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Lettre d’information

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien.

n°4. Juin 2006

 

 

La lettre d’information n°4 résume des communications orales ou affichées de Médecine Tropicale présentées  aux 7es Journées Nationales d’Infectiologie qui se sont tenues à Bordeaux les 7, 8, et 9 juin 2006.

 

 

 

Plasmodium vivax : pas si bénin ?

 

Plasmodium vivax est considéré comme l’agent responsable de la fièvre tierce bénigne. Quand un malade présente un paludisme grave avec présence de P. vivax, on évoque toujours une probable coinfection avec P. falciparum. Mais, grâce au développement du diagnostic moléculaire, il apparaît que P. vivax peut être responsable de formes graves de paludisme. Un gène pvmdr 1 (Plasmodium vivax multidrug resistance 1) a été récemment identifié, impliquant une résistance de P. vivax aux amino4quinoleines. Plusieurs observations d’accès palustres graves à P. vivax ont été récemment publiées en Inde, le diagnostic d’espèce de P. vivax ainsi que l’absence de P. falciparum étant étayés par la recherche d’antigènes solubles ainsi que par la PCR.

 

De Monbrison F. et coll. Le paradigme de la fièvre tierce bénigne causée par Plasmodium vivax est-il encore valide ? Médecine et maladies infectieuses, 2006, 36, S 173.

Kochar D.K. et coll. Plasmodium vivax malaria. Emerg. Infect. Dis., 2005, 11, 132-134.

 

 

 

 

Entamoeba dispar est un saprophyte du tube digestif

 

L’amibiase est due à une amibe hématophage et cytolytique, Entamoeba histolytica, qui doit être différenciée d’ E. dispar, espèce non pathogène, morphologiquement identique à E. histolytice. L’examen parasitologique des selles par microscopie électronique devrait être systématiquement associé à une technique permettant de différencier les deux espèces.. Une étude sur des échantillons de selles positifs à l’examen microscopique pour E. histolytica/E. dispar a été systématiquement menée en biologie moléculaire pour le diagnostic différentiel d’espèce. La PCR a identifié E. dispar dans 116 cas sur 128 (90% des cas), E histolytica dans 7 cas (5,5%) et une coinfection dans 3 cas (2,3%). Une amibiase colique maladie avec présence de formes hématophages n’a été observée qu’une seule fois. Combien de sujets porteurs d’ E dispar sont-ils traités pour rien avec un faux diagnostic d’amibiase?

 

Merens A et coll. Intérêt et limites du diagnostic au laboratoire de l’amibiase. Méd. Trop., 2005, 65, 167-175.

Faussart A et coll. Prise en charge diagnostique et thérapeutique actuelle de l’amibiase intestinale humaine à Entamoeba spp. :

l’expérience le Pitié-Salpêtrière. Médecine et Maladies infectieuses, 2006, 36, S 172.

 

 

 

 

Neuro-bilharsioses invasives à Schistosoma mansoni : de plis en plus souvent rapportées.

 

Les complications neurologiques semblent rares au cours des bilharzioses aiguës (moins de 3%), mais particulièrement sévères. Trois nouveaux cas  sont rapportés chez des patients au retour du Mali. Tous trois se sont baignés en eau douce. Le diagnostic de schistosomiase est confirmé par l’immunologie dans 2 cas et par l’examen direct pour le troisième. L’IRM est évocatrice d’une vascularite cérébrale. Celle-ci engage le pronostic vital et fonctionnel. Une observation d’encéphalite aiguë en phase d’invasion bilharzienne venant aussi du Mali a été rapportée en 2003, le diagnostic a été porté sur la sérologie.

Il faut évoquer ce diagnostic devant des manifestations neurologiques chez des voyageurs au retour de Madagascar. Deux cas concomitants dans une fratrie ont été récemment observés chez deux enfants réunionnais au retour de vacances à Madagascar. Le traitement de la neurobilharziose invasive repose sur l’association du traitement antiparasitaire (praziquantel) et de la corticothérapie.

 

Jauréguiberry S. et coll. Bilharzioses unvasives. La Presse médicale, 2005, 34, 1646-1645.

Jauréguiberry S. et coll. Bilharziose invasive avec manifestations neurologiques : trois  cas. Médecine et maladies infectieuses, 2006, 36, S 147

Granier H. Et coll. Encéphalite aiguë contemporaine d’une primo-invasion bilharzienne à Schistosoma mansoni. Méd. Trop., 2003, 63, 60-63.

 

 

 

Peut-on prévoir le Syndrome de choc dans la dengue ?

