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Septicémie à  Mycobactérium tuberculosis chez un adulte Burundais VIH positif

 

Observation

 

Un homme de 32 ans, Burundais, célibataire, commerçant, connu pour être séropositif pour le VIH  depuis 2 ans est hospitalisé dans le service de Médecine interne du CHU de Bujumbura pour une fièvre en plateau à 39,5°-40°C depuis un mois et une profonde altération de l’état général.
Dans ses antécédents, on note :

- une tuberculose pulmonaire, révélatrice de l’infection à VIH/SIDA, traitée et «guérie» par l’association isoniazide (INH), rifampicine (RMP), éthambutol (EMB), pyrazinamide (PZA) pendant 2 mois, puis INH + RMP pendant 4 mois,

- une diarrhée chronique avec isolement à plusieurs reprises d’œufs d’Isospora belli,

- une candidose oropharyngée et œsophagienne connue depuis un an, récidivante à l’arrêt du traitement,

- une toxidermie bulleuse il y a 3 mois, attribuée au cotrimoxazole (BACTRIMâ), traitement prescrit contre l’isosporose.

A l’admission, le malade est cachectique. Il pèse 32 kg pour 1m 60. La température est à 40,2°C. L’examen clinique note des lésions cutanées de grattage, une candidose oro-pharyngée et des œdèmes des membres inférieurs.

 

Examens paracliniques :

 

VSH à 110 mm à la première heure

NFS : GR à 3 150 000/mm3, taux d’Hb à 9,3 g/100 ml ; GB : 3 900/mm3, polynucléaires neutrophiles : 87%, lymphocytes : 12% (468/mm3)

Recherche de BAAR dans le liquide de tubages gastriques : positive

Radiographie pulmonaire (face) : opacités réticulomicronodiulaires localisées au niveau du champ moyen gauche

Examen parasitologique des selles : présence d’oocystes d’Isospora belli

Ponction lombaire : LCR eau de roche, protéines à 0, 22 g/l, 3 éléments/mm3, absence de cryptoccoques  (coloration à l’encre de Chine, antigène soluble) ; absence de BAAR (examen direct) ;  cultures sur milieu de Sabouraud et de Lowenstein-Jansen en cours

Trois hémocultures sur milieux usuels et sur milieu de Lowenstein-Jansen sont en cours

 

Quel est votre diagnostic ?

Quelles sont les relations du «couple» tuberculose-infection à VIH en  santé publique ?

Comment faire le diagnostic de la tuberculose pulmonaire sur le terrain ?

Quelles autres localisations de la tuberculose doivent être recherchées chez ce malade ?

Quels sont les traitements que vous allez prescrire?

Quelle est la prévention de la tuberculose?

 

Discussion 

 

Il s’agit d’un malade atteint de sida avec plusieurs infections opportunistes (tuberculose, candidose, isosporose) présentant une rechute de tuberculose pulmonaire par réinfection endogène.

Il y a 16 à 20 millions de cas de tuberculose dans le monde, avec 8 millions de nouveaux cas et 1,8 millions de décès par an. La plupart des nouveaux cas et des décès se produisent dans les PED  (Afrique subsaharienne, Asie du sud-est), là où la coinfection tuberculose et infection à VIH est fréquente. Dans les régions d’Afrique subsaharienne dans lesquelles le VIH à une prévalence élevée, prés de 50% des sujets VIH positifs sont coinfectés avec la tuberculose et plus des 2/3 des sujets atteints de tuberculose sont infectés par le VIH. La prévalence de l’infection à VIH/SIDA en Afrique orientale est de 10 à 15% (centres de santé prénatals).

Le diagnostic de la tuberculose pulmonaire sur le terrain est basé sur l’examen microscopique montrant la présence de BAAR dans les crachats ou les tubages gastriques à l’aide de la coloration de Ziehl-Neelsen ou d’un colorant acidorésistant fluorescent comme l’auramine. Dans notre observation, le diagnostic de rechute de la tuberculose pulmonaire a été porté par la mise en évidence de BAAR dans les tubages gastriques (absence d’expectoration). Le diagnostic d’espèce a montré qu’il s‘agissait de Mycobacterium tuberculosis.

Il faut systématiquement rechercher des BAAR dans les autres prélèvements (urines, liquides de ponction, hémocultures), en évitant tout geste agressif. Dans le cas présenté, les hémocultures sur milieu de Lowenstein-Jansen ont été positives pour M. tuberculosis 30 jours après l’ensemencement. Depuis la survenue de l’épidémie de l’infection à VIH/SIDA, de nombreux cas d’hémocultures positives à M. tuberculosis ont été rapportés dans la littérature (plus de 10% à un stade tardif de la maladie). Notre malade a un taux de lymphocytes de 468/mm3. Il présente une fièvre avec atteinte marquée de l’état général et le diagnostic de rechute de tuberculose est facile compte tenu du cliché pulmonaire anormal et de la positivité de la bacilloscopie. Mais, chez les malades VIH positifs présentant une fièvre isolée, le diagnostic de tuberculose est difficile (aspect radiologique non ou peu évocateur, bacilloscopie négative) et c’est souvent le traitement d’épreuve antituberculeux qui permet le diagnostic de tuberculose évolutive. Prés de la moitié des tuberculeux VIH positifs en Afrique présentent des tuberculoses extra pulmonaires isolées ou associées à une tuberculose pulmonaire ou des tuberculoses multifocales ou disséminées.

Le traitement antituberculeux quadruple associant INH, RMP, EMB, PZA a été de nouveau prescrit. Il a entraîné une apyrexie à la 72éme heure. Le malade a pu sortir de l’hôpital après 2 mois de traitement sous bithérapie antituberculeuse INH et RMP, l’antibiogramme montrant une sensibilité de M. tuberculosis  à ces 2 médicaments.

Un traitement par fluconazole (TRIFLUCANâ) pour la candidose et par pyriméthamine  (MALOCIDEâ), sous couvert d’acide folique, et compte tenu de l’intolérance au cotrimoxazole, pour l’isosporose ont été associés.

Le traitement préventif chez les sujets VIH positifs ayant une IDR à la tuberculine positive et qui ne sont pas atteints de tuberculose évolutive est basé sur l’INH, médicament de référence, à la dose de 5 mg/kg/j (maximum : 300 mg) pendant 6 mois.

De plus, ce traitement préventif est impératif chez tous les enfants contacts des PED ayant moins de 5 ans et apparemment sains.

Une dose unique de BCG doit être administrée à tous les nourrissons des PED dès que possible après la naissance, y compris chez les nourrissons VIH positifs asymptomatiques.

 

Le malade est décédé à domicile 45 jours après sa sortie de l’hôpital. Une septicémie à M. tuberculosis au cours de l’infection à VIH/SIDA est considérée comme très péjorative.

 

 

 

Références 

 

Murray J.F. Cursed duet : HIV infection and tuberculosis. Respiration, 1990, 57, 210-220.

 

Kamanfu G, Nikoyagize E., Ndayiragije A., Cishako A., Aubry P. Fait clinique : septicémie à Mycobactérium tuberculosis chez un malade atteint par l’infection due au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) au Burundi. Bull. Soc. Path. Ex., 1991, 84, 362-364.

 

OMS. Vaccin BCG. REH, 2004, 79, 27-38.

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 31/03/2004.