n°5. Septembre 2006
La lettre d’information
n°5 résume des communications orales ou affichées de Médecine Tropicale
présentées aux XIIème Actualités du Pharo à Marseille les 7, 8 et 9
septembre 2006.
Helminthiases, nouvelles stratégies thérapeutiques
Les
benzimidazolés (mébendazole, flubendazole, albendazole), le praziquantel
l’ivermectine sont les traitements de base des heminthiases digestives en 2006.
Caractérisés par un large spectre d’activité, une utilisation facile, leur
efficacité conduit habituellement à la guérison.
Cependant, certaines situations cliniques ne
sont pas contrôlées par ces traitements de première intention et nécessitent
une alternative thérapeutique. Un nouveau médicament, le nitizoxanide
(CRYPTAZ®), dérivé nitroimidazolé proche du métronidazole et récemment
commercialisé, est utilisé par voie orale (comprimés à 500 mg) et est bien
toléré. Il se présente comme une alternative thérapeutique dans le traitement
des taeniasis, des fasciolases, de la stongyloïdose (anguillulose).La posologie
est de 2 à 3 g en une prise dans les taeniasis, de 500 mg/j /7j dans les
fascioloses, de 1 000 mg/j/7j dans la strongyloïdose.
Des
médicaments déjà commercialisés peuvent être actifs en cas d’échec des
traitements de base : l’albendazole (ZENTEL®), cp à 400 mg, dans les
taeniasis à T. saginata et à T. solium à la posologie de 400
mg/j/3j ; le métronidazole
(FLAGYL®), cp à 250 et 500 mg, dans les fascioloses, 1,5 g/j/21 j,
l’albendazole dans la strongyloïdose 400 mg/j/3j.
Les
associations de médicaments, ayant des mécanismes d’action différents, peuvent
constituer des alternatives thérapeutiques : praziquantel (BILTRICIDE®, cp
à 600 mg, 40 à 60 mg/kg, 2 cures à 2 ou 3 semaines d’intervalle, et artéméther
(ARTENAM®), cp à 50 mg, 6 mg/kg, 4 cures à 1-3 semaines d’intervalle, dans
les schistosomoses ; mébendazole
(VERMOX®), cp à 500 mg, 400 mg et
lévamisole (SOLASKIL®, cp à 30 et 150 mg, 80 mg ; ou albendazole, 400 mg, et ivermectine
(STROMECTOL®), cp à 3 mg, 200 µg/kg dans les ankylostomoses rebelles.
Rey
M, Debonne J.M. Alternatives thérapeutiques en cas d’échec d’un premier
traitement dans les helminthiiases digestives de l’adulte. Méd. Trop. 2006, 66,
324-328.
Bohand
X. Aupée O. Nouveautés thérapeutiques dans le traitement des heliminthiasas.
Méd. Trop., 2006, 66, 329-330.
Traitements antirétroviraux et Infection
à VIH/SIDA sous les tropiques
L’OMS a lancé en 2003 l’initiative «3 millions
d’ici 2005» dont l’objectif était de mettre 3 millions de patients sous
antirétroviraux (ARV) d’ici la fin 2005 dans les PED. L’objectif n’a pas été
atteint, mais il y a eu un plus large accès aux ARV en 2005 et 250 à 300 000
décès ont ainsi été évités.
L’administration d’ARV n’est efficace que si
l’état nutritionnel des malades est maintenu à un niveau suffisant. Or, la
fréquence de la dénutrition est très élevée chez les sidéens en milieu
tropical : l’amaigrissement est un des premiers signes de la maladie et
touche près de 90% des sujets infectés. Le «Washing syndrom ou syndrome de
dépérissement progressif» est souvent inaugural du sida. Les causes de la
dénutrition sont nombreuses : réduction des apports alimentaires
(anorexie, dysphagie, indisponibilité alimentaire), augmentation des pertes
(diarrhée, malabsorption), augmentation des besoins (dépense énergétique). La
dénutrition touche préférentiellement la masse maigre. La renutrition nécessite
un niveau d’apport proteique de 2g/kg/j. Elle est basée de préférence sur
l’utilisation des ressources locales et/ou, lorsque cela est possible, sur
l’utilisation de préparations importées.
Comte-tenu de caractère récent de l’emploi des
ARV dans les PED, les connaissances sur la morbidité sous ARV sont encore limitées.
A moyen terme, on note que :
- le spectre des maladies opportunistes est
proche de celui observé sans ARV à chiffre de CD4 identique. Ceci suggère qu’il
faudrait, dans les PED, débuter les ARV plus tôt dans l’histoire naturelle de
l’infection à VIH/SIDA, avant qu’apparaissent les maladies opportunistes
«précoces» (tuberculose et maladies bactériennes dues au :pneumocoque ou à
des salmonelles non typhiques), donc à un taux de CD4 très supérieur à
200/mm3..
- les formes cliniques des maladies opportunistes
entrant dans le cadre du syndrome de restauration immunitaire se rencontrent
dans la pratique quotidienne, mais leur fréquence reste à chiffrer,
- il y a un plus grand risque de tuberculose
active sous ARV chez les patients qui avaient déjà un antécédent de tuberculose
guérie avant le début des ARV.
- enfin, vont émerger des problèmes de
co-morbidité, notamment liés aux hépatites virales B et C, compte-tenu de leur
fréquence dans la population générale.
Melchior J.C., Blanty S., de Truchis P.
Problèmes nutritionnels posés par les rétroviroses humaines en milieu tropical
et solutions possibles. Méd. Trop. , 2006, 66, 339-341.