 

Le syndrome de choc lié à la dengue (SCD) est une complication grave rencontrée chez l’enfant atteint de dengue hémorragique (DH) en Asie du sud-est. Quels sont les facteurs associes à la survenue d’un SCD chez les enfants atteints de DH ? Quatre facteurs sont retenus :

- l’âge : de 7 à 12 ans

- une réinfection par le virus de la dengue

- la clinique associant douleurs abdominales, hépatomégalie, état léthargique, refroidissement des extrémités

- la biologie associant une élévation du taux d’hématocrite  supérieur à 23% par rapport à la valeur usuelle et une numération des plaquettes inférieure à 77 000/mm3.

Des épidémies de dengue se succédent dans l’Océan indien avec le risque de DH et de DSC, en particulier chez les enfants. La dengue a été  rapportée pour la première fois à Madagascar début 2006. La connaissance de ces facteurs prédictifs du SCD est importante : leur présence nécessite  l’hospitalisation pour un diagnostic précoce et une prise en charge du choc.

 

Pham T.B. et coll. Facteurs prédictifs du syndrome de choc lié à la dengue chez les enfants pris en charge à l’Hôpital des enfants n°1, Ho Chi Minh Ville, Vietnam. Médecine et maladies infectieuses, 2006, 36, S 145.

 

 

 

 

La fièvre à tique africaine : une menace pour La Réunion ?

 

Rickettsia africae est l’agent de la Fièvre à Tique Africaine (FTA), une maladie émergente transmise par des  tiques du genre Amblyomma en Afrique subsaharienne. Depuis la description du  premier cas humain en 1992, plus de 200 cas importés ont été diagnostiqués en France chez des touristes amateurs de randonnées pédestres au retour d’Afrique.

Une épidémie survenue dans un groupe de 34 touristes de retour d’Afrique du sud permet de rappeler les signes cliniques de la FTA : fièvre, céphalées, myalgies et comme signes évocateurs : escarres d’inoculation multiples, éruption cutanée, adénopathies régionales. Dix cas ont été sérologiquement confirmés (IFI, Western blot).  Actuellement, l’incidence de la FTA chez les voyageurs ayant fait un safari en Afrique du sud est supérieure à celle du paludisme.

A la suite d’un cas de FTA chez une patiente au retour de Guadeloupe en 1998, R. africae a été isolé chez les tiques du genre Amblyomma aux Antilles (Guadeloupe, Martinique), puis à l’île de La Réunion, où aucun cas humain n’a été décrit à ce jour.

 

Parola P., Barre N. Rickettsia africae, agent de la fièvre à tique africaine : un pathogène émergent dans les Antilles et à l’île de La Réunion. Bull. Soc. Path. Exot., 2004, 97, 193-198.

Consigny P.H. et coll. Epidémie de fièvre africaine à tique chez des voyageurs au retour d’un « safari » en Afrique du sud. Médecine et maladies infectieuses, 2006, 36, S 143.

 

 

 

 

Une impasse parasitaire d’avenir : la gnathostomose humaine

 

La gnathostomose est une helminthiase animale due à un nématode. L’homme est un hôte accidentel. La gbathostomose humaine est endémique en Asie du sud-est et en Amérique latine. Elle est due à la consommation de viande et de poisson cru ou insuffisamment cuit. Depuis le début des années 1980, on observe une augmentation du nombre de cas de gnathostomose importés par les voyageurs dans les pays occidentaux. Ainsi, elle a été rapportée récemment chez des voyageurs au retour d’Inde et de Tanzanie.  Elle entraîne un syndrome de larva migrans cutanée et/ou viscérale. C’est une des étiologies de l’hyperéosinophilie sanguine au retour des tropiques. La sérologie par technique ELISA et le Western blot sont positifs. Le traitement par l’albendazole donne un taux de guérison de 90% en Thaïlande, mais il n’est que de 36% dans une étude française récente.

 

Clement-Rigolet M.C. La gnathostomose, une maladie exotique de plus en ^mis souvent importée dans les pays occidentaux. La Presse Médicale, 2004, 33, 1527-1532.

Strady C et coll. Efficacité de l’albendazole dans la gnathostomose d’importation : à partir de 14 cas. Médecine et maladies infectieuses, 2006, 36,

 

 

Note : Plusieurs communications ont été consacrées à l’infection à virus Chikungunya. Elles ne sont pas rapportées ici. Nous rappelons aux lecteurs que la huitième réunion du Comité local de la Société de Pathologie Exotique, qui s’est tenu à Saint Denis de La Réunion le 28 mars 2006, a été entièrement consacrée à l’épidémie due au virus Chikungunya. Les résumés des communications ont été publiés dans le Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, 2006, 99, 2, 138-148.

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien. n°4 –juin 2006Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr