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Lettre d’information

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’océan indien.

N° 13. Septembre 2008

 

La lettre d’information n° 13 est consacrée aux XIVèmes Acualités du Pharo qui se sont tenues à Marseille les 08 et 09 septembre 2008 avec pour thème « Les intoxications et les envenimations tropicales ».

 

Il est conseillé au lecteur une relecture du cours sur les envenimations par les animaux terrestres avant de prendre connaissance de cette lettre d'information. Le lecteur trouvera les différents articles mis en référence dans la revue Médecine Tropicale, Volume 68, Numéro 4, Août 2008.

 

Nouveaux regards sur les serpents venimeux

 

Les serpents venimeux appartiennent classiquement à trois familles :

- les Elapidés, tous venimeux, dont l'appareil venimeux buccal est de type protéroglyphe (crochets antérieurs et fixes, de petite taille),

- les Vipéridés, tous venimeux, dont l'appareil venimeux buccal est de type solénoglyphe (crochets antérieurs longs et mobiles qui se replient le long du palais),

- les Atractaspididés, dont les espèces du genre Atractaspis venimeuses ont un appareil venimeux buccal de type solénoglyphe. (crochets longs et mobiles qui se replient dans un repli jugal à gueule fermée).

Cette classification appelle deux questions :

- la quatrième famille de serpents, les Colubridés, dont l'appareil buccal est de type aglyphe (dépourvus de crochets venimeux) ou de type opistoglyphe (crochets venimeux en position postérieure) sont-ils réellement non venimeux?

- quelles sont nos connaissances actuelles sur les Atractaspididés ?

La réponse à la première question est négative. Les Colubridés opistoglyphes peuvent avoir leurs crochets en position « reculée » plutôt que postérieure (animal de grande taille) ou avoir des crochets réellement postérieurs, mais si le serpent mord assez longtemps il peut faire pénétrer le venin dans la plaie. Ainsi, Dispholidus typus d'Afrique (le « boomslang ») est responsable d'accidents sévères voire mortels. De plus, presque tous les colubridés (90%) ont une glande venimeuse, la glande de Duvernoy, dont les sécrétions toxiques ne différent pas fondamentalement des venins des vipéridés et des élapidés. Ce explique que les Colubridés aglyphes, dépourvus de crochets venimeux, mais pourvus de dents peuvent être venimeux, certains types de denture pouvant favoriser la pénétration des sécrétions de la glande dans la plaie pendant une morsure.

Les Actractaspididés sont des serpents fouisseurs qu'on trouve dans tous les pays d'Afrique subsaharienne, ainsi  qu'en Israël et dans la partie sud-ouest de la péninsule arabique (Jordanie, Sultanat d'Oman, Arabie saoudite). Dix-huit espèces ont été décrites à ce jour. Les Actractaspididés du genre Atractaspis sont capables d'injecter leur venin la gueule fermée grâce à 2 crochets horizontaux, qui pivotent latéralement et dont un seul dépasse à la fois lors d'un mouvement latéral de la tête. Les venins sont principalement cardiotoxiques, avec également des manifestations cliniques de type hémorragique et nécrotique. Des décès par morsure d'Atractaspis peuvent survenir en moins d'une heure par arrêt cardiaque consécutif à des spasmes coronariens et à un blocage auriculo-ventriculaire. Un sérum polyclonal équin vient d'être obtenu pour neutralise l'activité toxique du venin d'Atrataspis microlepidota,, l'un des Astracstapididés réputé mortel.

 

Références :

- Goyffon M., Ineich I. Nouveau regard sur les serpents venimeux. Med. Trop., 2008, 68, 329-333.

- Ducancel P., Goyffon M. Les venins des Atractaspis. Med. Trop., 2008, 68, 340-347.

 

 

Indications de l'immunothérapie antivenimeuse dans le cadre des envenimations ophidiennes.

 

L'immunothérapie antivenimeuse est actuellement le seul traitement spécifique des envenimations ophidiennes. Les indications et les modalités de l'immunothérapie doivent être précisées. Une conduite à tenir basée sur une gradation clinico-biologique a été proposée. Elle doit permettre de déterminer la gravité d'une envenimation et de répondre rapidement à la question : la symptomatologie clinique et biologique présentée par le sujet mordu représente-t-il une indication à l'immunothérapie?

