N° 17. Septembre 2009
Les XVèmes Actualités du Pharo se sont tenues à Marseille du
17 au 19 septembre 2009. Un symposium sur la vaccinologie virale a précédé la
journée du 18 septembre consacrée aux arboviroses tropicales. La lettre
d'information n° 17 résume les principales informations qui ont été données aux
participants.
Vaccinologie virale.
Vaccination contre les papillomavirus humains dans les pays en
développement.
Le
cancer du col de l'utérus et les autres maladies liées aux papillomavirus
humains (HPV) sont un problème de santé publique au niveau mondial. Des vaccins
sont maintenant disponibles. Ils sont
efficaces et bien tolérés. C'est la manière la plus efficace de protéger les
jeunes femmes contre ce qui constitue, chez elles, la deuxième cause de
mortalité par cancer dans les PED et le première cause en Afrique.
L'introduction de la vaccination HPV dans les PED fait maintenant l'objet d'une
recommandation de l'OMS.
Deux
vaccins ont été mis au point : un vaccin quadrivalent qui protégent contre
quatre types de virus (16, 18, 6 et 11) [Gardasil®] et un vaccin bivalent qui
protége contre deux types de virus (16 et 18) [Cervarix®].Le vaccin quadrivalent
est maintenant enregistré dans plus d'une centaine de pays, dont 19 des 72 pays
les plus pauvres selon les critères de l'Alliance Mondiale pour la Vaccination
(GAVI). La cible privilégiée de la
vaccination HPV est les adolescxentes avant le début de leur vie sexuelle. Plus
de la moitié de celles-ci vivent dans les pays les plus pauvres, d'où
l'importance de l'introduction de la vaccination HPV dans les PED
Vaccination contre les rotavirus dans les pays en
développement
Les
rotavirus sont les premiers agents étiologiques des diarrhées aiguës sévères
chez l'enfant de moins de 5 ans. Selon l'OMS, ils provoqueraient le décès de
plus de 600 000 enfants de moins de 5 ans, plus de 90% des décès survenant dans
les PED. Deux vaccins vivants atténués sont sur le marché depuis 2007 : le
Rotarix® et le RotaTeq®. Ils sont efficaces et bien tolérés.
De
nombreuses études d'épidémiologie moléculaire se sont attachées à définir les
sérotypes et/ou les génotypes des souches de rotavirus impliquées dans les
infections humaines. Les sérotypes et les génotypes les plus fréquemment retrouvés
sont les types G1 à G4 (95% des souches) et les types P[4] et P[8]. Cependant
d'autres souches G ou P inhabituelles ont été isolées dans différentes régions
du monde, en particulier dans les PED (Afrique, Inde, Bengladesh, Brésil) où
elles peuvent être majoritaires. La surveillance de l'épidémiologie moléculaire
des souches de rotavirus circulantes est nécessaire afin de mettre en évidence
une émergence d'une nouvelle souche non présente dans la composition des
vaccins actuels.
Plusieurs
pays d'Amérique centrale et d'Amérique latine ont déjà inscrit la vaccination
contre les rotavirus à leur calendrier vaccinal. De nouveaux vaccins sont en
cours de développement , le but étant d'obtenir des vaccins inactivés pour
pallier la moindre efficacité des vaccins vivants atténués dans les populations
les plus défavorisées.
Vaccination contre la dengue
Les
recherches visant à mettre au point un vaccin contre la dengue ont débuté dans
les années 1990. Les études cliniques avec le vaccin candidat tétravalent le
plus promoteur ont démarré dans les années 2000. Il s'agit du vaccin tétravalent vivant atténué de Sanofi Pasteur.
Lors d'une étude réalisée aux Etats-Unis, chez des adultes, l'administration de
3 doses du vaccin candidat tétravalent a induit, chez 100% des vaccinés, une
réponse anticorps capable de neutraliser les quatre sérotypes du virus
responsable de la dengue. Le premier essai clinique d'efficacité chez l'enfant
a débuté en février 2009 en Thaïlande.
Arboviroses tropicales
Elles
restent toujours d'actualité.
La fièvre jaune en
est un exemple : malgré un vaccin remarquablement efficace, elle concerne plus
de 200 000 personnes par an et est cause de 30 000 décès. Elle sévit surtout en
Afrique équatoriale, mais l'Amérique du sud (Brésil, Argentine) compte à
nouveau de nombreux cas.
La dengue touche 50 à 100 millions de personnes.
Elle est responsable d'une lourde mortalité, surtout infantile, dans les pays
du sud-est asiatique et en Amérique latine. Il n'y a actuellement à notre
disposition ni vaccin ni traitement spécifique pour lutter contre les épidémies
ou améliorer le pronostic des formes graves de plus en plus fréquentes.
Depuis 40 ans, l'hypothèse immunologique des anticorps facilitants
est considérée comme l'explication majeure de la physiopathologie de la dengue
grave. C'est la théorie de la « facilitation immunologique » : un
sujet ayant été infecté par l'un des quatre sérotypes n'étant pas protégé
contre les trois autres, une seconde infection hétérologue pourrait se traduire
par une dengue grave (dengue avec syndrome de choc). Cette théorie a été admise
par l'OMS comme une référence officielle. Elle a conduit à imposer la
fabrication d'un vaccin tétravalent (cf supra) pour protéger les populations
exposées. La validité de la théorie des anticorps facilitants est actuellement
remise en cause ce qui ouvre la voie à la fabrication de vaccin monovalent,
beaucoup plus aisés à concevoir qu'un vaccin tétravalent.
