.
 
Lettre d’information

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’océan indien.

N° 12. juin 2008

 

La lettre d’information n° 12 reprend des informations parues dans le Relevé Epidémiologique Hebdomadaire (REH) de l'Organisation Mondiale de la Santé depuis le 01 janvier 2008. 

 

Aide-mémoire sur la Fièvre de la Vallée du Rift (FVR). REH, 2008, 83, 2, 17-22.

En 2006-2007, une flambée épidémique majeure de FVR s'est produite au Kenya, en République Unie de Tanzanie et en Somalie; fin 2007, une importante flambée a été signalée au Soudan; en avril 2008, une flambée s'est déclarée à Madagascar.

 

Généralités. La FVR est une zoonose virale touchant principalement les animaux, mais pouvant aussi contaminer l'homme. Le virus de la FVR appartient au genre Phlebovirus, à la famille des Bunyaviridae. Il a été identifié en 1931 au Kenya. La FVR a été signalée pour la première fois en dehors du continent africain en 2000 en Arabie saoudite et au Yémen, ce qui a suscité des inquiétudes sur la possibilité de son extension à d'autres parties de l'Asie et de l'Europe.

 

Transmission à l'homme. Dans la grande majorité des cas, l'infection se produit chez l'homme à la suite d'un contact direct ou indirect avec du sang ou des organes d'animaux contaminés. L'homme peut aussi être contaminé en ingérant du lait cru ou non pasteurisé provenant d'animaux infectés. Il y a également des infections humaines à la suite de piqûres de moustiques, le plus souvent des Aedes. Aucun cas de transmission interhumaine de FVR n'a été rapporté.

 

Tableau clinique chez l'homme. La période d'incubation varie de 2 à 6 jours. Puis, les sujets infectés présentent un syndrome grippal, avec installation brutale de fièvre, de myalgies, d'arthralgies, de céphalées. Mais la FVR peut être asymptomatique. Elle peut aussi être confondue avec une méningite, la malade présentant une raideur de la nuque, des vomissements. Mais tout rentre dans l'ordre en 4 à 7 jours.

Dans quelques cas, la maladie est grave, avec un ou plusieurs des 3 syndromes suivants, oculaire, méningoencéphalitique, ou hémorragique :

- forme oculaire (0,5 à 2% des patients) : les symptômes apparaissent 1 à 3 semaines après le début d'une forme bénigne, avec une baisse de l'acuité visuelle qui peut être définitive,

- méningoencéphalite (<1%) : elle  apparaît 1 à 4 semaines après les premiers symptômes. Le malade présente des céphalées intenses, des pertes de mémoire, des hallucinations, un état confusionnel, un coma. Des séquelles neurologiques sont fréquentes.

- signes hémorragiques (<1%) : ils apparaissent 2 à 4 jours après le début de la maladie, précédés d'un ictère avec vomissements de sang, sang dans les selles, purpura ou ecchymoses, saignements du nez et des gencives, ménorragies et saignements aux points de ponctions veineuses. La taux de mortalité des formes hémorragiques est de l'ordre de 50%...

      La mortalité globale reste <1%.

 

Diagnostic. Le diagnostic est posé à l'aide de plusieurs méthodes : mise en évidence des IgM spécifiques par ELISA, détection du virus dans le sang, détection des antigènes, PCR et RT-PCR.

 

Traitement. Il n'y a pas de traitement spécifique. Dans les formes graves, le traitement est symptomatique.

 

Prévention. Il y a un vaccin inactivé à usage humain, mais qui n'est pas homologué. Par contre, des vaccins atténués ou inactivés ont été mis au point pour l'usage vétérinaire

Bien qu'on ait jamais objectivé de transmission interhumaine de la FVR, il y a cependant un risque théorique de transmission des virus à partir des patients infectés par le contact avec du sang (ou des tissus) contaminé : manipulation du sang et tous les autres produits biologiques, sécrétions et excrétions (sauf la sueur), contact avec des peaux lésées ou des muqueuses.

La lutte anrtivectorielle consiste à lutter contre les vecteurs et à se protéger contre leurs piqûres.

