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Fièvre typhoïde chez une française au retour du Népal : cas clinique

Fièvre typhoïde chez une française au retour du Népal : cas clinique.

 

Observation

Une jeune femme de 22 ans, de nationalité française, est hospitalisée dans un hôpital marseillais pour un syndrome fébrile à son retour d’un voyage au Népal. Elle est revenue depuis 12 jours après un séjour de 3 mois. Elle n’a pas pris de chimioprophylaxie antipalustre.

Le début de la maladie remonte à 3 jours par une fièvre à 39,5°C, en plateau, avec céphalées, douleurs orbitaires, courbatures généralisées associées à une hyperesthésie cutanée, rendant désagréable le contact des vêtements. A cette fièvre s’ajoutent des frissons et des sueurs.

La patiente est de plus très asthénique et anorexique.  Il n’y a ni vomissement, ni diarrhée, mais une constipation inhabituelle.

A l’examen, on est en présence d’une jeune femme en assez bon état général,  abattue, mais non obnubilée. La température est à 40°C, le pouls régulier à 82 mn, la TA à 105/70 mmHg. Il n’y a ni ictère, ni exanthème. La langue est propre, l’abdomen douloureux dans son ensemble, on note une splénomégalie stade 2 de l’OMS, la fosse iliaque droite est gargouillante.

Elle a été revaccinée avant son départ contre la fièvre jaune et a été vaccinée contre les hépatites A et B.


Examens paracliniques :

Frottis sanguin, GE : absence d’hématozoaires

VSH : 52 mm à la 1ère heure

NFS : GR : 5 170 000, Hb : 13 g/100 ml ; GB : 5 300, PN : 63%, L : 23%, M : 14% ;

          plaquettes :168 000

Radiographie thoracique : ITN

ECG : normal

Echographie abdominale : normale

 

Quel est votre diagnostic ?

Quels examens complémentaires sont indispensables au diagnostic ?

Quel est le traitement de cette maladie ?

Quelle en est la prophylaxie ?

 

Discussion 

Le tableau clinique associant  un syndrome fébrile sévère avec pouls dissocié, une splénomégalie, un abdomen douloureux, une FID gargouillante, un état d’abattement, le tout apparu 12 jours après un séjour au Népal évoque un état septicémique, en particulier une fièvre typhoïde. Le paludisme doit cependant être éliminé en raison de l'absence de prophylaxie antipalustre : les recherches d’hématozoaires sont négatives.

Le diagnostic repose sur  les hémocultures, les coprocultures et le sérodiagnostic de Widal et Félix.

Trois hémocultures ont été réalisées à 12 heures d’intervalle, la température oscillant entre 39°C et 40,5°C. Elles se positivent à la 24e heure pour un bacille gram négatif qui se révélera être Salmonella typhi. L'antibiogramme montrera que le germe est résistant au chloramphénicol, sensible au cotrimoxazole, aux aminopénicillines, aux céphalosporines de 3e génération et aux fluoroquinolones.

Le sérodiagnostic de Widal et Félix, négatif à l’entrée à J4 par rapport au début de la fièvre, se positive à J12 : 1/200 pour T0, 1/400 pour TH.

Le tableau clinique présenté par notre malade est très évocateur de fièvre typhoïde, qui associe fièvre en plateau constante, céphalées, diarrhée ou constipation, splénomégalie, douleurs abdominales diffuses ou localisées à la FID, pouls dissocié et obnubilation. Les taches rosées sont très inconstantes.

Le diagnostic est affirmé par les hémocultures, qui permettent de réaliser un antibiogramme. Il est nécessaire de renouveler le sérodiagnostic de Widal et Félix qui se positive à partir du 8éme jour pour les agglutinines 0 et du 12e jour pour les agglutinines H. Les taux doivent être à 1/200 chez un non vacciné, à 1/400 chez un vacciné.

Le traitement fait appel aux antibiotiques classiquement actifs : chloramphénicol, aminopénicillines, céphalosporines de 3éme génération, cotrimoxazole, fluoroquinolones. Compte tenu de l’antibiogramme, il a été prescrit de l’amoxicilline per os à la dose de 20 mg/kg /j en 2 prises.

L’évolution a été émaillée de troubles digestifs, en particulier de douleurs de l’hypocondre droit. Une 2e échographie abdominale faite 14 jours après l’entrée a montré un épaississement de la paroi vésiculaire évoquant une cholécystite alithiasique (absence d’image hyperéchogéne), d’autant que la palpation de la région vésiculaire par la sonde entraîne une douleur bloquant la respiration (signe de Murphy). L’ECG a montré à la même période des anomalies de la repolarisation à type d’inversion diffuse des ondes T, témoin d’une myocardite, l’échocardiographie étant normale. Le traitement par amoxicilline a alors été remplacé par une fluoroquinolone, la ciprofloxacine, à la dose de 20 mg/kg/j poursuivie pendant 10 jours. L’évolution a été alors favorable, marquée par une alopécie au 2e mois.

Le traitement de la fièvre typhoïde repose sur des antibiotiques à forte pénétration intramacrophagique. Or, la pénétration intracellulaire des b-lactamines est faible. 

La prophylaxie de la fièvre typhoïde repose sur la vaccination  par un vaccin inerte fractionné : Typhim Vi Aventis Pasteur ou Typherix GlaxoSmithKline, efficace en une injection SC ou IM chez l’enfant de plus de 2 ans et l’adulte. Notre malade n’avait pas été vaccinée avant son départ au Népal, la vaccination contre la fièvre typhoïde étant fortement conseillée aux voyageurs se rendant dans des régions d’endémie pendant plus de 3 semaines.

Les règles d’hygiène et la qualité des eaux de boisson et des aliments sont essentielles, et doivent être strictement observées en particulier chez le non-vacciné tant en milieu urbain qu’en milieu rural.

 

 

Références 

Aubry P., Touze J.E. Fièvre typhoïde. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit. , mars 1990, pp. 13&-132.

Pennec Y.L., Garre M. Salmonelloses de l’adulte. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-018-A-15, 2003, 9 p.

 

Professeur Pierre Aubry. Texte revu le 11/04/2006.