Rhinosporidiose endonasale : cas clinique.
Observation
Un enfant gabonais, âgé de 13 ans,
originaire du Wolen Ntem au nord du Gabon est adressé en consultation au Centre
Hospitalier de Libreville pour une obstruction permanente de la narine gauche
et une épistaxis récidivante, apparues il y a 3 ans.
Il se plaint, de plus, de douleurs
abdominales de siége épigastriques et d’une faim douloureuse depuis un mois.
L’examen montre un enfant amaigri
(poids : 35 kg pour taille : 1m 60), les conjonctives sont pâles, la
voix nasonnée, l’abdomen souple. Il existe une splénomégalie au stade 2 de
l’OMS. Il n’est pas fébrile. La TA est à 100/60 mmHg, le pouls à 82 par mm.
L’examen ORL montre une obstruction de la narine gauche par une masse polypoïde
pédiculée. ll n’y a pas d’adénopathie périphérique. Le reste de l’examen est
normal.
Examens paracliniques :
VSH : 55 mm à la première heure
NFS : GR : 2 900 000 el/mm3,
taux d’Hb : 8,2 g/100 ml, Ht : 30%, VGM : 62 µ3
GB : 12 000 el/mm3, polynucléaires
neutrophiles : 61%, éosinophiles : 23% (2 760 el/mm3)
Frottis sanguin : absence
d’hématozoaires, absence de microfilaires
Radiographie thoracique : ITN
Radiographie des sinus de la
face : normale
Oesogastroduodénoscopie : absence
de lésion oesogastroduodénale.
Quels diagnostics évoquez-vous ?
Quels examens complémentaires sont
utiles pour confirmer les diagnostics évoqués ?
Quelles sont les caractéristiques de la
maladie cause du « polype » endonasal ?
Quels traitements allez-vous
instituer ?
Discussion
Ce garçon présente deux
pathologies : d’une part une masse polypoïde de la narine gauche,
d’autre part des douleurs épigastriques, la biologie objectivant une anémie
microcytaire et une hyperéosinophilie sanguine
Le diagnostic du polype nasal ne
peut être apporté que par une biopsie exérèse. Il peut s’agir d’une lésion
inflammatoire ou d’une tumeur maligne ou bénigne. L’examen histopathologique
montre qu’il s’agit ici d’une rhinosporidiose avec des sphérules ou sporanges
typiques. Les épistaxis récidivantes peuvent expliquer l’anémie microcytaire.
En fait, l’association épigastralgies,
hyperéosinophilie sanguine, anémie microcytaire doit faire rechercher une
parasitose intestinale, d’autant que l’endoscopie digestive haute est normale.
L’examen parasitologique des selles montre des œufs d’ankylostomes et
d’ascaris. Les œufs d’ankylostomes ont les caractères morphologiques de Necator americanus. La numération des
œufs par la méthode de Stoll montre 7 200 œufs par gramme de selles, témoin
d’une charge parasitaire importante.
La rhinosporidiose est une mycose
profonde, rattachée aux zygomycoses, mais la position taxonomique du champignon
responsable, Rhinosporidium seeberi,
est encore incertaine. Elle se traduit par des polypes mous, d’aspect
papillomateux, verruqueux, de couleur rose à pourpre avec parfois un piqueté
blanchâtre correspondant aux sporanges. Ces polypes sont volontiers
hémorragiques et prédominent au rhinopharynx dans 70 à 75 % des cas (les
épistaxis sont alors fréquentes et volontiers révélatrices), mais peuvent aussi
concerner les conjonctives (2ème localisation), les lèvres, les
oreilles, et même les organes génitaux
et le rectum.
Rare en Afrique, la rhinosporidiose est
surtout observée en Inde, au Sri Lanka et au Brésil. En Afrique, les pays les
plus touchés sont l’Ouganda, l’Afrique du sud, la République démocratique du
Congo. Des cas ont été décrits au Tchad, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, à
Madagascar en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Guinée, et récemment au Congo
(atteinte endonasale).
Le mode de contamination n’est pas
élucidé. La contamination est supposéee se faire par l’eau et le sol, mais le
champignon n’a jamais été isolé dans la nature. Rhinosporidium seeberi n’envahirait les muqueuses nasales,
conjonctivales ou autres qu’à la faveur d’une plaie qui favoriserait
l’implantation et la multiplication des spores au niveau des lésions.
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Collections: Pr. Pierre Aubry, I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)