La lettre d’information
n° 11 traite de la prise en charge et de la prévention du paludisme
d'importation. Il est rédigé suite à la révision 2007 de la Conférence de
Consensus 1999, révision organisée par la Société de Pathologie Infectieuse de
Langue Française.
Environ
5 000 cas de paludisme d'importation à Plasmodium falciparum sont
observés en France chaque année, et sont responsables d'environ une vingtaine
de décès. Or, le cours sur le paludisme du site http://www.medecinetropicale.com
traite du paludisme en général, sans référence particulière au paludisme
d'importation. Il est donc nécessaire de reprendre l'étude de la prise en
charge des formes graves et des formes non compliquées du paludisme
d'importation à P. falcipârum et des méthodes de
prévention.
Toute
suspicion de paludisme après un séjour en zone d'endémie doit faire l'objet
d'un diagnostic parasitologique en urgence, basé sur l'examen microscopique
(frottis sanguin et goutte épaisse) associé ou non à une détection antigénique
rapide (test de diagnostic rapide).
Les
critères de gravité de l'OMS (2000) sont les mêmes pour l'adulte et pour
l'enfant. Tout paludisme qui présente au moins un des critères de gravité doit
être admis dans un service de réanimation.
La prise en charge de l’accès palustre
grave chez l'adulte
La quinine
injectable reste l'antipaludique schizonticide de référence. Le QUINIMAX ® est
prescrit en perfusion intraveineuse en ampoules de 1, 2, 4 ml, correspondant
à 125, 250, 500 mg. Il contient 125 mg d'alcaloïdes-base pour 1 ml. La dose de
charge est de 16 mg/kg perfusée en 4 heures dans du sérum glucosé à 5%. La dose
d'entretien est de 24 mg/24 heures débutée 4 heures après la fin de la dose de
charge. Elle est administrée de façon discontinue à la dose de 8 mg/kg sur 4
heures minimum toutes les 8 heures, soit de façon continue à la dose de 24 mg/kg
sur 24 heures au pousse-seingue électrique. La durée totale du traitement est
de 7 jours, le relais per os pouvant être pris à partir de la 72ème
heure.
La
dose de charge est contre-indiquée si la malade a été traité avant
l'hospitalisation par la quinine à dose curative (dans les 2 jours précédents)
ou par la méfloquine ou l'halofantrine (la dernière prise datant de moins de 12
heures) ou si l'allongement de l'espace QT est supérieur à 25%.
Chez la femme enceinte, la quinine est utilisée aux mêmes doses, mais il existe
un risque d'hypoglycémie.
Un
contrôle quotidien de la quininémie plasmatique est recommandé pendant au
minimum les 72 premières heures du traitement. Une quininémie plasmatique
efficace est comprise entre 10 et 12 mg/l. Ce contrôle est indispensable en cas
d'insuffisance rénale ou hépatique. Un électrocardiogramme doit être pratiqué
avant le début du traitement et chaque jour pendant toute sa durée. La
surveillance cardiovasculaire est indispensable chez les sujets âgés et/ou
atteints d'une cardiopathie, en cas de prise concomitante de médicaments
allongeant l'espace QT, de diurétiques, d'antihypertenseurs.
La
surveillance de la parasitémie est souhaitable jusqu'à sa négativation. La
parasitémie augmente durant les premières 24 heures, sans que ceci ait une
valeur péjorative.
La
prescription de doxycycline (ou de clindamycine chez la femme enceinte) est
limitée aux cas de paludisme contracté dans les jungles d'Amazonie ou d'Asie su
sud-est.
La
prise en charge du paludisme grave chez l'enfant.
La quinine
intraveineuse reste le traitement de référence du paludisme grave de l'enfant.
La dose de charge n'est pas recommandée chez l'enfant en cas de paludisme
d'importation. La posologie standard est de 24 mg/kg/j de quinine base, soit
une perfusion de 8 mg/kg toutes les 8 heures. La quinine s'administre en
perfusion dans du sérum glucosé à 5% en perfusions de 4 heures minimum, ou à la
seringue électrique, sous surveillance ECG continue. Un contrôle de la quininémie
est effectué à la 72ème heure. La glycémie doit
être régulièrement surveillée. Le relais par voie orale est effectué dés que l'état
de l enfant le permet.
La
prise en charge des défaillances viscérales chez l'adulte et chez l'enfant.
