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La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien.

n°3. Mai 2006

Arboviroses

 

La lettre d’information n°3 est consacrée aux arboviroses. Deux maladies dues à des arbovirus sont toujourd d’actualité : la fièvre jaune et la dengue. D’autres arbovirus émergent : le virus West Nile, le virus de l’Encéphalite japonaise, le virus Chikungunya qui a envahi récemment les îles de l’Océan indien et l’Inde.

 

1-       Les principaux arbovirus responsables d’arboviroses humaines

 

 

Famille

 

Genre (virus)

Togaviridae

 Alphavirus (28 virus, dont les virus Chikungunya, O’Nyong Nyong, Ross River, Sindbis, Mayaro, Babankiencéphalites équines américaines)

Flaviviridae

Flavivirus  (68 virus, dont  fièvre jaune, dengues, encéphalite japonaise, West Nile,  Wesselsbron, Banzi, Zika, encéphalites américaines, encaphalites à tiques d’Eurasie tempérée, maladie de la forêt de Kyasianur,  fièvre hémorragique d’Omsk)

Bunyaviridae

Bunyavirus  (138 virus, dont le virus  Bunyamwera, Ilesha, Bwamba, Tataguine,                     Oropouche, du groupe California )

Phléboviris   (43 virus, dont vallée du Rift)

Nairovirus (24 virus, dont Crimée-Congo)

+ 41 virus non classés

Reoviridae

Orbivirus (69 virus,dont Orungo)

Coltivirus (2 virus, dont fiévre à tiques du Colorado)

+ 6 virus non classés

Rhabdoviridae

Vesiculoviris (18 virus)

Lyssavirus (16 virus)

+ 36 virus non classés

2- Les trois grands tableaux cliniques classiques observés au cours des arboviroses humaines et les principaux virus en cause

- Syndromes aigus fébriles (dengue-like) :

     - alphavirus : Chikungunya, O’Nyong Nyong, Ross River , Sundbis, Mayaro, Babanki

     - flavivirus : dengues, West Nile, Wesselsbron,

     - bunyavirus : Bwamba, Ilesha, Bunyamwera, Tataguine,…

     - phlébovirus : vallée du Rift

- Syndromes encéphalitiques :

      - alphavirus : encéphalites équines américaines,

      - flavivirus :encéphalite japonaise , West Nile, encéphalites à tiques d’Eurasie tempérée

- Syndromes hémorragiques  :

       - flavivirus : dengues, fièvre Jaune, forêt de Kyasamur, Omsk,

       - phlébovirus :  vallée du Rift,

       - nairovirus :  Crimée-Congo

3- Les principales arboviroses observées dans les îles de l’Océan indien

La Fièvre jaune n’est jamais arrivée à s’implanter en Asie, dans le Pacifique et dans l’Océan indien. Actuellement la dengue et le Chikungunya sont les deux arboviroses d’actualité dans l’Océan indien.

3.1- La dengue

La dengue est répandues dans toutes les zones tropicales et subtropicales du monde. Il y a quatre sérotypes viraux dénommés DEN 1, 2, 3, 4, qui n’entraînent pas une protection croisée. On distingue plusieurs formes de dengue  la dengue asymptomatique, la dengue classique (DC) et les formes graves, la dengue hémorragique (DH) et dengue avec syndrome de choc (DSC).  Les 4 types de virus de la dengue peuvent être en cause dans les DC comme dans les DH. On ignore les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la genèse des DH. La théorie la plus souvent retenue fait appel au phénomène de la « facilitation immunologique » : si un sujet a été infecté par l’un des quatre sèrotypes, une seconde infection, hétérologue, peut alors se traduire par une DH.

L’homme est le  principal réservoir et disséminateur de virus. Lles vecteurs sont des moustiques du genre Aedes. Aedes albopictus  est le vecteur dans l’Océan indien) : c’est un moustique exophile diurne avec un pic d’activité en début et en fin de journée.

L’Océan indien  est une zone épidémique de dengue, où un des 4 types de virus se dissémine de proche en proche grâce aux déplacements des populations. Une épidémie de dengue (DEN 2) a frappé les Seychelles et La Réunion en 1977-1978 (elle a atteint le tiers de la population  réunionnaise),  une autre la Grande Comore en 1993, une troisième de nouveau  les Seychelles et La Réunion en 2004 (DEN 1). A La Réunion, l’épidémie a duré 3 mois et s’est éteinte avec l’hiver austral.. Aucune forme sévère n’a été observée.

3.2. L’infection à Virus Chikungunya (CHK)

Le virus Chikungunya a été isolé pour la première fois en Afrique, en Tanzanie, en 1952. Il est connu en Asie. A ce jour, il ne s'est jamais transmis en dehors des  zones tropicales, Le réservoir de virus en  période épidémique est l’homme. Le vecteur est, comme pour la dengue, Aedes albopictus.

Dans l’Océan indien, la maladie a d’abord touché les Comores à la fin 2004, puis l’île Maurice, Mayotte, et La Réunion, où on dénombre plus de 200 000 cas. Elle s’est ensuite propagée aux Seychelles , à Madagascar et en Inde.

