Ankylostomiase : Cas clinique.
Observation :
Une
jeune femme burundaise de 25 ans, multipare, est hospitalisée au CHU de
Bujumbura pour une asthénie progressivement croissante depuis 2 mois, des
brûlures épigastriques sans périodicité nette, une dyspnée à l’effort, des
palpitations, des oedèmes des membres inférieurs.
L’examen
clinique montre une pâleur marquée, évidente au niveau des conjonctives, des
oedèmes des membres inférieurs mous, indolores, prenant le godet, mais aussi au
niveau de la face qui est infiltrée. Les ongles sont ramollis, aplatis. Il
existe une perléche et une langue dépapillée.
La tension artérielle est à 90/40 mm/Hg. Le pouls est à 102/mm.
L’auscultation cardiaque montre un souffle mésocardiaque 2/6. Il y a une
splénomégalie type I de l’OMS.
Numération
formule sanguine : globules rouges : 2 400 000/mm3 , taux
d’hémoglobine : 5,6 g/100 ml, VGM : 75µ3, taux des
réticulocytes : 46.000/mm3 ; globules blancs : 9 800/mm3, avec
PN : 54%, PE : 8% (784 el/mm3),
Le test d’Emmel est négatif. Les protides totaux à 52 g/l,
l’ albuminémie à 22 g/l. L ‘examen parasitologique des selles montre la
présence d’œufs elliptiques, symétriques, à coque transparente, longs en
moyenne de 70µm, larges de 40µm, avec 8 blastoméres.
Quel diagnostic évoquez-vous ?
Comment expliquez-vous l’anémie hypochrome,
microcytaire ?
Quel traitement prescrivez-vous ?
Discussion :
Chez cette jeune femme multipare (son 4éme enfant est âgé de
9 mois) qui présente une anémie hypochrome, microcytaite, arégénérative avec hypoprotidémie
et hypoalbuminémie, une carence en fer est retenue : anémie microcytaite,
signes cliniques patents. On recherche des pertes excessives par saignements.
Mais, il n’y a ni hémorragie digestive, ni urinaire et elle n’a pas eu de
retour de couches (elle allaite toujours
le bébé de 9 mois). L’examen gynécologique est normal.
Il est évident que les besoins en fer sont augmentés chez
cette multipare et que les apports sont insuffisants (alimentation pauvre en fer et en protides animales).
En fait, le diagnostic de cette anémie microcytaire,
sidéropénique est apporté par l’examen parasitologique des selles qui montre
des œufs d’ankylostomes ayant les caractères morphologiques de Nécator americanus.. La numération des
œufs par méthode de Stoll montre 8 600 œufs par gramme de selles, ce qui
correspond à une charge élevée et qui explique en grande partie l’anémie.
Les ankylostomes sont des nématodes parasites de l’homme.
Ils vivent dans le duodénum et le jéjunum, s’attachent à la muqueuse
intestinale par les lames tranchantes ou les crochets de leur capsule buccale, « broutent » littéralement la
muqueuse intestinale et font saigner. Ils ont de plus des propriétés
anticoagulantes.
Il
y a un milliard de sujets infectés dans le monde. Deux ankylostomes sont parasites
de l’homme : Nécator américanus
des régions intertropicales et Ankylostoma
duodenale qui infeste les mêmes zones, mais aussi l’Europe méridionale et
l’Afrique du nord. Necator americanus
entraîne une perte de sang en moyenne de 0,02 ml par ver et par jour, soit
environ
20
ml/j. Ankylostoma duodenale entraîne
des pertes sanguines plus importantes.
Le
cycle parasitaire débute par la pénétration transcutanée des larves, leur
migration par voie circulatoire aux poumons, à la trachée, au larynx, au pharynx,
leur déglutition dans l’appareil digestif où
elles deviennent adultes au niveau du duodéno-jéjunum, les œufs étant
émis dans les selles 1 à 2 mois après la contamination. Dans le milieu
extérieur, les œufs donnent des larves infestantes en 7 à 10 jours. Les larves
sont très résistantes dans le milieu extérieur (18 mois dans l’eau).
En
zone intertropicale, la phase de contamination (dermite d’inoculation) et la
phase de migration larvaire (catarrhe des gourmes, possible syndrome de Loeffler) passent le plus
souvent inaperçues chez l’autochtone et la parasitose fait parler d’elle en
phase d’état avec des douleurs épigastriques et un syndrome anémique dont la
gravité est fonction de la charge parasitaire
L’ankylostomiase
peut être grave chez l’enfant malnutri et la femme africaine ayant des
grossesses répétées et rapprochées avec d’importants besoins en fer.
Le
diagnostic repose sur la mise en évidence des œufs. Leur numération permet
d’évaluer la charge parasitaire.
Dans
le cas présenté, le traitement a consisté en la prise d’un benzoimidazolé, le
mébendazole (VERMOX), qui a été préféré à l’albendazole (ZENTEL) contre-indiqué
chez la femme enceinte et allaitante. Le VERMOX a été prescrit à la dose de 200
mg/j pendant 3 jours. Le ZENTEL est prescrit en prise unique de 400 mg.
A
ce traitement anti-parasitaire a été associé le prise de fer sous forme de sel ferreux, 200 mg/j pendant
3 mois et d’acide folique : FOLDINE 20 mg/j pendant trois semaines. A
noter que ni le dosage du fer sérique, ni celui de l’acide folique n’ont pu
être réalisés. .
Des
transfusions de culots globulaires ne
sont prescrits que si le taux
d’Hb est < 5g/dL
Le
contrôle clinique, hématologique et parasitologique au 14 éme jour a montré une
guérison clinique, la négativation des examens de selles et une crise
réticulocytaire avec 102 000 réticulocyres/mm3. Le taux d’hémoglobine a été
noté à 12,6 g/100 ml à la 6éme semaine.
L’ankylostomiase est une maladie du péril fécal et sa prophylaxie repose sur l’amélioration des conditions d’hygiène et l’élévation du niveau de vie, ce qui n’est malheureusement pas réalisable actuellement dans un pays en guerre larvée.
Références :
Aubry P., Touze J.E.
Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié edit., mars 1990, pp. 74-75
Chevalier M., Ka-Cisse M, Diouf ML, Klotz F. Ankylostomes et
ankylostomiase humaine. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8 516 A-10,
2002, 10 p..
Iconographies :
Cycle évolutif des ankylostomes
Œuf d’ankylostome