L'infection à virus
Chikungunya a touché
l'Italie du nord en 2007, ce qui a attiré l'attention sur les arboviroses
d'importation. Cet épisode a confirmé une tendance probablement inéluctable,
l'extension de différentes arboviroses à tous les pays où elles peuvent être
transportées et trouver des vecteurs convenables. C'st le cas de l'infection à virus West Nile qui
a atteint en 1999 les Etats-Unis d'Amérique, alors que le virus West
Nile était jusque là limité, au moins en apparence, à l'Ancien
monde.
La fièvre de la Vallée du Rift
affecte un large spectre d'espèces animales et l'homme. La
transmission interanimale et entre l'animal et l'homme en phase épidémique est
principalement directe par contact avec des matières biologiques contaminées.
La transmission vectorielle par moustique jouerait plus un rôle dans le
maintien d'une situation enzootique et l'initiation de vagues épizootiques et
épidémiques lors de précipitations anormales. La dernière vague épidémique a
touché le Kenya, la Somalie, la Tanzanie et le Soudan en 2006-2007, puis les
Comores et Madagascar. A la suite d'un cas humain évacué de Grande Comore sur Mayotte, une dizaine d'infections
humaines ont été confirmées en 2007-2008 à Mayotte à partir de sérums prélevés
sur des patients ayant présenté un syndrome fébrile de type dengue. Un étude
sur le cheptel a montré une circulation du virus depuis 2005. La fièvre de la
Vallée du Rift est une préoccupation majeure de santé publique tant chez
l'homme que chez l'animal.
L'Encéphalite japonaise (EJ) a une
incidence estimée entre 30 000 et 50 000 cas par an. Le nombre annuel des décès
est estimé entre 10 000 et 15 000. La
transmission s'effectue plutôt en saison des pluies. Les oiseaux migrateurs
pourraient participer à l'essaimage du virus. L'intensification de la riziculture
explique en partie l'augmentation actuelle des cas. Le vaccin anti-EJ ne fait
pas partie des vaccins obligatoires dans la plupart des pays d'Asie. La vaccin
produit au Vietnam sur cerveau murin est cependant inclus dans le PEV.
La
vaccination contre l'Encéphalite Japonaise n'a pas été abordée au cours des
Actualités. Mais, la mise sur le marché d'un nouveau vaccin inactivé, adsorbé,
souche 14-14-2, produit sur cellules Vero, doit être mentionnée, le JEVAX®
(vaccin inactivé préparé sur tissu cérébral murin) n'étant plus fabriqué. Il
s'agit du vaccin IXIARO(® de Novartis
vaccines. Le taux de séroconversion est
proche de 100%.
Voici
l'avis du Haut Conseil de Santé Publique en date du 24 avril 2009 concernant la
vaccination des voyageurs (BEH du 2 juin 2009, N°23/24) :
La
vaccination contre l'EJ n'est pas recommandée systématiquement à tous les
voyageurs qui se rendent dans les régions où le virus circule.
Sont
concernés :
- les personnes âgées de 18 ans et plus, expatriées ou
devant résider plus de 30 jours dans ces régions,
- les voyageurs âgés de 18 ans et plus se rendant
dans ces régions avec une activité extérieure importante, plus particulièrement
dans les zones de rizières ou de marécages, pendant la période de transmission
du virus, notamment pendant la saison des pluies, quelque soit la durée du
séjour. Les activités suivantes sont considérées comme à risque : dormir à la
belle étoile sans moustiquaire, camping, travail à l'extérieur, cyclisme,
randonnée ..., en particulier dans des zones où l'irrigation par inondation est
pratiquée.
Schéma vaccinal : deux injections à J0
et J28.
D'autres
arboviroses sont beaucoup plus rares. Parmi les arboviroses en Asie du sud-est,
à côté de la dengue et de l'encéphalite japonaise qui posent les problèmes de
santé publique les plus préoccupants, il faut citer les
infections à virus Kunjin ou
Zika.
Le
virus Kunjin a été isolé en Australie. Il est
très proche du virus West Nile.
Le réservoir principal est constitué par les oiseaux et l'homme n'est qu'un hôte
accidentel. Ce virus a été retrouvé an Malaisie, à Bornéo, en Papouasie
Nouvelle Guinée lors d'études sérologiques ou entomologiques. L'infection chez
l'homme est habituellement asymptomatique.
Le
virus Zika , virus africain isolé chez un
singe en Ouganda, a été à l'origine de fièvres en Indonésie et a été isolé chez
le moustique en Malaisie.
Parmi
les facteurs qui peuvent permettre l'amplification locale de ces différents
arbovirus, et leur éventuelle émergence, le réchauffement planétaire constitue
un paramètre déterminant en favorisant entre autres la replication virale chez
les vecteurs et les migrations de populations humaines et animales amenées à fuir les zones de sécheresse. La Fièvre de
la Vallée du Rift en est un exemple.
Référence : Médecine
Tropicale, 2009, 69, 4, 319-368
Notes à propos du choléra et de la diarrhée des voyageurs :
-
Le vaccin per os Dukoral® contre le choléra est désormais disponible en France.
Deux doses à une semaine d'intervalle (adulte) entraînent une protection une semaine
plus tard.
- Le vaccin oral contre le choléra WC/rBS fait produire des
anticorps contre la sous-unité B du vibrion, laquelle est identique à celle d' Escherichia
coli enterotoxinogène (ETEC), principal responsable de la
diarrhée du voyageur. Il a donc un
effet protecteur contre la turista.
La lettre d’information du diplôme et de la capacité de
médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°17 – septembre 2009. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500
Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr Texte rédigé le 23/09/2009