Teigne tondante chez
une fillette comorienne : cas clinique.
Professeur
Pierre Aubry. Texte rédigé le 13/06/2003.
Observation
Une fillette de 10
ans, de race noire, se présente à la consultation d’un dispensaire à Mayotte
pour une chute des cheveux. Elle vient d’arriver d’Anjouan et a été accueillie
chez des « cousins ».
L’examen montre la présence sur le cuir
chevelu de nombreuses plaques d’alopécie d’environ 2 cm de diamètre recouvertes
de squames. Les cheveux sont cassés, au niveau des plaques, au ras du cuir
chevelu. Une lésion squameuse est observée au niveau du front.
La fillette est, par ailleurs, en assez
bon état général. Elle pèse 28 kg pou 1,32 m.
Quel est votre diagnostic ?
Quel(s)
examen(s) complémentaire(s) demander pour confirmer le diagnostic ?
Quelles sont les principales lésions
dermatologiques observées chez l’enfant comorien ?
Quel est le traitement ?
Quelles mesures doit prendre la famille d’accueil ?
Discussion
L’origine
géographique de la fillette (Anjouan), son âge, l’aspect des lésions :
petites plaques recouvertes de squames dans lesquelles les cheveux sont cassés
au ras du cuir chevelu permettent de porter cliniquement le diagnostic de
teigne tondante sèche à petites plaques.
Les
teignes sont dues au parasitisme des cheveux par des champignons : les
dermatophytes.
Il
y a trois types de teignes :
1. Les
teignes tondantes qui provoquent une chute des
cheveux :
1.1. Les
teignes tondantes à petites plaques dites trichophytiques, fréquentes en Afrique (Afrique du nord
et Afrique Noire) et dans l’Océan
indien. Elles sont dues à Trichophyton
violaceum en Afrique du nord et à Tr.
soudanense en Afrique Noire. Les trichophytons sont anthropophiles et la
contamination est interhumaine. Des lésions squameuses du front et/ ou de la
nuque sont souvent associées. Les lésions ne sont pas fluorescentes en lumiére
de Wood.
1.2. Les teignes tondantes à grandes plaques dites
microsporidiques à Microsporum
canis (France) ou à M. langeronii
(Afrique Noire), arrondies, recouvertes de squames grisâtres, transmises
habituellement par les chiens et les chats. Elles donnent en lumière de Wood
une fluorescence verte.
2. Les teignes inflammatoires ou suppuratives ou kérions.
Ce sont des placards inflammatoires purulents, de survenue brutale, réalisant
une sorte de macarons en relief, ponctué d’orifices pilaires dilatés, d’où
sourd du pus avec expulsion des cheveux.
3. Les teignes faviques ou favus dues à Tr. schonleinii en Afrique du Nord et
dans le Sahel (Mauritanie, Sénégal), caractérisées par la présence de godets
faviques, dépressions cupuliformes recouvertes de croûtes molles et jaunâtres
et une odeur de souris.
Le diagnostic de la teigne à petites plaques repose sur la mise en évidence du
dermatophyte responsable. Un prélèvement est fait par grattage des squames à la
curette ou au vaccinostyle (il ne faut pas tenter de prélever les cheveux à la
pince à épiler, car ils sont cassés au ras du cuir chevelu). A l’examen
microscopique direct : présence de cheveux cassés très courts et englués
dans les squames, rempli de grosses spores rondes mesurant 4 µ de diamètre. La
culture sur milieu de Sabouraud pousse à 27°C en 8 à 10 jours. Elle met ici en
évidence Tr. soudanense.
Les principales affections
dermatologiques observées chez l’enfant comorien sont :
- les mycoses cutanées
superficielles : teignes, intertrigos, pityriasis versicolor,
- les dermatoses parasitaires :
ectoparasitoses (poux, gale), tungose ou puce chique,
- les dermatoses bactériennes à
staphylocoques ou à streptocoques : impétigo, cellulite péri- orbitaire.
Le traitement de la teigne tondante a
petites plaques repose sur la griséofulvine (GRISEFULINE®) à la dose de 15 à 20 mg/kg/j, soit 1 comprimé à 250 mg
pour 15 kg en 2 prises au cours des repas pendant 6 à 8 semaines. Le rasage
n’est plus utilisé en pratique. Dans le cas présenté, il a été prescrit 4
comprimés de GRISEFULINE® par jour en 2
prises pendant 2 mois.
Compte tenu de la contagion
interhumaine, les teignes trichophytiques nécessitent un dépistage systématique
de tous les sujets contactas, en particulier les enfants et l’éviction scolaire.
Références
Badillet G. Dermatophyties et
dermatophytes. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-614-A-10,
1994, 14 p.
Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Plaque
d’alopécie. Médecine tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format utile.
Editions Varia, mars 2001, pp.155-157.
Iconographie
Photographie du cuir chevelu et du
front de la fillette.
Collections: Pr. Pierre Aubry et I.M.T.S.S.A. Le Pharo (Marseille)
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