologie retenue et sur quels examens biologiques ?
Quelle est la conduite à tenir chez ce patient expatrié ?
Discussion
Le diagnostic de syndrome
mononucléosique est porté sur la NFS qui montre 6% de cellules mononuclées de grande taille à cytoplasme
basophile. La clinique chez cet homme jeune est évocatrice d’un syndrome mononucléosique : fièvre, adénopathies, douleurs
pharyngées.
Le diagnostic de mononucléose infectieuse,
primo-infection par le virus d’Epstein-Barr , transmise
par la salive, est évoqué en premier, mais rapidement éliminé, le MNI-test
étant négatif.
Une primo-infection à Cytomégalovirus, transmis par la salive,
les rapports sexuels , les transfusions, est éliminée
par le sérodiagnostic par méthode ELISA qui est négatif (IgM, IgG).
Une primo-infection à Toxoplasma gondii, agent de la
toxoplasmose, transmise par voie orodigestive (oocystes) est de même éliminée
par le sérodiagnostic par méthode ELISA (IgM et IgG).
En fait, le diagnostic le plus probable
est celui d’une primo-infection à VIH chez cet homme jeune ne se protégeant pas
systématiquement lors des rapports sexuels. La sérologie VIH demandée lors de
la consultation est négative (2 ELISA). Le malade est reconvoqué 10 jours
après. La sérologie VIH va alors se positiver, confirmée par un test de Western
blot. La malade est alors asymptomatique.
La primo-infection par le VIH
correspond à la phase d’invasion du virus dans l’organisme, peu après la contamination.
Elle doit être évoquée devant l’association d’une fièvre, d’une asthénie, d’une
éruption maculo-papuleuse non prurigineuse, d’adénopathies cervicales ou
diffuses, d’une pharyngite, mais aussi d’un syndrome fébrile inexpliqué.
Ces manifestations ne sont pas
spécifiques d’une primo-infection à VIH et peuvent être confondues avec
plusieurs autres infections aiguës : mononucléose infectieuse,
cytomégalovirose, toxoplasmose, hépatites virales, syphilis secondaire, rubéole
ou autre fièvre virale éruptive.
La durée des symptômes au cours de la
primo-infection à VIH est courte, environ 15 jours, le tableau clinique se
résolvant spontanément avant la séroconversion.
Fréquence des signes cliniques les plus
fréquemment rencontrés dans la primo-infection à VIH
Symptômes et
signes cliniques
|
Fréquence
(%)
|
Fièvre
Asthénie
Adénopathies cervicales ou diffuses
Pharyngite
Eruption morbilliforme diffuse
Céphalées
Troubles digestifs
Méningite aseptique
|
90
80
80
75
70
70
60
10
|
Le diagnostic positif repose sur
l’apparition de 3 marqueurs sérologiques qui sont par ordre d’apparition
chronologique : l’ARN plasmatique du VIH, l’antigène p24 et les anticorps
VIH. Seuls les anticorps VIH peuvent être recherchés sur place. Ils ont été
détectés un mois aprés la contamination. La sérologie VIH peut se positiver
tardivement après le début du syndrome mononucléosique.
Vu le statut de coopérant du patient, un rapatriement sanitaire est demandé
vers son pays d’origine, la France pour prise en charge thérapeutique.
Compte-tenu de la haute contagiosité durant cette période,
il est demandé au patient une abstinence
sexuelle, en attendant son départ. Cependant, comme il est difficile de
convaincre ce patient sexuellement très actif, il lui est fortement
recommandé l’usage de préservatif en cas
de rapport sexuel, afin qu’il ne soit pas lui-même contaminateur de personnes
séro-négatifs.
Références
Meyer L., Goujard C. La primo-infection
à VIH. Revue du Praticien, 1999, 49,
1750-1755.
Leport C., Longuet P., Gervais A.,
Vildé J.L. Manifestations cliniques de l’infection par le virus de l’immunodéficience
humaine. Encycl. Med. Chir., Maladies
infectieuses, 8-050-B-10, 2002, 20 p.
Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé
le 19/04/2004