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Rupture spontanée d’une rate palustre : cas clinique.

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 31/07/2003.

 

Observation 

Un homme, âgé de 25 ans, de nationalité française, est admis pour un accès fébrile d’installation brutale avec frissons. La symptomatologie est apparue 3 semaines après un séjour de trois mois en République centrafricaine où il a suivi une chimioprophylaxie antipalustre par choroquine-proguanil (SAVARINE®) et une protection antivectorielle. Aucun accès palustre n’est survenu pendant le séjour.

A l’admission, la température est à 39°5 C, l’abdomen est souple, indolore, une splénomégalie est palpable en fin d’inspiration. Le taux d’hémoglobine est à 14 g/dl, les plaquettes à 128 000/mm3. L’examen du frottis sanguin montre de rares trophozoïtes de Plasmodium falciparum avec une densité parasitaire à 1/1000. Un traitement par méfloquine (LARIAM®) est instauré dès l’admission à la dose de 1500 mg. L’évolution est rapidement favorable avec apyrexie à la 24ème heure, disparition de la splénomégalie et négativation du frottis sanguin.

Deux jours plus tard, le malade présente brutalement une douleur de l’hypocondre gauche, irradiant vers le dos et l’épaule gauche. A l’examen, l’abdomen est tendu, avec une défense au niveau de l’hypocondre et du flanc gauches. Il existe un état de choc avec une TA systolique à 60mmHg. Le malade n’a pas la notion de traumatisme abdominal récent.

 

Examens paracliniques :

Taux d’Hb : 5,6 g/dl

Echographie abdominale : splénomégalie modérée, présence d’un épanchement intrapéritonéal.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quel examen complémentaire est utile pour le confirmer ?

Quel traitement doit être pratiqué en urgence ?

Quels mécanismes peuvent expliquer cette urgence abdominale ?

 

Discussion

Il s’agit à l’évidence d’un état de choc du à un épanchement intra-abdominal, d’origine hémorragique probable. Une ponction lavage du péritoine affirme le caractère hémorragique de l’épanchement. Une rupture spontanée de la rate est évoquée.

L’intervention chirurgicale est réalisée en urgence après une compensation volémique par 6 unités de sang. A la laparotomie, il y a un hémopéritoine de 2 litres et une rupture au niveau du hile splénique nécessitant une splénectomie. A l’examen macroscopique, la rate pèse 620 gr, la capsuler est fine, rompue au niveau du hile. Il y a quelques trophozoïtes de P. falciparum sur le frottis splénique.

La rupture splénique fait intervenir 3 mécanismes :

- une torsion du pédicule, éventualité possible dans les volumineuses splénomégalies du paludisme viscéral évolutif,

- un hématome sous-capsulaire de la rate, associé ou non à un infarctus splénique,

- une brutale congestion splénique, mécanisme incriminé lors des ruptures observées lors d’un accès de primo-invasion. Ce mécanisme est évoqué dans cette observation.

Les ruptures spléniques sont une complication exceptionnelle, mais réelle du paludisme à P. vivax et à P. falciparum. Le rôle de P. falciparum choroquinoresistant a été discuté : il existe dans ce cas un parasitisme faible mais prolongé qui peut intervenir dans la fragilisation de la rate. Le malade a suivi, dans un pays du groupe 3 (RCA), une chimioprophylaxie mal adaptée par SAVARINE®.

Les suites opératoires ont été simples permettant la sortie au 10ème jour.

Il faut faire des examens parasitologiques de contrôle, y compris par la technique QBC, dans les suites d'une splénectomie pour rate palustre et reprendre, si nécessaire, un traitement antipalustre efficace notamment s’il s’agit d’un paludisme chimiorésistant.

 

Références 

 

Touze J.E., Martet G., Garnotel E., Beauté D., Ducourau J.P., Raphenon G., Aubry P. Une complication inhabituelle du paludisme à Plasmodium falciparum chloroquinorésistant : la rupture splénique spontanée. Ann. Med. Interne, 1989, 140, 228-229.

 

Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Un collapsus fébrile. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format Utile. Editions Varia, mars 2001, 339-341.