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  Rage chez une enfant réuninais de 3 ans : cas clnique

Rage chez une enfant réunionnais de 3 ans : cas clinique.

 

Observation 

 

Un garçon de 3 ans, originaire de l’Ile de la Réunion, est mordu à la main par un chien pendant des vacances à Madagascar. Le chien présumé mordeur étant identifié dans le village, aucun traitement anti-rabique n’a été débuté. Cinq semaines après, l’enfant présente une somnolence, une  fatigue, des troubles de l’humeur, et une hydrophobie. L’enfant décède 6 jours après l’apparition des symptômes. L’immunofluorescence directe sur les biopsies cérébrales met en évidence des inclusions jaune vert sous éclairage en lumière ultraviolette. Le chien présumé mordeur est mort entre-temps. Il faut signaler qu’aucun adulte n’avait assisté à la morsure et que l’identité de l’animal mordeur était en fait inconnue.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quels examens complémentaires vous semblent indispensables pour confirmer le diagnostic ?
Quel est le traitement de cette maladie chez l’homme ?

Quelle en est la prévention chez l’homme ?

 

Discussion

 

Il s’agit à l’évidence d’une rage humaine après morsure par un chien «de village», chien n’ayant pas de propriétaire attitré, et non vacciné contre la rage.

La rage canine ou rage des rues est toujours active dans les pays en développement d’Afrique, d’Amérique du sud, d’Asie, du Moyen-Orient. Le vecteur est le chien, principalement le chien errant.

L’incubation est silencieuse. Sa durée varie de 31 à 90 jours (moyenne : 45 jours, extrêmes : 7 jours à 6 mois). La période prodromique, de 2 à 10 jours débute brutalement par des douleurs ou des paresthésies au niveau de la région mordue. A la période d’état, la rage réalise un tableau d’encéphalomyélite progressive aiguë avec deux formes cliniques principales : la forme spastique dite rage furieuse (70% des cas) et la forme paralytique dite rage muette ou tranquille. Les principaux symptômes sont l’hydrophobie, déclenchée par toute tentative de boire, les paresthésies, la fièvre, l’aérophobie et les agitations psychomotrices. L’évolution est toujours fatale, la durée moyenne de survie est de 1,5 à 9 jours.

Dans le cas rapporté, ce sont les signes d’une encéphalite débutante qui ont attiré l’attention : angoisse, troubles de l’humeur, suivis d’une hydrophobie, déclenchée par toute tentative de boire et par le moindre stimulus.

Le diagnostic a été apporté ici par l’épreuve d’immunofluorescence (IF) appliquée à la détection de l’antigène rabique qui apparaît sous forme d’inclusions de couleur jaune vert. C’est actuellement l’épreuve microscopique la plus rapide et la plus précise pour porter le diagnostic de rage. Elle permet de porter un diagnostic de certitude en moins de 2 heures. Elle permet de travailler indifféremment sur du matériel frais, congelé ou fixé, cette technique étant peu dépendante de la bonne conservation des prélèvements. Il n’est donc pas indispensable de demander d’autres examens diagnostiques. Cependant, trois techniques sont mises en œuvre en routine : immunofluorescence directe, isolement du virus en cultures cellulaires, détection immunoenzymatique de l’antigène rabique. La PCR est utilisée pour le diagnostic intra vitam de la rage sur des prélèvements de salive et de LCR.

Il n’a y a pas de traitement de la rage déclarée, qui est  toujours mortelle. Cependant, une première observation de survie après une encéphalite rabique survenue sans immunoprophylaxie vient d’être publiée. Le traitement a consisté en une réanimation générale avec ventilation assistée, une prise en charge adaptée des multiples complications, l’administration d’antiviraux et l’induction d’un coma profond. Il s’agit, jusqu’ici, d’une observation isolée.

Le traitement après exposition de la rage est basé sur l’induction par les antigènes d’une immunisation active après contamination. Il repose donc sur la vaccination antirabique. Ce traitement comporte des vaccins préparés en cultures cellulaires, vaccins purifiés, dont les effets secondaires sont de rares réactions allergiques bénignes dans 1% des cas. Les échecs du traitement après exposition sont rares, dus à des traitements initiés tardivement, mal conduits ou incomplets.

