Charbon. Cas clinique.

 

 

Observation :

 

Un homme de 55 ans, berger, consulte au Centre National Hospitalier de Cotonou (Bénin) pour un escarre noirâtre de l’orbite gauche . Le début de la maladie remonte à 3 jours par une sensation de prurit au niveau de l’orbite gauche. Puis sont apparus un oedéme, une pustule au niveau de la paupière supérieure gauche en même temps que l’oedéme gagnait tout l’hémiface gauche.

A l’examen, on note une température à 38°C ., un état général relativement bien conservé, une escarre noirâtre, sèche, indolore de la paupière supérieure gauche entourée d’un bourrelet inflammatoire englobant toute l’orbite sur laquelle sont notées des vésicules concentriques. L’oedéme s’étend à toute l’hémiface gauche et déborde vers la droite.

Un prélèvement au niveau de l’escarre permet isoler des bacilles Gram positif disposés en chaînettes.

Un interrogatoire orienté apprend que ce berger, dont le troupeau comprend des ovins et des caprins, a récemment dépecé le cadavre d’une chèvre morte de maladie.

 

Quel diagnostic évoquez-vous ?

Sur quels arguments confirmez-vous le diagnostic évoqué ?

Quel est le traitement et l’évolution de cette affection ?

Quelles sont les principaux modes de contamination ?

Quelle prophylaxie doit-on appliquer, compte tenu d’événements récents ?

 

Discussion

Il s’agit à l’évidence d’un oédeme malin localisé aux paupières, ici à la paupière supérieure gauche, forme clinique du charbon cutané. La lésion est très évocatrice avec une évolution successive dans le temps (pustule, puis vésicule et escarre), l’épidémiologie, avec la notion d’un cas probable chez une chèvre du troupeau, et l’isolement de bacilles Gram positif en chaînettes. Ces éléments  permettent de poser le diagnostic d’anthrax ou charbon, nom donné à cause de la couleur noirâtre des lésions cutanées.

Le mode de contamination du charbon humain est directement lié au bétail malade. Le charbon est, en effet, une zoonose frappant les herbivores. C’est une toxi-infection due à Bacillus anthracis . Les spores sont l’élément central de l’épidémiologie : c’est la forme de résistance qui assure la pérennité et la diffusion. Le charbon est donc une maladie hydro-tellurique, les spores se trouvant dans le sol.

Le charbon animal a pratiquement disparu des pays développés, avec les campagnes de vaccination du bétail. Il sévit toujours dans les pays en développement d’Afrique et d’Asie.

Le charbon est transmis à l’homme le plus souvent par voie cutanée, au niveau d’une excoriation, par contact avec l’animal malade ou avec sa dépouille. La transmission est plus rarement digestive, par absorption de lait cru ou de viande peu cuite infestés, ou pulmonaire par inhalation de spores.

La contamination par voie pulmonaire est due à un  risque industriel ( manipulation de laines, de peau, d’os, de viandes infestés), ou au bio-terrorisme.

L’actualité récente  aux Etats-Unis a montré que l’agent infectieux du charbon avait réellement utilisé comme arme bactériologique. Ce bio-terrorisme a été en cause dans  23 cas, dont 18 confirmés et 5 décès (charbon pulmonaire).

Le charbon cutané se caractérise par une ulcération escarrotique, le charbon digestif par des douleurs abdominales et une diarrhée sanglante, le charbon pulmonaire par une pneumopathie dyspnéisante et hémoptoïque et un syndrome de détresse respiratoire aigu :son évolution . est redoutable. Une forme méningée est d’évolution foudroyante.

Le diagnostic de charbon doit être confirmé, si possible, par une culture et l’étude en PCR qui permettent une confirmation rapide.Bacillus anthracis est sensible à de nombreux antibiotiques : b lactamines, aminosides, fluoroquinolones doxycycline, vancomycine. En pratique, les pénicilline G et V sont utilisées :

-         pénicilline V dans le charbon cutané : 3 à 5 000 000 /j en 3 prises pendant 5 à 10 jours,

-         pénicilline G dans les formes viscérales : 5 000 000 toutes les 6 heures par voie IV associé à un aminoside : Gentamicine 3mg/kg en 2 injections IM pendant 6 à 8 semaines.

 

Dans notre observation , le malade a été traité par  Pénicilline G 10 000 000 /j en perfusion IV. L’évolution a été favorable : apyrexie obtenus e en 48 heures, diminution rapide de l’oedéme, chute de l’escarre à la fin de le 2éme semaine laissant une cicatrice achromique.

 

La prophylaxie du charbon repose sur:

-    l’incinération ou l’enfouissement en présence de chaux vive des animaux morts,

-         la vaccination du bétail,

-         l’antibioprophylaxie post-exposition chez l’homme en cas d’infection par inhalation 

      ciprofloxacine 1g/j (antibiotique de choix) ou doxycycline 200 mg/j. pendant 6 à 8

      semaines (la durée est longue, identique à celle du traitement du charbon viscéral),,

-     il n’y a pas actuellement de vaccin disponible pour l’homme..

 

 

 

Références :

 

-Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié edit., mars 1980, p.139.

- Martet G., Ramisse F, Morillon M., Touze J.E. Charbon. EMC, Maladies infectieuses, 2000, 8-035 A-10,6p.

-Chantal J. Actualités de l’anthrax ou fièvre charbonneuse. Med. Trop., 1997, 57, 52 S-60 S.

 

 

 

Iconographie :

Malade : oedème malin localisé à la paupière supérieure gauche : charbon cutané.