La
prise en charge des défaillances viscérales au cours du paludisme d'importation
de l'adulte et de l'enfant est réalisée dans les services de réanimation :
traitement symptomatique du coma, de l'hypoglycémie, de la déshydratation, du
collapsus, de l'acidose métabolique, de l'œdème pulmonaire, des hémorragies par
CIVD, de la thrombopénie, etc., prise en charge toujours difficile à, réaliser
en zone tropicale.
La
prise en charge des formes non compliquées du paludisme à P.
falciparum chez l'adulte
Les produits recommandés chez l'adulte sont en
première ligne, l'atovaquone-proguanil (MALARONE®) ou l'artéméther-luméfantrine
(RIAMET/COARTEM®); en deuxième ligne, la quinine ou la méfloquine (LARIAM®).
L'halofantrine n'est plus prescrite chez l'adulte.
Chez
la femme enceinte, seule la quinine a fait la preuve d'une parfaite innocuité.
Le
traitement des formes non compliquées du paludisme à P.
falciparum chez l'enfant;
Les
médicaments de première ligne sont la méfloquine ou l'atovaquone-proguanil ou
l'artéméther-luméfantrine. L'halofantrine et la quinine sont des traitements de
seconde ligne.
Note
: les dérivés de l'artémisinine (artéméther et artésunate) ne sont
pas en pratique utilisés dans le traitement du paludisme d'importation;
l'artésunate n'étant pas disponible et l'artéméther n'étant obtenu que dans le
cadre d'une ATU nominatve.
La
prévention contre la paludisme d'importation.
Elle
comporte les répulsifs associés aux moustiquaires imprégnées et la
chimioprophylaxie. La protection antimoustique est souvent négligée et la
chimioprophylaxie absente, inadéquate et arrêtée prématurément, en particulier
dès le retour en France.
Les
produits et les posologies recommandés sont rappelés dans le tableau
ci-dessous.
Groupe de
chimiorésistance
|
Adulte
|
Femme enceinte
|
Enfant
|
Groupe 1
|
NIVAQUINE® (chloroquine)
100 mg/j
Séjour+4 semaines au retour
|
NIVAQUINE® 100 mg/j
Séjour+4 semaines au retour
|
NIVAQUINEivaquine® 1,5mg/kg/j
Séjour+4 semaines au retour
|
Groupe 2
|
NIVAQUINE® + PALUDRINE®
(chloroquine 100 mg/j + proguanil 200mg/j) ou
SAVARINE®
Séjour+4 semaines au retour
ou
MALARONE® (atovaquone 250 mg+ proguanil
100mg) : 1cp/j
Séjour+1 semaine au retour
|
SAVARINE®
Séjour+4 semaines au retour
|
NIVAQUINE® 1,5 mg/kg/j
+ PALUDRINE® 3 mg/kg/j
Séjour+4 semaines au retour
ou
MALARONE® 62,5 mg /25mg Enfants
si > 11 kg et < 40kg :
1cp/10kg/j
Séjour+1 semaine au retour
|
Groupe 3
|
MALARONE®
ou
LARIAM® (méfloquine)
1
cp/semaine
Séjour + 3 semaines au retour ou
DOXY-PALU® (doxycycline)
100 mg/j
Séjour+4 semaines au retour
|
MALARONE®
ou
LARIAM®
|
MALARONE® Enfants
ou
LARIAM® si poids> 15 kg
5 mg/kg/sem
Séjour + 3 semaines au retour ou
DPXY-PALUu® sI > 8 ans
50 mg/j si < 40 kg
Séjour+4 semaines au retour
|
Chez la femme enceinte, la chloroquine et le proguanil
peuvent être prescrits sans réserve. L'utilisation de l'atovaquone-proguanil et
de la méfloquine peut être envisagé au cours de la grossesse. La doxycycline
est contre-indiquée.
Chez
l'enfant, la méfloquine n'est prescrite qu'à partir de 15 kg de poids.
L'atovaquone-proguani n'est prescrite qu'à partir de 11 kg de poids (MALARONE®
enfants cp. à 62,5 mg/25 mg); cependant, sa prescription hors AMM est admise à
partir de 5 kg (de 5 à 7 kg : ½ cp/j, de 7 à 11 kg : ¾ cp/j). La doxycycline
est contre-indiquée chez le enfant de moins de 8 ans. Avant l'âge de 6 ans, les
comprimés doivent être écrasés. Chez l'enfant de moins de 5 kg, la
chimioprophyalxie dans les pays du groupe 2 et du groupe 3 se limite à
l'association chloroquine + proguanil.
La lettre d’information du diplôme et de la capacité de
médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°11 – avril 2008. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500
Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr
Professeur Pierre Aubry, texte rédigé le 31 mars 2008