Classiquement, le CHK est une arbovirose algo-éruptive, syndrome dengue-like, d’évolution aiguë ou sub-aiguë. Alors que la maladie est réputée bénigne et souvent inapparente, des formes graves ont été notées à La Réunion : méningo-encéphalites, hépatites fulminantes, atteintes dermatologiques bulleuses extensives « Lyell like ». De plus, sont survenues des décompensations d’états pathologiques antérieurs (insuffisance rénale, respiratoire, cardiaque, diabète, …), avec des décès chez des sujets âgés. Enfin, des infections chez la femme enceinte ont été la cause de méningo-encéphalites néo-natales et d’avortements au cours du deuxième trimestre de la grossesse. 

3.3. L’infection au virus West Nile (WN)

En 1999, la dissémination géographique du virus WN s’est étendue, à partir de l’Europe et/ou de l’Afrique, vers l’Amérique du nord. Le virus WN est désormais implanté dans le continent américain (Etats-Unis, Canada, Mexique). Les oiseaux sauvages sont réservoirs et amplificateurs du virus. Les vecteurs sont des Culex. L’infection à virus WN entraîne des syndromes fébriles, des encéphalites avec décès ou séquelles graves, mais aussi des Infections inapparentes. Des études de séroprévalence ont été faites par l’IPM depuis 1975, prouvant une circulation endémique du WN sur l’île.  Deux cas d’encéphalites sont survenus à Madagascar en 2001-2002.

4. Les arbovirus qui risquent d’émerger dans l’Océan indien

4.1. Les arbovirus pathogènes pour l’homme existant dans l’Océan indien 

L’Institut Pasteur de Madagascar a isole neuf virus pathogènes pour l’homme sur la Grande Ile : les virus DEN 1, WN ; Wesselsbron, Chikungunya, Babanki, Ilesha, Bunyamwera, de la Vallée du Rift et , de la Fièvre hémorragique Crimée-Congo. Six ont été à ce jour isolés chez  l’homme : DEN 1, WN, CHK, Ilesha, de la Vallée du Rift, Babanki. Les virus DEN 1 et CHK sont pour la première fois cause d’épidémies.  Quel est l’avenir des autres virus ?

4.2. Le virus de l’Encéphalite japonaise (EJ)

L’EJ est une arbovirose du continent asiatique qui s’étend actuellement vers l’ouest (Inde, Pakistan), vers l’est : (Papouasie Nouvelle Guinée), vers le sud  (Archipel nord australien). L’EJ peut  poursuivre son périple vers le sud et vers l’ouest, du fait du développement de la riziculture (Afghanistan, vallées du Nil, Madagascar, côte orientale d’Afrique).

5. Diagnostic spécifique des arboviroses

Il est basé sur la RT-PCR en phase de virémie et  sur le sérodiagnostic par technique ELISA  ( IgM, puis IgG).

6. Prévention des arboviroses

Il n’existe pas actuellement de vaccin contre la dengue ou le CHK. Il existe un vaccin contre l’EJ.

Sur le plan individuek, la prévention contre les vecteurs repose sur des moyens de protection physiques (vêtements, moustiquaires…). L’utilisation de répulsifs est recommandée, avec des précautions à respecter chez la femme enceinte et l’enfant de moins de 12 ans. Chez le nouveau-né de moins de trois mois, il est recommandé de n’utiliser aucun produit répulsif et de privilégier l’emploi de moustiquaires imprégnées.

Au niveau communautaire, des actions de lutte contre les vecteurs doivent être mises en œuvre, en particulier la  réduction du nombre de gîtes larvaires par suppression de toutes les réserves d'eau stagnante dans et à proximité des maisons et, lorsque cette suppression n’est pas possible, par application de traitements larvicides, dont le biopesticide : Bacillus thuringiensis israelensis et, en zones infectées, la lutte contre le vecteur adulte grâce à l’épandage aérien d’insecticide à visée adulticide (organophosphorés ou pyréthrinoïdes de synthèse).

Références :

Julvez J., Ragavoodoo C., Gopaul A.A., Mouchet J. Maladies humaines transmises par les culicidés dans les îles du sud-ouest de l’Océan indien. Bull. Soc. Path. Ex., 1998, 91, 99-103.

Rodhain F. Fièvre jaune, dengue,et autres arbovirose. Encycl. Med. Chir (Editions Scientifiques et Médicales, Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Maladies infectieuses, 8-062-A-10, 2001, 19 p.:

Charel R.N., de Lamballerie X. Le virus West Nile, un arbovirus émergent. La Presse Médicale, 2004, 33, 1521-1525

Diagana M., Tabo A., Debrock C., Preux P.M. L’Encéphalite japonaise. Med. Trop., 2005, 65, 371-378.

Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Infection par le virus Chikungunya à l’île de La Réunion. Numéro hors série du 31 janvier 2006.

Site : http://www.medecinetropicale.com

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien. n°3 –mai 2006Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr