Ascaridiase : Cas clinique

 

Observation :

 

Un jeune coopérant français présente 48 heures après son retour d’Afrique noire, où il a séjourné pendant 14 mois, une atteinte de l’état général, associant une fièvre à 38,2°C, un amaigrissement chiffré à 2 kg, une asthénie, une anorexie. Il présente une toux sèche, non productive. L’examen clinique est normal.  Ce jeune homme a été vacciné par le BCG dans l’enfance. Il n’a pas d’antécédent notable. Il n’a pas suivi de chimioprophylaxie antipalustre.

 

Examens complémentaires pratiqués à l’entrée :

Numération Formule Sanguine : taux d’hémoglobine : 14g/100 ml, globules blancs : 8 200 el/mm3, dont 60% de polynucléaires neutrophiles, 21% d’éosinophiles, soit  1 722/mm3, 16% de lymphocytes ,

Vitesse de sédimentation des hématies : 40 mm à la 1ére heure,

Recherche d’hématozoaires : négative,

IDR à la tuberculine à 10 U.: positive à 12 mm,.

Radiographie thoracique :  opacités confluentes à prédominance alvéolaire, de siége lobaire supérieur droit.

Recherche de BAAR à l’examen direct  (tubage gastrique) : négative.

 

Quel diagnostic évoquez-vous ?

Comment l’expliquez-vous ?

Quels autres examens complémentaires sont utiles au diagnostic ?

Quel traitement prescrivez-vous ?

 

Discussion :

 

L’association d’une altération fébrile de l’état général avec des images radiologiques de topographie lobaire  supérieure, à caractère hétérogène, chez un homme jeune revenant d’Afrique sub saharienne, fait discuter en premier une tuberculose pulmonaire. L’IDR à la tuberculine est positive chez ce sujet vacciné par le BCG. La première recherche de BAAR est négative. L’hyper éosinophilie sanguine à 1 722 el/mm3 attire l’attention.

La conduite à tenir dans l’immédiat est l’expectative et le malade est mis sous une antibiothérapie non spécifique : érythromycine à la dose de 1 g matin et soir pendant 10 jours. 

L’image radiologique se modifie avec diminution des images à droite et apparition d’opacités floues de la région axillaire gauche. L’éosinophilie persiste à 1480 el/mm3. La recherche de BAAR demeure négative. La fibroscopie bronchique ne montre qu’un aspect inflammatoire des bronches lobaires supérieures. Le lavage broncho-alvéolaire met en évidence une éosinophilie dans le liquide recueilli. Les sérologies parasitaires demandées (anguillule, schistosomoses, toxocarose) sont à des taux non significatifs. La sérologie VIH est négative.

Le caractère variable des images radiologiques, l’hyperéosinophilie sanguine orientent vers un syndrome de Loeffler . La négativité des examens parasitologiques de selles ne va pas contre ce diagnostic, puisque ce syndrome se voit au stade de migration larvaire, essentiellement de l’ascaridiase, plus rarement de l’ankylostomiase, de l’anguillulose, des schistosomiases et des impasses parasitaires. Le diagnostic de syndrome de Loeffler ascaridien est retenu.

L’ascaridiase est une nématodose fréquente dans le monde. Elle sévit à l’état endémique dans les régions tropicales. C’est une maladie du péril fécal. Les œufs d’Ascaris lumbricoïdes sont disséminés dans la nature avec les selles, subissent une maturation dans le milieu extérieur. Les œufs embryonnés sont avalés  avec l’eau et/ou les aliments contaminés. Les embryons sont libérés dans l’estomac, pénètrent la paroi du tube digestif, donnent des larves qui effectuent une migration qui les conduit au foie par le système porte, aux poumons, puis au carrefour aéro-digestif où elles basculent dans l’œsophage et deviennent adultes au niveau de l’intestin grêle. Il se manifeste par une dyspnée modérée, une toux sèche et une fébricule. L’auscultation pulmonaire révèle inconstamment des râles fins en foyers. L’examen radiographique montre des opacités en foyer, labiles, disparaissant rapidement au maximum en 3 semaines.

Le syndrome de Loeffler est du aux phénomènes mécaniques et allergiques secondaires à la présence des larves dans les alvéoles pulmonaires. L’éosinophilie sanguine décrit la classique courbe de Lavier, atteignant son maximum à la fin de la migration larvaire (15 à 60% d’éosinophiles, au maximum 3000 el/mm3), pour décroître doucement et se stabiliser vers 5 à 10% en phase adulte. 

Dans notre observation, l’évolution s’est fait spontanément vers la disparition des images radiologiques . Le diagnostic de certitude a été porté sur le présence d’œufs d’ascaris dans les selles deux mois après l’épisode pulmonaire. Le traitement par le flubendazole (FLUVERMAL) 1 comprimé à 100 mg matin et soir pendant 3 jours a permis le déparasitage. Les autres traitements sont : le mébendazole (VERMOX), 1cp à 100 mg matin et soir pendant 3 jours, l’albendazole (ZENTEL) 400 mg en une seule prise ou l’ivermectine, 100 µg/kg en prise unique.

La prophylaxie relève de la lutte générale contre le péril fécal.

 

 

 

 

Référence :

 

Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Durailié edit., mars 1990 , pp.70-71.

 

 

 

 

Iconographies :

 

Cycle évolutif d’Ascaris lumbricoïdes

 

Radiographie thoracique : opacités confluentes à prédominance alvéolaire de siége lobaire supérieur droit

Radiographie thoracique de contrôle à la 3éme semaine : image thoracique normale

 

Œuf d’Ascaris lumbricoïdes avec sa coque externe brun foncé dans les selles.