Rickettsiose africaine du groupe des fièvres boutonneuses :
cas clinique.
Observation
Un homme de 32 ans, Français, coopérant
au Burundi depuis 6 mois, consulte au Centre Hospitalo-Universitaire de
Bujumbura, pour une fièvre à 38,5°C, et une éruption papuleuse apparue la veille de la consultation
prédominant au niveau du tronc. La fièvre date de 3 jours, en plateau.
L’examen clinique se limite à une
température à 38,2°C, un pouls à 85/mn et une éruption faite de quelques
éléments papuleux disséminés sur tout le corps, y compris la paume des mains et
la plante des pieds. Certains éléments ont un aspect vésiculeux. L’examen de
tout le revêtement cutané met en évidence une tache noire au niveau du scrotum,
méconnue du malade, avec une adénopathie inguinale satellite.
Le reste de l’examen est sans anomalie.
Ce patient a fait un voyage touristique
au Zimbabwe d’où il est revenu il y a 10 jours.
Examens paracliniques :
Frottis sanguin, goutte épaisse :
absence de plasmodium.
VSH : 18 mm à la première heure
NFS : globules rouges : 5 250
000/mm3, taux d’Hb : 15,1 g/dl, Ht : 47,2%, VGM : 89 µ3 ;
globules blancs : 7 000/mm3, polynucléaires neutrophiles : 64%,
lymphocytes : 25%, monocytes : 11% ; plaquettes :
108.000/mm3.
Créatininémie : 94 µmol/l ;
glycémie : 5,2 mmol/l ; protides totaux : 63 g/l.
ASAT : 48 UI/l, ALAT : 60
UI/l. Bilirubinéme totale : 11 µmol/l. Phosphatases alcalines :
109 UI/l. Gamma GT : 10 UI/l.
Lactate deshydrogénase (LDH) : 540
UI/l.
Quel est votre diagnostic ?
Sur quels éléments cliniques et
biologiques appuyez-vous de diagnostic ?
Quel est le traitement ?
Y a-t-il une prévention ?
Discussion
Un accès palustre est d’emblée éliminé
chez ce coopérant vivant au Burundi et ne prenant pas de chimioprophylaxie
antipalustre. Devant cet exanthème fébrile, plusieurs diagnostics sont
évoqués : une dengue ou un syndrome dengue-like, une syphilis secondaire
au stade de roséole, une varicelle, une gonococcie cutanée, une allergie
médicamenteuse (mais il n’y a pas de consommation actuelle de médicament). Le
diagnostic retenu est une rickettsiose du groupe boutonneux, l’escarre scrotale
correspondant à la tache noire de Pieri décrite dans la fièvre boutonneuse
méditerranéenne.
Il existe en Afrique deux rickettsioses
du groupe boutonneux :
- la fièvre boutonneuse
méditerranéenne, due à Rickettsia conorii,
transmise par la piqûre de la tique du chien Rhipicephalus sanguineus, d’une distribution géographique
étendue : Europe du sud, Afrique, Asie,
-la fièvre à tiques africaine due à Rickettsia africae (ou africanum) transmise par les tiques du
genre Amblyomma des rongeurs et
décrite en Afrique de l’est et en Afrique australe, en particulier au Zimbabwe.
Les fièvres boutonneuses de type fièvre
boutonneuse méditerranéenne ont un tableau clinique caractérisé par :
- une incubation courte (7 jours),
- une phase d’invasion fébrile avec une
tache noire ou une conjonctivite (malade se frottant les yeux après avoir
écrasé des tiques)
- une période d’état au 3ème
jour avec fièvre, exanthème maculo-papuleux ou papuleux généralisé atteignent
la paume des mains et la plante des pieds, l’escarre d’inoculation..
L’exanthème persiste 1à 2 à jours après
la fin des signes généraux. L’évolution est le plus souvent bénigne, mais des
formes malignes ont été rapportées dans la fièvre boutonneuse méditerranéenne
avec atteinte pulmonaire, hépatique, neurologique, hématologique.
Des anomalies biologiques sont
possibles : cytolyse hépatique modérée, thrombopénie, augmentation de la
LDH.
