.
 

Fièvre récurrente dakaroise : cas clinique.

 

Observation 

Un homme de 37 ans, français, ethnologue, en poste au Sénégal depuis 2 ans, est hospitalisé pour une 3ème poussée fébrile à l’Hôpital Principal de Dakar. Le début de la maladie remonte à 21 jours. Au retour d’une mission dans le Siné Saloum (région de Kaolack), il a présenté un pic fébrile brutal à 39,5°C avec frissons, sueurs, arthralgies, myalgies et céphalées intenses. La température est restée en plateau à 39,5°C pendant 4 jours. Il ne prend pas de chimioprophylaxie antipalustre. Il est traité par HALFANâ malgré une goutte épaisse (GE) négative. Le lendemain, il est apyrétique. Après 6 jours d’apyrexie, il présente de nouveau brutalement une poussée fébrile à 40°C avec frissons, sueurs, céphalées. Frottis sanguin et GE sont négatifs. Il reçoit alors de la quinine par voie IM. L’évolution est identique.
Après 8 jours d’apyrexie, il présente un 4ème pic fébrile. Il est hospitalisé au 3ème jour de cette reprise fébrile et se plaint surtout de céphalées violentes.

A l’examen, la température est à 38,5°C, la TA a 120/60 mmHg, le pouls à 95/mn. Il n’y a ni anémie, ni ictère, ni syndrome méningé. L’état général est conservé malgré une asthénie marquée et un amaigrissement chiffré à 4 kg. La langue est  humide, jaunâtre en son centre. Il n’y a ni adénomégalie, ni splénomégalie, ni hépatomégalie.

 

Examens paracliniques :

Frottis sanguin, GE : absence d’hématozoaires

VSH : 19 mm à la 1ére heure

NFS : Hb : 13,6 g/l ; GB : 13 200, PN : 86% ; plaquettes : 300 000

Protéinurie : 0,20 g/l, cytobactériologie des urines : stérile

Une GE faite à l’acmé thermique apporte le diagnostic. 

 

Quel diagnostic évoquez-vous ?

Quel(s) traitement(s) allez-vous prescrire ?

 

Discussion

Le paludisme est éliminé : recherches d’hématozoaires négatives, deux traitements antipalustres correctement faits.

Le contexte épidémiologique (ethnologue ayant séjourné en brousse), la courbe de température avec 3 phases fébriles de 3 à 4 jours, séparés de 2 phases d’apyrexie de 6 à 8 jours, le début brutal de chaque phase fébrile, l’intensité du syndrome algique, en particulier des céphalées, évoquent d’emblée une fièvre récurrente d’autant que la recherche attentive de Borrelia dans le sang est positive.

La fièvre récurrente de Dakar fait partie des fièvres récurrentes à tiques dues à de nombreuses espèces de Borrelia, dont l’appellation varie en fonction du lieu géographique, la répartition géographique étant limitée par la tique vectrice. L’homme est infecté par la piqûre, non douloureuse, de la tique qui se trouve dans les terriers des rongeurs. La fièvre récurrente dakaroise est due à Borrelia crocidurae et transmise par Ornithodorus erraticus sourai.

Il existe classiquement 3 à 9 accès fébriles de 3 à 4 jours, suivis de phases d’apyrexie de 4 à 10 jours. C’est une maladie en règle bénigne d’évolution spontanément favorable. Des complications peuvent s’observer en particulier au cours des récurrences : neurologiques (mononévrite, polynévrite, myélite, méningite, encéphalite), myocardite, atteintes oculaires (uvéite, iridocyclite), hépatite. Les formes inapparentes sont fréquentes.

Le diagnostic est fait par la mise en évidence des Borrelia dans le sang par frottis ou GE colorés par le Giemsa ou par QBC.

Le traitement repose sur les cyclines en prise unique : tétracycline : 500 mg, minocycline 200 mg et surtout doxycycline 200 mg per os. Chez la femme enceinte et l’enfant de moins de 8 ans : érythromycine 500 mg per os.

Le malade a été traité par doxycycline 200 mg en prise unique, l’évolution a été rapidement favorable avec chute de la température et disparition des céphalées à la 24éme heure. Il n’y a eu ni rechute fébrile, ni complications.

La prophylaxie des fièvres récurrentes à tiques  repose sur la protection contre les piqûres de tiques par les moustiquaires, les répellents et les pulvérisations domiciliaires.

 

 

Références 

Aubry p., Touze J.E. Borreliose à tiques. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit. , mars 1990, pp. 127-128.

 

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Une fièvre récurrente. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format utile. Editions Varia, mars 2001, pp. 189-191.

 

Parola P., Raoult D. Fièvres récurrentes. Encycl. Méd. Chir., Maladies infectieuses, 8-039-P-10, 2001, 9 p.

 

Iconographie

Frottis sanguin (GIEMSA x 100) : présence de nombreux Borrelia

 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 20/01/2004.

Collections : Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A Le Pharo (Marseille)

Borrelia: frottis sanguin