La lettre d’information du diplôme et de la capacité de
médecine tropicale des pays de l’Océan indien. N°1. (Octobre 2005)
Dans le cadre du Diplôme Universitaire et de
la Capacité de Médecine Tropicale des Pays de l’Océan indien, et afin de garder
contact avec les « diplômés », une lettre d’information d’actualité
sur les maladies tropicales sera diffusée au début de chaque trimestre. Cette
première lettre est diffusée après le Congrès « Medicine and Health in the
Tropics » qui s’est tenu à Marseille du 11 au 15 septembre 2005.
La lettre d’information n°1 est consacrée au paludisme, la
plus meurtrière des «maladies négligées».
Le paludisme tue entre 1
et 2 millions de personnes chaque année
Le paludisme tue un enfant
africain toutes les 30 secondes
Il
est rappelé qu’il a été observé à l’île de La Réunion 312 cas de
paludisme en 2003-2004. Il s’agit d’un paludisme d’importation contracté
essentiellement aux Comores (48%) ou à Madagascar (41%).
Diagnostic du paludisme. Les tests
rapides d’immunochromatographie qui détectent des antigènes parasitaires
palustres (Pf HRP2, pLDH) peuvent être une aide au diagnostic du paludisme,
mais ils ne remplacent pas l’examen microscopique du sang, qui demeure la
référence et le seul moyen d’expression quantitative du résultat. Cependant,
les faibles parasitémies parfois observées rendent difficiles le diagnostic
d’espèce. De nouveaux tests (ICT Malaria P.f./P.v., OPTIMAL) permettent le
diagnostic rapide du paludisme par la détection de l’antigène HRP2 spécifique
de Plasmodium falciparum, d’une pLDH spécifique de P. vivax et d’une pan pLDH.
L’interprétation des résultats doit se faire prioritairement en zone d’endémie
palustre sur l’antigène HRP2 pour P. falciparum.
Akikpa A. et Coll. Performance
of two commercial assays with expert microscopy among suspected malaria
patients in a peripheral health center of Abidjan (Côte d’Ivoire). Abstract
Book, Medicine and Health in the Tropics, Marseille, France,
11-15/09/2005, O-023, p. 33.
Thérapeutique du paludisme. La
quinine est depuis 1630 le seul traitement du paludisme grave, la chloroquine
(1947) et la sulfadoxine-pyriméthamine [SP] (1969) les médicaments du paludisme
simple, au moins pour les populations du Sud. Plasmodium falciparum, l’hématozoaire qui tue, est devenu résistant
à la chloroquine et à la SP.
Le plus grand progrès
thérapeutique a été, ces dernières années, la découverte de l’artémisinine,
molécule dérivée d’une plante traditionnelle chinoise redécouverte en 1972, le
qinghaosu.
Pour éviter la survenue
d’une chimiorésistance, l’artémisinine et ses dérivés (dihydroartémisinine,
artésunate, artéméther, artéether) doivent être utilisés dans le traitement du
paludisme en association avec un autre antipaludique (bithérapies), soit
en associations fixes: arthéméther+luméfantrine (COARTEM/RIAMET®), soit en
associations libres: artésunate+amodiaquine, artésunate+méfloquine,
artésunate+SP. Pour faciliter la compliance, des associations fixes
d’artésunate+amodiaquine et d’artésunate+méfloquine sont en cours de
développement, la première pour l’Afrique, la deuxième pour l’Asie et
l’Amérique latine.
Dans le paludisme grave,
les nouvelles présentations de l’artémisinine sont des substituts à la quinine
parentérale : artésunate par voie rectale, arthéméter par voie
intramusculaire et surtout artésunate par voie intraveineuse.
Les recherches sur
l’artémisinine se poursuivent : elles concernent de nouveaux dérivés,
comme l’artémiforme ou de nouvelles associations comme l’association
artésunate+pyronaridine.
Barnes
K.I. Efficacy of rectal artesunate compared
with parentaral quinine in initial treatment of moderately severe
malaria in African children and adults : a randomised study. Lancet,
2004, 363, 1598-1605.
Mutabingwa
T.K. and al. Amodiaquine alone, amodiaquine+sulfadoxine-pyrimethamine,
amodiaquine+artesunate, and artemether+lumefantrine for outpatient treatment of
malaria in Tanzanian children : a four-arm randomises effectiveness trial.
Lancet, 2005, 365, 1474-1480.