Il y a peu de particularités
sémiologiques ou évolutives entre fièvres boutonneuses à R. conorii et R. africae.
R. africae donne une éruption
papuleuse avec certaines papules centrées sur une vésicule. Elle peut donner
une présentation clinique différente associant une polyadénopathie fébrile et
de multiples escarres sans rash. La fièvre à tiques africaine est une maladie
bénigne qui, même sana traitement, guérit en 1 à 2 semaines.
L’éruption papulo-vésiculeuse rapproche
la fièvre à tiques africaine de la Rickettsiapox à Rickettsia akari décrite en Amérique, en Russie, en Afrique du sud,
en Corée.
Manifestations cutanées des
rickettsioses du groupe des fièvres boutonneuses
Bactéries
|
Géographie
|
Vecteur
|
Réservoir
|
Maladie
|
Signes cutanés
|
R.
conorii
|
Europe,
Afrique
Inde
|
Tique
|
Rongeurs
Chiens
|
Fièvre
boutonneuse méditerranéenne
|
Escarre
+
éruption
|
R.
africae
|
Afrique
|
Tique
|
Rongeurs
|
Fièvre
à tiques
africaine
|
Escarre(s)
+éruption
|
R.
rickettsi
|
Amérique
|
Tique
|
Rongeurs
Chiens
|
Fièvre
pourprée des montagnes rocheuses
|
Eruption
|
R.
akari
|
Amérique,
Asie, Afrique
|
Mite
|
Rongeurs
|
Rickettsialpox
ou
Fièvre
vésiculeuse
|
Escarre
+
éruption
|
R.
australis
|
Australe
|
Tique
|
Rongeurs
|
Fièvre
à tiques du
Queensland
|
Eruption
|
R.
sibirica
|
Europe,
Asie
|
Tique
|
Rongeurs
|
Siberian
tick typhus
|
Eruption
|
R.
japonica
|
Japon
|
Tique
|
Rongeurs
|
Fièvre
boutonneuse orientale
|
Escarre
+
éruption
|
Le diagnostic sérologique des
rickettsioses repose sur l ‘immunofluorescence indirects (IFI) positive à
partir de 1/40ème. Le diagnostic de certitude peut se faire par la
mise en évidence directe de la rickettsie en cause à partir de la biopsie de
l’escarre d’inoculation ou d’une lésion cutanée. L’IFI sur biopsie cutanée
confirme facilement le diagnostic avant la séroconversion, mais ne permet pas
de différencier les différentes espèces.
Les rickettsies sont des bactéries à
développement intracellulaire obligatoire. Leur traitement repose sur la
doxycycline d’une remarquable efficacité entraînant l’apyrexie en 2 à 3 jours.
Le malade a reçu 200 mg de doxycycline
par jour pendant 7 jours. La confirmation du diagnostic a été apportée par la
suite, l’IFI étant à 1/320ème.
Il n'y a pas de vaccin. Il faut
recommander le port de vêtements longs, utiliser les répulsifs et retirer
rapidement les tiques, puisqu’on admet qu’il faut à la tique Rhipicephalus sanguineus 20 heures pour
transmettre R. conorii. Mais la piqûre des tiques est indolore et le plus souvent ignorée du
malade.
La prise unique prophylactique de
doxycycline 200mg peut empêcher la survenue de la maladie après piqûre de
tiques.
La rickettsie responsable (R. conorii ou R. africae) n’a pas été identifiée dans cette observation.
Références
Brouqui P. Rickettsioses animales et
humaines tropicales. Méd. Trop., 1997, 57, 23S-27S.
Duval X., Chosidow O., Tissot-Dupont
H., Raoult D., Frances C. Signes cutanés des rickettsies et micro-organismes
apparentés. Rev. Med. Interne, 1998, 19, 548-557.
Iconographies
Tache noire de Pieri caractéristique de
la fièvre boutonneuse méditerranéenne.
Eruption papulo-vésiculeuse au cours
d’une infection à Rickettsia africae.
Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé
le 22/04/2004.
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Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)