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Lettre d’information

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’océan indien.

N° 10. Décembre 2007

 

La lettre d’information n° 10 traite des schistosomoses ou bilharzioses à la suite des questions posées pendant la premiére semaine d'enseignement du DU et de la Capacité en Médecine Tropicale des Pays de l'Océan indien à Saint Denis de La Réunion (26/11 au 01/12/2007).

 

Les schistosomoses ou bilharzioes sont la deuxième endémie parasitaire mondiale (après le paludisme) : 200 millions de sujets infectés dans le monde, 800 000 décès par an. Les actualités concernent la bilharziose à Schistosoma mekongi, la sérologie, le traitement en cas d'échec du trzitement classique, la vaccination.

 

La bilharziose à Schistosoma mekongi

 

Le cours du site sur les schistosomoses raite des bilharzioses africaines à S. haematobium et à S. mansoni. (qui est aussi américaine) Il y a un cas clinique sur la bilharziose à S. intercalatum,d'Afrique centrale. Mais, les bilharzioses asiatiques à S. japonicum et à S mekongi ne sont pas traitées. Or, les « humanitaires » poursuivent leurs missions dans la région d'endémie de S. mekongi et les  touristes y séjournent de nouveau, le climat politique étant redevenu favorable.

1-Epidémiologie

L'aire de répartition de S. mekongi s'étend le long du Mékong sur environ 30 km au Laos, 100 km au Cambodge et le long de quelques affluents. Les foyers les plus connus sont l'île de Khong au Laos et les villages flottants de pêcheurs à Kratie au Nord Cambodge.

Décrite pour la première fois en 1957, la bilharziose à S. mekongi a été « oubliée » du fait de la guerre qui a dévasté la région. Elle n'a été « redévouverte » qu'en 1992 et est devenue un problème de santé publique dans cette région.

L'hôte intermédiaire est Neotricula aperta, mollusque operculé, à coquille dextre, globuleuse, qui vit sur les rochers immergés. Les foyers sont par conséquent localisés aux villages proches de berges rocheuses ou de rochers immergés, alors que les villages situés près d'une rive sableuse sont épargnés. Le réservoir de parasites n'est pas exclusivement humain, des chiens et des porcs ayant été trouvés porteurs des parasites. Les oeufs éliminés sont ronds, à éperon latéral. Ils mesurent 70 à 100 µm, plus petits que les oeufs de S. haematobium et de S. mansoni qui mesurent  110 à 170 µm.

Les contacts avec l'eau sont nombreux pour les communautés de pêcheurs vivant dans des villages flottants dans des conditions d'hygiène fécale précaire et les activités à risque sont classiques : baignade, toilette, lessive, pêche, orpaillage, ...

L'OMS estime que 80 000 personnes sont exposées au Cambodge et 60 000 au Laos. La maladie touche toujours les sujets jeunes, enfants et adolescents.

Le risque de contamination est accru en saison sèche avec les basses eaux de février à avril.

2- Clinique

C'est donc d'avril à mai qu'apparaissent les premiers signes en cas de primo-infection. Ils sont aspécifiques : prurit après la baignade en avril-mai, suivi d'une dermatite de juin à juillet avec fièvre nocturne. Dans les semaines suivantes apparaissent des douleurs abdominales et une diarrhée glairo-sanglante. Puis, au cours des années, apparaît une hépatomégalie qui révèle l'hypertension portale, la bilharziose à S. mekongi se caractérisant par l'importance de la fibrose hépatique. Les conséquences sont la splénomégalie, les hémorragies digestives par rupture de varices oesophagiennes avec une lourde mortalité. On décrit de nombreuses atteintes ectopiques.

3- Traitement

Il est basé sur le praziquantel (BILTRICIDE®), schistosomicide, à la dose de 40 mg/kg en cure et prise uniques, qui a une grande efficacité clinique sur S. mekongi.

4- Prise en charge

La campagne de lutte contre la bilharziose à S. mekongi comporte quatre volets ;

- l'éducation sanitaire, difficile à réaliser en raison de l'importance et de la proximité de l'eau dans la vie de ces populations. Elle comporte : information sur la maladie, construction de puits pour éviter les contacts avec le fleuve, baignades vers les bancs de sable le plus loin possible des rochers, hygiéne fécale avec construction de latrines et interdiction de déféquer dans l'eau, préférence de l'eau des puits pour la boisson et le ménage

- le traitement de masse par le praziquantel, 40 mg/kg en dose unique, en campagnes annuelles

- la formation des personnels de santé, des enseignants et des autorités locales

- la surveillance épidémiologique à partir d'écoles sentinelles sur le Mékong. Une évaluatuin pluriannuelle doit être menée : questionnaire, examen clinique, examen parasitologique des selles, sérologie (technique ELISA), échographie hépatique. Cette campagne de lutte a été  menée au Cambodge de 1995 à 2002, les résultats sont favorables : la prévalence en 2005 étant inférieure à 1%. Peut-on pour cela dire que la bilharziose à S. mekongi est une endémie en voie d'éradication? Non, car en amont du fleuve, au Laos, le programme de lutte n'a pas été réalisé. De plus, il y a un réservoir de parasite animal et une contamination des affluents au Mékong en amont. Les touristes reviennent dans la région, en particulier, dans l'île de Khong, et une contamination est toujours possible en mettant les pieds dans l'eau ...

Références

Ensemble d'auteurs. Bilharziose à Schistosoma mekongi : une endamie en voie d'éradication? Méd. Trop., 2005, 65, 421-422.

Ripert C. Bilharzioses humaiunes à Schistosoma japonicum et à Schistosoma mekongi. In  Epidémiologie des maladies parasitaires. 2. Helminthiases. Editions médicales internationales, 1998, pp. 255-261.

 

 

Diagnostic des bilharzioses en phase d'invasion place de la sérologie

 

En phase d'invasion, le diagnostic des bilharzioses, quel que soit le schistosome en cause, repose sur la notion de bain en eau douce, chaude et stagnante en zone d'endémie, avec la notion de prurit pendant le bain et d'éruption cutanée à la sortie du bain.

La sérologie ne se positive que tardivement, plus de 6 semaines après la contamination, donc bien après le début des signes cliniques. Les tests disponibles dans le commerce reposent sur la détection d'anticorps de type IgM ou IgG (technique ELISA, immuniofluorescence) dirigés contre les antigènes de vers adultes ou d’œufs. Reposant sur la détection des formes adultes de schistosomes ou d’œufs, ces tests sont donc bien souvent mis en défaut pour le diagnostic précoce lorsque seules les chistosomules représentent les antigènes viraux.

Ainsi, la séroconversion est observée en moyenne 46 jours après le bain contaminant, l'examen parasitologique des selles ou des urines se positivent à la fin du cycle humain, soit environ 2 mois après la contamination.

La sérologie est donc de peu d'aide en cas de précocité des symptômes.

 

Références

Ross A.G., Bartley P.B., Sleigh A.C. Et al. Schistosomiasis. N. Engl. J. Med., 2002, 346, 1212-1220

Corachan M. Schistosimiasis and international travel. Clin. Inf. Dis., 2002, 35, 446-450.

 

 

Traitement des schistosomoses : les alternatives thérapeutiques en cas d'échec du traitement classique par le praziquantel

 

Le traitement des schistosomoses en cas d'échec thérapeutique avec le praziquentel fait appel à l'association de praziquantel (BILTRICIDE®), 40 à 60 mg/kg, 2 cures à 2 ou 3 semaines d'intervalle et d'artéméther (ARTENAM®), comprimés à 50 mg, 6mg/kg, 4 cures à 1 ou 3 semaines d'intervalle.

 

Référence

Rey P., Debonne J.M. Alternatives thérapeutiques en cas d'échec d'un premier traitement dans les helminthiases digestives de l'adulte. Med. Trop., 2006, 66, 324-328?

 

 

 

Vaccins contre les bilharzioses

 

Des vaccins contre S. haematobium, S. mansoni et S. japonicum sont en cours de développement. La vaccination avec l'antigène Sm 28 GST (S. mansoni) et Sh 28 GST (S. haematobium) est capable d'inhiber la fécondité parasitaire, donc la pathologie et la transmission. Les essais en phase I réalisés à Lille et au Sénégal ont montré l'innocuité de ce vaccin chez des sujets sains. Le vaccin BILHVAX® (antigène Sh 28 GST, Institut Pasteur de Lille) a montré une bonne immunogénicité. Il doit passer en phase III pour évaluer sur le terrain (Sénégal, Niger) l'efficacité de l'association du vaccin avec la chimiothérapie par praziquantel qui a une action synergique sur la réponse immune protectrice.

 

Références

Capron A., Capron M., Riveau G. Vaccine developement against scistosomiasis from concepts to clinical trials. Br. Med. Bull., 2002, 62, 139-148.

Rogier C. Le défi de la vaccination antiparasitaire sous les tropiques. Med. Trop., 2007, 67, 328-334.

 

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°10 – septembre 2007. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 31/12/2007.