Tétanos localisé d’un membre : cas
clinique
Observation
Un homme de 43 ans, Béninois, est
hospitalisé à l’Hôpital de Porto-Novo pour des crampes au niveau du membre
inférieur gauche. Il a reçu 10 jours auparavant dans la fesse gauche une
injection intramusculaire de quinine pour une fièvre de type palustre.
A l’examen, on note des contractures douloureuses,
spontanées et provoquées atteignant les muscles agonistes et antagonistes de la
cuisse et de la fesse gauches qui sont durs au palper. La force musculaire est
conservée. Les réflexes ostéotendineux sont plus vifs au membre inférieur
gauche qu’aux autres membres. Le réflexe cutané plantaire est en flexion. Les
pouls fémoraux, poplités, tibiaux postérieurs et pédieux sont bien perçus,
symétriques. Les sensibilités superficielle et profonde sont normales. Localement,
on ne note ni abcès, ni hématome. Il n’y a ni trismus, ni dysphagie, ni raideur
méningée, ni contracture abdominale.
Le patient a reçu il y a un an une
seule injection d‘anatoxine antitétanique.
Quel
est votre diagnostic ?
Quelle est la pathogénie de cette localisation à un membre
Y a-t-il d’autre forme localisée de la
maladie ?
Quels sont les buts du traitement et la
conduite pratique dans le cas clinique présenté ?
Quelle est la prévention ?
Discussion
Après avoir éliminé une blessure
vasculaire ou nerveuse, le diagnostic de tétanos localisé du membre inférieur
gauche est porté sur la clinique :
incubation longue, supérieure à 7 jours, contractures musculaires et hyper
réflectivité tendineuse limitées au membre inférieur gauche, après une piqûre
intramusculaire qui représente ici la porte d’entrée du germe, Clostridium tetani., germe tellurique
présent dans le sol.
Le tétanos est une toxi-infection du à
la toxine de Clostridium tetani , la
tétanospasmine, qui pénètre et se multiplie au niveau de sa porte d’entrée
(plaie, injection intramusculaire, brûlure, gangrène, avortement septique, …).
Le tétanos par injection intramusculaire, qui a pratiquement disparu dans les
pays développés, est encore fréquent dans les PED (mauvaise stérilisation du
matériel d’injection, désinfection insuffisante).
La toxine se fixe sur les jonctions
neuromusculaires et les synapses neuronales. Elle agit surtout sur les cellules
inhibitrices présynaptiques entraînant une augmentation permanente du tonus
musculaire et des contractures. La diffusion de la toxine, à partir de la porte
d’entrée, se ferait soit par voie sanguine ou lymphatique, soit par voie
nerveuse centripète en cheminant le long des cylindraxes. Le tétanos généralisé
serait du à une diffusion par vois vasculaire ou lymphatique, le tétanos
localisé par voie nerveuse. Chez les petits animaux à nerfs courts, le tétanos
typique est un tétanos localisé. Chez l’homme et les grands animaux à nerfs longs,
la toxine diffuse par vois sanguine ou lymphatique avant que les segments du
névraxe en rapport avec la porte d’entrée ne soient atteints par voie nerveuse.
Le tétanos généralisé est donc le plus souvent observé. La toxine tétanique est
antigénique et neutralisée par les anticorps spécifiques. La vaccination par
l’anatoxine entraîne une protection qui dépend du taux d’anticorps
neutralisants acquis après vaccination. Une immunité partielle, due à une
vaccination incomplète, peut neutraliser la toxine circulante.
Le tétanos céphalique est l’autre forme
localisée du tétanos. L’inoculation du germe a lieu dans une région à nerfs
courts (plaie de la face ou du cou). Certaines formes cliniques sont limitées à
un trismus et à des contractions des muscles de la nuque et de la face (tétanos
de Rose), d’autres s’accompagnent de paralysies du nerf facial et des nerfs
oculomoteurs (tétanos de Worms).
Les buts du traitement du tétanos sont au nombre de six :
- diminuer les stress sensoriels qui
déclenchent des crises paroxystiques,
- neutraliser la toxine circulante par
le sérum antitétanique ou les immunoglobulines humaines spécifiques, d’un prix
très élevé les rendant inaccessibles dans les PED,
- diminuer les facteurs favorisants le
développement du bacille tétanique au niveau de la porte d’entrée et prévenir
les surinfections,
- réduire les contractures en réalisant
une myorelaxation,
- assurer la permanence des grandes
fonctions vitales,
- assurer l’immunité par
l’anatoxinothérapie, le tétanos n’étant pas immunisant.
Le traitement a été limité dans le cas
présent à l’admission en salle des tétaniques, salle silencieuse et peu
éclairée, une sédation par diazépam (VALIUMâ) à la dose de 200 mg/24 heures en dose
fractionnée, une antibiothérapie par pénicilline G 5 MU par jour, une anatoxine
sous-cutanée à renouveler au 10ème et au 20ème jour. Il n’y a pas eu de signe de
généralisation. La guérison a été obtenue sans séquelles après 3 semaines
d’évolution.
La prévention du tétanos se résume à la
vaccination par l’anatoxine antitétanique qui a perdu son pouvoir pathogène,
mais a conservé son pouvoir immunogène. Elle est réalisée par 3 injections de
0,5 ml par voie sous-cutanée ou intramusculaire à 1 mois d’intervalle suivie
d’un rappel un an après.
Les groupes à vacciner sont les enfants
dans le cadre du PEV, les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes,
les ruraux. Chez la femme enceinte, non protégée antérieurement, la vaccination
protége l’enfant pendant les 6 premiers mois.
En cas de risque de tétanos,
l’anatoxine assure une protection immédiate.
Tableau 1- Anatoxine dans la prévention
immédiate du tétanos
|
Risque
modéré (1)
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Risque
important (2)
|
Absence de vaccination
|
Anatoxine et vaccination complète
|
Anatoxine et vaccination complète
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Vaccination incomplète
|
Anatoxine rappel
|
Anatoxine rappel
|
Vaccination compléte
Date dernier rappel
< 5 ans
5 à 10 ans
> 10 ans
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Aucune prévention
Aucune prévention
Anatoxine rappel
|
Aucune prévention
Anatoxine rappel
Anatoxine rappel
|
(1) plaie minime
(2) plaie étendue,
souillée ou vue tardivement, injection intramusculaire, brûlure, gangrène,
avortement septique
Note : dans les pays développés,
l’anatoxine est associée aux immunoglobulines spécifique humaines selon le
statut vaccinal et son ancienneté.
Références
Aubry P., Colle M., Giraud J.,
Massacrier A., Thomas J. A propos d’un cas de tétanos localisé des membres. Bull.
Soc. Path. Ex., 1974, 67, 267-270.
Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé
le 02/04/2004.