South
East Asian Quinine Artesunate Malaria Trial (SEAQUAMAT) group. Artesunate
versus quinine for treatment of severe falciparum malaria : a randomised
trial. Lancet , 2005, 366, 717-725.
Chimioprophylaxie du paludisme
Traitement préventif intermittent du paludisme des enfants dans les pays
en développement : une nouvelle chimioprophylaxie…
Le traitement préventif
intermittent (TPI) consiste dans l’administration intermittente et systématique
d’antipaludiques (amodiaquine ou SP, associés ou non à un dérivé de
l’artémisinine) à titre prophylactique. La chimioprophylaxie est recommandée
par l’OMS pendant la grossesse dans les zones d’endémie palustre et SP est
utilisée préférentiellement à doses curatives lors des visites prénatales
(traitement intermittent).
Chez les enfants, le TPI
avec SP, administré pendant la première année lors des séances du Programme
Elargi de vaccinations, diminue l’incidence du paludisme et de l’anémie. Dans
une étude récente menée au Ghana, le TPI avec SP diminue bien l’incidence du
paludisme (25%) et de l’anémie (35%) jusqu’à l’âge de 15 mois, mais note une
augmentation significative des accès palustres avec une densité parasitaire
élevée entre 16 et 24 mois, ce que peut expliquer la non acquisition d’une
immunité partielle.
Schellenberg
D. Intermittent treatment for malaria and anemia control at time of routine
vaccinations in Tanzanian infant : a randomised placebo-controlled trial. Lancet, 2001, 357, 1471-1477.
Chandramohan D. et Coll. Cluster randomised trial of intermittent preventive treatment for
malaria in infants in area of high, seasonal transmission in Ghana. BMJ, 2005, 331, 727-733
Chimioprophylaxie antipaludique des expatriés et des voyageurs. L’artémisinine
(ou ses dérivés) n’est pas utilisée en chimioprophylaxie antipaludique des
expatriés ou des voyageurs.
Le schéma prophylactique
n’est donc pas modifie. Il varie selon que le pays est du groupe 1, 2 ou 3**.
Chaque année, le classement est mis à jour par le Conseil Supérieur d’Hygiène
Publique de France (CSHPF). La chimioprophylaxie est pour :
- les pays de groupe
1 : chloroquine,
- les pays du groupe
2 : chloroquine+proguanil ou atovaquone+proguanil
- les pays du groupe
3 : méfloquine ou atovaquone+proguanil ou doxycycline
La durée de la
chimioprophylaxie a été par contre modifiée. Elle était, jusqu’ici, limitée aux
trois premiers mois de séjour, elle a été prolongée par le CSHPF a six mois.
Extrait du Bulletin
Epidémiologique Hebdomadaire n° 24-25/2005 : «Lors du premier séjour,
la chimioprophylaxie, adaptée au niveau de résistance, devrait être
impérativement poursuivie pendant les six premiers mois, sauf avec
l’association atovaquone-proguanil, pour laquelle on ne dispose pas d’un recul
suffisant en prise prolongée dans cette indication. Au-delà de cette durée et
sachant que la poursuite d’une prise continue pendant plusieurs années paraît
irréaliste, la chimioprophylaxie pourrait être éventuellement modulée avec
l’aide de médecins référents locaux. Une prise intermittente durant la saison
des pluies ou lors de certains déplacements pourrait par exemple être
envisagée. Dans tous les cas, il est indispensable que la prise en charge
rapide d’une fièvre par le médecin référent puisse être assurée. Il convient de
prévenir les intéressés de la persistance du risque pendant 2 mois lors du retour
en France pour les congés»
*La chimioprophylaxie des malades vus à La
Réunion était inaptée dans la grande majorité des cas : 97% pour les
Comores, 79% pour Madagascar
Perspectives vaccinales. L’identification
de récepteurs moléculaires dans le phénomène de cytoadhérence des hématies
parasitées au placenta permet d’envisager de nouvelles solutions vaccinales qui
pourraient s’appliquer aux femmes enceintes, particulièrement aux primigestes.
Ce vaccin pourrait permettre de diminuer très largement l’impact du paludisme
associé à la grossesse à l’ensemble des parturientes
Cot M., Deloron P. Paludisme associé à la
grossesse : conséquences et perspectives d’intervention. Med. Trop.,
2003, 63, 369-390.
La lettre d’information du diplôme et de
la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien. n°1 – octobre 2005
Pr. Pierre Aubry. 11
rue Pierre Loti. 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr.