Rougeole chez une
enfant de 15 mois. Cas clinique.
Observation
Une enfant de 15 mois
est hospitalisé à l’Hôpital Principal de Dakar pour une détresse respiratoire
avec fièvre et diarrhée.
La symptomatologie a débuté 9 jours
plutôt par une éruption généralisée maculo-papuleuse, précédée, aux dires de la
mère, d’une fièvre élevée et d’une toux non productive.
A l’admission, la température est à
39,6°C, le poids est de 8,500 kg pour une taille de 78 cm. Il existe une conjonctivite et une
rhinorrhée purulentes et une desquamation généralisée donnant un aspect tigré
au revêtement cutané. L’enfant est polypnéique avec un tirage sous-costal. A
l’auscultation pulmonaire, le murmure vésiculaire est diminué dans le champ
pulmonaire droit avec des râles bronchiques diffus dans les deux champs
pulmonaires. Il existe également une otite suppurée droite. L’examen endobuccal
ne montre pas de lésion muqueuse. L’abdomen est souple, sans pli cutané. Le
reste de l’examen somatique est normal.
La radiographie
pulmonaire montre des opacités macro-nodulaires floues prédominantes à droite.
Quel est votre diagnostic ?
Quelle est l’épidémiologie de cette
maladie dans les PED ?
Quels traitements doivent être
prescrire ?
Quelle est la prophylaxie de cette
maladie ?
Discussion
Cet enfant présente
une rougeole en phase d’état (l’enfant est vu au 9ème jour de
l’éruption), rougeole compliquée d’une broncho-pneumopathie dyspnéisante, d’une
otite suppurée, d’une conjonctivite et d’une rhinorrhée purulentes.
Le diagnostic de
rougeole est évident devant l’aspect de l’éruption faite de maculopapules
érythémateuses ayant commencé à desquamer et réalisant sur peau noire un aspect
tigré. Les 3 critères majeurs de l’OMS sont ici retrouvés : éruption, fièvre,
atteinte des VAS. L’examen endobuccal ne montre pas de taches blanchâtres, le
signe de Köplik étant limité dans le temps à la période d’invasion.
La gravité de la rougeole à la période
d’état tient à la fréquence des complications, en particulier des complications
respiratoires. Elles sont dues au virus morbilleux ou à des germes de
surinfections : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae,
… Les complications respiratoires sont des atteintes des voies aériennes
supérieures (rhinite, otite moyenne, laryngite), et des manifestations bronchiques
et pulmonaires, en particulier des broncho-pneumonies. La diarrhée est
constante, elle est souvent d’origine microbienne, shigelles, salmonelles ou
virales, rotavirus, et est cause de
déshydratation.
A la période post-rougeole, à partir du
11ème jour, les principales complications à redouter sont la
primo-infection herpétique, la candidose digestive, le noma, la malnutrition
proteino-énergétique, la xérophtamie.
Dans les PED, les facteurs favorisant
une rougeole sévère sont nombreux : malnutrition, déficit en vitamine A,
jeune âge, famille nombreuse, précarité de l’hygiène, … Les épidémies de
rougeole sont particulièrement meurtrières chez les enfants déplacés non
vaccinés (camp de réfugiés). La rougeole atteint les enfants très jeunes,
souvent vers 9 mois, d’où la nécessité de vacciner avant l’âge de un an.
La rougeole fait partie des six
maladies du PEV lancé par l’OMS en 1977. La couverture vaccinale
antirougeoleuse était, en 1999, faible
en Afrique de l’ordre de 59% (elle était au Sénégal de 50%).
Or, la transmission indigène de la
rougeole peut être interrompue avec une couverture vaccinale supérieure à 90%.
L’OMS a lancé un plan stratégique
mondial contre la rougeole (2001 à 2005) comportant 4 stratégies
complémentaires :
- fournir la première dose de vaccin
anti-rougeoleux à tous les enfants à l’âge de 9 mois,
- garantir une deuxième occasion de
vaccination anti-rougeoleuse à tous les enfants, les enfants vaccinés à 9 mois
n’élaborant pas tous une réponse protectrice,
- mettre en place un système efficace
pour suivre la couverture et assurer la surveillance de la rougeole,
- améliorer la prise en charge de
chaque cas de rougeole, en veillant notamment à fournir une supplémentation en
vitamine A.
L’objectif principal du plan
stratégique mondial est de réduire la mortalité par rougeole de moitié d’ici à
2005 par rapport à 1999.
Grâce aux activités de
vaccination, la mortalité de la rougeole a globalement diminué dans le monde
entre 1999 et 2003 : 900 000 décès en 1999, 530 000 en 2003. La plus forte
baisse s’est produite en Afrique avec 519 000 décès en 1999 et 283 000 en 2003,
la couverture par vaccin antirougeoleux passant de 55% en 1999 à 65% en 2003.
L’exemple de la Zambie est démonstratif : la couverture vaccinale des
enfants de < 1an est passée de 74% en 1999 à 97% en 2004 ; dans le même
temps, l’incidence de la rougeole baissait de 5,8 à 0,7% chez les enfants de
< 5 ans. La transmission de la rougeole, qui était de prés de la moitié des
1 700 000 décès annuels par des maladies évitables par la vaccination, peut
donc être interrompue si la couverture vaccinale est > 90%.
Dans cette observation, le traitement a
consisté en une désinfection ORL et oculaire (gouttes nasales, collyre), en la
prescription d’un antibiotique à large spectre en raison des complications
respiratoires, en une réhydratation, une renutrition et un apport de vitamine A
(200 000 UI per os).
Le recours à une antibiothérapie doit
être large en cas de surinfection respiratoire : amoxicilline,
cotrimoxazole, macrolides peuvent être prescrits. L’érythromycine a été
prescrite à la dose de 200 mg/ 5 kg/j
pendant 10 jours.
Rappelons qu’il n’y a pas de traitement
antiviral spécifique de la rougeole.
L’éducation sanitaire de la mère de
l’enfant a consisté en conseils diététiques, mesures d’hygiène et l’obligation
des vaccinations du PEV.
La vaccination contre la rougeole
utilise un vaccin atténué, administré en une seule injection par voie S/C ou IM
(avec une deuxième occasion de vaccination). Le vaccin antirougeoleux est bien
toléré et assure une protection durable et probablement à vie. Les réactions
indésirables sont, en général, bénignes et passagères. Il faut systématiquement
vacciner tous les enfants, y compris les enfants VIH +, sauf en cas
d’immunodéficience grave connue ou suspectée.
Références
Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en
Médecine Tropicale. La Duraulié edit., mars 1990, pp.151-152.
Touze J.E., Peyron F., Malvy D.
Rougeole. Rouge et noir. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques.
Editions Varia, Format Utile, mars 2001, pp.225-227.
Borderon J.C., Barthez M.A. Rougeole. Encycl.
Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-050-G-10, 1995, 17 p.
OMS. Réduction de la mortalité
rougeoleuse mondiale et élimination régionale de la maladie, (2000-2001). Partie I, REH, 2002, 77, 50-55. Partie II, REH,
2002, 77, 58-61.
OMS. Vaccins antirougeoleux. REH,
2004, 79, 130-142.
OMS. Réduction de la mortalité par
rougeole dans le monde : progrès en 1999-2003. REH, 2005, 80,
78-81.
OMS. Progrès de la lutte
antirougeoleuse. Zambie. REH, 2005, 80, 213-220.
Iconographie
Rougeole : signes cutanés
post-éruptifs, peau tigrée avec desquamation généralisée.
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Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)
Professeur Pierre Aubry. Texte
revu le 16/08/2005.