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Syphilis secondaire. Cas clinique.

 

Observation 

 

Un homme de 35 ans, célibataire, originaire de la République Démocratique du Congo, consulte au CHU de Bujumbura (Burundi), pour une éruption érythémateuse et papuleuse, non prurigineuse, prédominant au tronc et aux extrémités des membres. Le malade se plaint d’arthralgies diffuses et de céphalées récentes. Il n’est pas fébrile.

L’examen clinique constate la présence de papules cuivrées, brillantes, fermes au toucher, ayant du corps, particulièrement bien visibles au niveau de la paume des mains, de la plante des pieds et du dos.

L’interrogatoire orienté apprend l’existence chez cet homme jeune, travailleur transplanté, d’une ulcération génitale trois mois auparavant, apparue après un rapport sexuel non protégé, auto-traitée par le malade et apparemment guérie.

 

Quel est votre diagnostic ?
Quels sont les examens para-cliniques à pratiquer ?
Comment interpréter la sérologie ?

Quel traitement doit être prescrit ?

 

Discussion

 

Le tableau clinique est caractéristique d’une syphilis secondaire papuleuse évoluée. La syphilis secondaire entre dans le cadre de la syphilis récente qui recouvre la syphilis primo-secondaire et la syphilis latente datant de moins de 2 ans (OMS). L’expression sémiologique de la syphilis récente est bien connue : elle débute par le chancre, exulcération ou ulcération génitale indurée, indolore, puis, en l’absence de traitement spécifique, elle évolue vers la syphilis secondaire caractérisée par une éruption maculeuse, la roséole syphilitique (première floraison), qui passe souvent inaperçue en particulier  sur peau noire, suivie par des papules dont l’aspect (syphilides cuivrées) et la topographie  (en particulier, la localisation palmo-plantaire, la plus caractéristique) suffisent à porter le diagnostic. Les syphilides papuleuses secondaires témoignent de la dissémination de la maladie et peuvent s’accompagner d’une atteinte des muqueuses (plaques « fauchées » de la langue dues à une abrasion des , fausse perlèche), d’alopécie, de signes généraux (fièvre, céphalées, arthralgies, atteinte marquée de l’état général) et d’adénopathies périphériques.

Le sérodiagnostic de la syphilis repose sur l’association d’un test non tréponémique, non spécifique (le VDRL qui est une réaction d’agglutination), et d’un test  tréponémique, spécifique (le TPHA, réaction d’agglutination ou  FTA, test d’immunofluorescence indirecte). La sérologie standard TPHA-VDRL est positive chez le malade présenté.

 

Le traitement repose sur la pénicilline : une injection unique de 2 400 000 UI de benzathine-pénicilline (pénicilline long retard) guérit la syphilis récente. La benzathine-pénicilline (EXTENCILLINE®) a été prescrite à la dose de 2 400 000 UI, dose renouvelée au bout de 15 jours, compte-tenu du long délai entre la contamination et la mise en traitement (trois mois). Une réaction d’Herxheimer étant à craindre chez ce sujet qui présente une syphilis secondaire évoluée, une corticothérapie brève, par voie générale, à la dose de 0,5 mg/kg/j  de prednisolone a été prescrite la veille et les 3 premiers jours du traitement antibiotique. En cas d’allergie à la pénicilline, d’autres antibiotiques doivent être utilisés : les cyclines (doxycycline 200 mg/j ou tétracycline 2 g par jour, pendant 15 jours) ou les macrolides (érythromycine  2g/j pendant 15 jours). La ceftriaxone est une autre alternative dans le traitement de la syphilis précoce des patients allergiques à la pénicilline à la dose de 250 mg en IM pendant 10 jours sous réserve d’un suivi régulier  (CDC).

Sous traitement, les lésions disparaissent en moins de 8 jours, la surveillance sérologique s’effectue par le VDRL (titres), le TPHA se négativant rarement après traitement.

La sérologie VIH etait négative chez notre malade, mais compte tenu du mode de contamination (vagabond sexuel) et malgré que le contage date de trois mois, un contrôle de la sérologie VIH sera demandé.

 

Le tableau ci-dessous donne l’interprétation schématique de la sérologie standard TPHA-VDRL

 

 

Réactions

 

 

Interprétation

 

 

 TPHA -

 VDRL -

 

 absence de tréponématoses

 syphilis en incubation

 syphilis primaire dans les 5 à 10 premiers jours du chancre

 syphilis guérie traitée précocement

 

 

 THHA -

 VDRL ++ à +++

 

 faux positif

 TPHA +

 VDRL -

 

 séquelle sérologique d’une tréponématose non vénérienne

 syphilis à priori guérie

 syphilis tertiaire (rare)

 

 

 TPHA +

 VDRL + à +++

 

 tréponématose non vénérienne (zone d’endémie) ou vénérienne,

 traitée ou non, guérie ou non

 

 

Références 

 

Aubry P, Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit., mars 1990, pp.171-172.

 

Janier M., Caumes E. Syphilis. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-039-A-10, 2003, 17 p.

 

Iconographie

 

Malade : papules syphilitiques au niveau du tronc et de la paume des mains.

 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte mis à jour le 20/12/2003.

 

Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)

 Eruption maculo-papuleuse dorsale Eruption maculo-papuleuse plantaire