 

Tableau- Gradation clinico-biologique des envenimations ophidiennes

 

Grades

                 Syndrome vipérin

Syndrome local             Hémorragies           

          Résultats biologiques*

Syndrome cobraïque

 

Signes généraux

Hémodynamique

Grade 0

Douleur modérée           Aucune

Traces de crochets

Pas d'oedème

Normale

Aucun

Aucun

Grade 1

Douleur importante,        Aucune

Oedème ne dépassant

pas le coude

ou le genou

Troubles mineurs de l'hémostase :

     80<plaquettes<150 Giga/L

             45%<TP<70%

          1<fibrinogéne<2g/L

Aucun

Aucun

Grade 2

Oedeme dépassant       Saignemen modérét

le coude ou le genou      - au niveau de la

Phlyctènes(s)                  morsure,

Nécrose mineure            - des points de

                                        ponction                          

                                        Hématurie

                                        Gingivorragie                                                                                            

Coagilopathir patente :

        Plaquettes < 80 Giga/l

            TP<45% TCAx2

          Fibrinogéne<1g/L

Créatinine >120µmol/L

Signes

neurologiques

d'alerte (ptosis, ...)

Vomissements

Diarrhee

Douleur thoracique ou abdominale

Hypotension

Grade 3

Oedème atteignant        Epistaxis

ou dépassant                 Hémptysie

la racine du membre     Saignement      Nécrose étendue           digestif

                                       Autre saignement

                                                                                                                                  

                Coagulopathie

                         et

                   Hb<9g/dL

Détresse respiratoire

Coma,

Convlsions

Etat de choc

Coma

Convulsions

 

Le bilan biologique explore l'hémostase : NFS, TP, TCA, dosage du fifbinogéne si un laboratoire est disponible, sinon réalisation d'un temps de coagulation sur tube sec (TCTS).

Une envenimation de grade 2 ou 3 est une indication formelle d'immunothérapie et un patient côté grade 3 doit être admis en réanimation. Certains critères qui engagent le pronostic vital classent immédiatement le malade au grade supérieur et, en pratique, posent l'indication de l'antivenin, y compris au grades 1 : grossesse, morsure au visage ou au cou, âge < 11 ans ou > 60 ans, poids de la victime < 25 kg, lésions potentiellement hémorragiques (ulcére digestif par exemple).

 

Référence

Larréché S., Mion G., Goyffon M. Indications de l'immunothérapie antivenimeuse dans le cadre des envenimations ophidiennes  proposition d'une gradation clinico-biologique. Med. Trop., 2008,68, 391-392.

 

 

Prise en charge tardive d'une morsure de vipéridés

 

L'immunothérapie antivenimeuse est le seul traitement efficace des troubles de l'hémostase, les traitements substitutifs (plasma, fibrinogène) sont inefficaces et l'héparinothérapie contre-indiquée. Certains auteurs considèrent que l'antivenin serait inefficace passé un certain délai de prise en charge. Or, en Afrique, le délai de prise en charge dépasse fréquemment 24 heures. Un étude menée à Djibouti démontre que, tant qu'une hémorragie persiste, l'immunothérapie corrige aussi rapidement et aussi efficacement l'hémostase que le traitement débute avant ou après la 24e heure.

Référence

Larréché S., Mion G, Mayet A., Verret C., Puidupin M., Goyffon M. Med. Trop., 2008, 68, 392-393.

 

 

Envenimations scorpioniques

 

La gravité clinique des envenimations scorpioniques est basée sur la classification de Abroug :

Classe 1 : présence exclusive d'un ou plusieurs signes locaux,

- Classe 2 : présence d'un ou plusieurs signes généraux (fièvre, nausées, douleurs abdominales, priapisme, hypertension, ...)

Classe 3 : défaillance vitale (neurologique, respiratoire, cardiovasculaire)

L'indication de l'immunothérapie dans le traitement des envenimations scorpioniques graves est toujours discutée. Le traitement symptomatique (OAP, choc cardiogénique) a prouvé son efficacité.

 

Références

Elatrous S., Besbes-Ouanes L., Fekih Hassen M., Ayed S., Abroug F. Les envenimations scorpioniques graves. Med. Trop., 2008, 68, 359-366.

Khattabi A., Achour S., Srhier Z., Semlali I., Eloufir G., Soulaymani-Bencheikh R. Les envenimations scorpioniques à la province  d'El Kalaa Des Sragnas. Maroc. Med. Trop., 2008,68, 419

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°13 – septembre 2008. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr 

 

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 22/09/2008