 

 

Ulcère de Buruli (UB) : rapport de situation 2004-2008. REH, 2008, 83, 17, 145-154.

 

Généralités. L'UB est provoqué par une mycobactérie présente dans l'environnement, Mycobacterium ulcerans. L'infection à M. ulcerans conduit souvent à une destruction étendue de la peau et des tissus mous, avec formation d'ulcérations importantes généralement sur les membres. N'entraînant que peu de décès, l'UB est à l'origine d'importantes incapacités fonctionnelles.

 

Epidémiologie. L'UB est signalé dans plus de 30 pays tropicaux. Seuls, 14 pays notifient des données à l'OMS. La situation dans le Région de l'Asie du sud-est n'est pas connue, Dans la Région des Amériques, des cas sont signalés en particulier en Guyane française. En Afrique, les pays les plus touchés sont le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Ghana. L'Australie et la Papouasie Nouvelle-Guinée sont les principaux pays d'endémie dans la Région du Pacifique occidental.

Dans plus de 50% des cas l'UB touche les enfants âgés de moins de 15 ans. Environ, 60% des lésions touchent les membres inférieurs, 30% les membre supérieurs. On retrouve souvent des groupes de cas autour d'étendues d'eau.

 

Nouvelle classification à visée thérapeutique

Une nouvelle classification classe les lésions de l'UB en trois catégories :

- Catégorie I : une lésion unique de moins de 5 cm de diamètre pouvant guérir complètement avec le traitement antibiotique,

- Catégorie II : lésion unique de 5 à 15 cm de diamètre, pouvant guérir complètement avec le traitement antibiotique,

- Catégorie III : lésion unique de plus de 15 cm de diamètre, lésions multiples, une ou plusieurs lésions sur des localisations critiques (oeil, sein, organes génitaux) et une ostéomyélite, nécessitant le recours à la chirurgie (excision, greffe cutanée ou amputation dans les cas graves).

Cette classification contribue à la conduite thérapeutique, l'introduction de l'antibiothérapie en 2004 ayant permis de révolutionner la prise en charge de l'UB.

 

Transmission. Les études actuelles concluent que les insectes aquatiques piqueurs ne sont probablement pas des vecteurs importants de M. ulcerans et ne joueraient un rôle que comme vecteurs mécaniques.

 

Diagnostic. Quatre méthodes de diagnostic sont de sensibilité différente :

- l'examen direct de frottis, méthode de faible sensibilité (40%),

- la culture de M. ulcerans : elle prend au moins 6 à 8 semaines et sa sensibilité est de 20 à 60%

- PCR qui donne des résultas en 2 jours et sa sensibilité est de 90%

- Histopathologie qui requiert des biopsies, sa sensibilité est de 90%.

 

Antibiothérapie. En 2004, l'OMS a diffusé une recommandation tendant à utiliser l'association rifampicine-streptomycine pendant 8 semaines. Les résultats son très encourageants : 30 à 50% des cas sont traités uniquement par les antibiotiques; dans certains cas, il faut associer l'antibiothérapie à un traitement chirurgical, mais une antibiothérapie de 4 semaines au moins entraîne une réduction de la taille des lésions et donc réduit l'étendue le l'intervention chirurgicale. Les récurrences signalées dans 16 à 30% des cas après un traitement exclusivement chirurgical ont été ramenées à moins de 2% après l'introduction des antibiotiques.

 

Recommandations. Des progrès sont à accomplir concernant trois priorités essentielles : la compréhension de la transmission, la mise au point de tests diagnostiques rapides et la simplification de l'antibiothérapie.

 

Note : un article du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) de l'Institut de Veille sanitaire (InVs) n° 23-24 du 10 juin 2008 signale que l'émergence de la trypanosomiase américaine (maladie de Chagas) se confirme en France métropolitaine : 18 cas importés ont été recensés en Ile-de-France. Le nombre de personnes originaires de zones d'endémie vivant en France est supérieur à 60000.

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°12 – juin 2008. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 19 juin 2008