Les vaccins sont utilisés par voie intramusculaire selon le protocole dit d’Essen (cinq injections à J0, J3, J7, J14, J28) ou dit de Zagreb ou 2-1-1 (2 doses de vaccin à J0, une dose à J7 et J21).

 

 

Tableau I. Conduite à tenir pour le traitement après exposition (OMS, 1996)

 

 

Catégorie

 

Nature du contact avec un animal sauvage ou domestique présumé enragé ou dont la rage a été confirmée ou encore un animal qui ne peut pas être placé en observation

 

 

Traitement recommandé

 

I

 

Contact ou alimentation de l’animal

Léchage sur peau intacte

 

 

Aucun si une anamnèse fiable peut être obtenue

 

II

 

Peau découverte mordillée

Griffures bénignes

 u excoriation sans saignement

Léchage sur peau érodée

 

Administrer le vaccin de suite.

Arrêter le traitement si l’animal est en bonne santé après 10 jours d’observation ou, si après euthanasie, la recherche de la rage par les techniques de laboratoire appropriée est négative

 

 

III

 

Morsure(s) ou griffure(s) ayant traversé la peau

Contamination des muqueuses par la salive (léchage)

 

Administrer immédiatement

des immunoglobulines et le vaccin antirabique. Puis, même conduite qu’en II.

 

 

Les immunoglobulines équines ou humaines (AMM, 1998) doivent être administrées impérativement pour la catégorie III. Elles sont injectées localement au niveau des plaies pour la totalité ou la plus grande partie de la dose, le reste par voie I.M. Leur non-utilisation rend compte de l’évolution défavorable malgré l’administration de vaccin antirabique.

La prévention de la rage chez l’homme repose sur la vaccination avant exposition. Elle est actuellement pratiquée chez les professionnels exposés (personnels des laboratoires, vétérinaires). La vaccination avant exposition des voyageurs et des expatriés dans les régions où la rage est endémique est recommandée, en particulier chez les enfants.

 

Tableau II. Conduite de la vaccination avant exposition.

 

 

Exposition

 

 

Risques

 

Population

 

Prophylaxie

 

Continue

 

 

Risque permanent par contact avec des matières virulentes par profession

 

 

Professionnels des laboratoires de recherche, de diagnostic, de production dans le domaine de la rage

 

 

Vaccination avant exposition

Contrôle sérologique indispensable

 

Discontinue

 

Risque fréquent par contact avec des animaux sensibles en région enzootique par profession, voyage ou loisir

 

Vétérinaires, éleveurs, forestiers, gardes-chasses, personnel des refuges,  d’animaleries,    d’abattoirs, de capture

Voyageurs, expatriés

Taxidermistes, chasseurs, spéléologues

 

 

Vaccination avant exposition

Contrôle sérologique facultatif

 

Occasionnelle

 

 

Risque égal ou inférieur à celui d’une population générale en région enzootique

 

Autres situations

 

Pas de vaccination avant exposition

Vaccination après exposition

Immunoglobulines associées ou non

Contrôle sérologique en cas particulier

 

 

Dans l’observation rapportée :

- l’enfant aurait du être vacciné dès qu’il a été mordu par un chien qui ne pouvait être contrôlé.

«Le comité d’experts de la rage de l’OMS recommande de commencer le traitement après exposition sans délai quand la morsure survient dans une zone d’enzootie canine, et, si le chien est connu et l’anamnèse fiable, de l’arrêter à la fin de la période d’observation vétérinaire ou si le diagnostic biologique pratiqué par des méthodes fiables est négatif».

- l’enfant aurait pu être vacciné avant exposition, donc avant son départ pour Madagascar.

En effet, la rage canine est endémique à Madagascar et est en recrudescence depuis 1996.

 

 

Références

 

Rotivel Y., Goudal M., Wirth S., Tsiang H. Le risque de rage chez l’enfant qui voyage. Arch. Pediatr., 1998, 5, 561-567.

Aubry P., Rotivel Y. Rage. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-065-C-10, 2001, 16 p.

Aubry P., Rotivel Y. Comment protéger de la rage les populations vivant en zones tropicales en 2002. Bull. Soc. Path. Exot., 2003, 96, 52-53.

 

Iconographie

 

Neuroblastes de souris infecté par le virus rabique. Détection par iF.

 

Neuroblastes de souris infecté par le
virus rabique. Détection par iF

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 19/08/2005.