Anglaret X. Affections opportunistes sévères
de l’adulte infecté par le VIH en Afrique sub-saharienne. Méd. Trop., 2006, 66,
343-345
Une alternative dans le traitement du
paludisme simple à Plasmodium falciparum l’association artesunate amodiaquine
DFC.
L’utilisation de combinaisons thérapeutiques
en traitement de première ligne dans le paludisme à Plasmodium falciparum est
actuellement recommandée. L’arsenal thérapeutique dispose d’associations
fixes (exemple : : artéméther 20 mg/ luméfantrine 120 mg
[COARTEM/RIAMET]) et d’associations libres (exemple ::
artésunate 50 mg/amodiaquine 153 mg). Ces associations nécessitent la
prise de 8 comprimés par jour pendant 3 jours, soit 24 comprimés (dose adulte).
L’association fixe DFC artésunate 100
mg/amodiaquine 270 mg a été étudiée en Côte d’Ivoire (spécialisée sous le nom
d’AMONATE®) et comparée à l’association antéméther/luméfantrine. Les résultats
montrent une équivalence entre ces 2 combinaisons thérapeutiques. L’intérêt de
la combinaison artésunate/amodiaquine DFC est, outre une bonne tolérance, une
grande facilité d’emploi, prise de 2 comprimés par jour pendant 3 jours (dose
adulte) et un coût abordable, inférieur à 1 $ US.
Offianan A.T., Kalf D., Yapi J.D. et coll.
Efficacité et tolérance de l’association artésunate/amodiaquine DFC versus artéméther/luméfabtrine dans le
traitement du paludisme simple à Plasmodium
falciparum en Côte d’Ivoire. Méd. Trop, 2006, 66, 358.
Le virus Chikungunya dans l’Océan
indien : quoi de neuf ?
Alors que fin 2005, les autorités sanitaires
redoutaient une pandémie grippale avec la progression de la grippe aviaire
H5N1, c’est un tout autre événement qui a attiré l’attention des médias :
l’épidémie du Chikungunya dans
l’Océan indien, en particulier à La Réunion. Au cours de cette épidémie, des
formes graves ont été observées (ménigo-encéphalites, hépatites fulminantes,
éruptions bulleuses) chez des enfants et des adultes, ainsi que des encéphalites néo-natales. Seules des
méningo-encéphalites avaient déjà été rapportées (Inde, 1966). La transmission
materno-fœtale était inconnue. La survenue de ces complications a fait évoquer
la possibilité d’une évolution du virus, d’autant que des premiers travaux ont
fait apparaître des modifications génétiques des virus qui ont circulé au
moment où les formes graves étaient rapportées plus fréquemment (janvier,
février 2006).
La situation épidémiologique est à ce jour
comparable à celle observée au cours de la période inter-épidémique de l’hiver
austral 2005 (une dizaine de cas par semaine). Bien que peu active, la
transmission se poursuit. Il y a donc un risque de reprise du phénomène
épidémique dès la fin de l’hiver austral
Alors que faire ? La chloroquine
(NIVAQUINE®) est un puissant inhibiteur de la réplication du virus Chikungunya, une expérimentation
(PREVENCHIK) à la dose de 200mg/j de
chloroquine est en cours. Les essais vaccinaux, doivent commencer fin décembre.
Il faut privilégier la lutte anti-larvaire, la lutte individuelle et
communautaire (utilisation des répulsifs, destruction des gîtes).
Chastel C. Le virus Cikungunya : son extension récente dans le sud de l’Océan
indien et à l’Ile de la Réunion (2005-2006). Bull.
Acad. Natle. Méd.,
2005, 189, 1827-1835.
Ensemble d’auteurs. Session Chikungunya. Med. Trop., 2006, 66,
360-364.
InVS. Chikungunya
à La Réunion / Océan indien. Point de situation au 18 septembre 2006.
Parmi les communications affichées, on
en retient deux qui traitent des îles
de l’Océan indien
Chimiosensibilité de Plasmodim
falciparum aux Comores. Des tests de chimiosensibilité ont été effectues sur 143 souches de P. falciparum prélevées en 2004-2005
chez des patients hospitalisés à Marseille pour paludisme d’importation au
retour des Comores. Près de 50% des souches sont résistantes à la chloroquine,
1% sont résistantes à la méfloquine, aucune à l’atovaquone, la quinine,
l’halofantrine, la doxycycline ou l’artéméther. Ceci permet des choix pour la
chimioprophylaxie des voyageurs et aussi pour la politique de lutte
antipaludique aux Comores.
L’infection à VIH/SIDA à Madagascar.
Les auteurs rappellent qu’une enquête menée chez les femmes enceintes en 2003 a
montré que la prévalence était de 1,17%, témoin d’une progression de
l’épidémie. Une enquête menée pendant 6 mois en 2004-2005 pour déterminer la
prévalence de l’infection à VIH/SIDA chez les tuberculeux au niveau national a
montré un taux de positivité de 0,96% (16 sujets VIH positifs sur 1 800
tuberculeux), ce qui est en rapport avec une faible prévalence de l’infection à
VIH/SIDA à Madagascar.
Parola P., Minodier P., Simon F. et coll.
Chimiosensibilité de Plasmodium
falciparum importé des Comores à Marseille en 2004-2005. Med. Trop., 2006, 66, 366.
Ratsirahonana O., Sarda J., Rarivoson B. et
coll. Etude de la séro-positivité de l’infection VIH chez les patients
tuberculeux à Madagascar. Med. Trop., 2006, 66, 374.
La lettre d’information du diplôme et de la capacité de
médecine tropicale des pays de l’Océan indien. n°5 –septembre 2006. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500
Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr