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Lettre d’information

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien.

n° 6. Décembre 2006

 

 

La lettre d’information n° 6 est consacrée à cinq sujets d’actualité ayant fait l’objet d’études récentes  (2005-2006) : la mélioïdose et le tsunami, le sida, la tuberculose, le choléra, le paludisme grave.

 

 

 

La recrudescence de la mélioïdose

 

La mélioïdose a été détecté avec une fréquence accrue après le tsunami de décembre 2004 que ce soit sur place dans la population locale ou chez des touristes ayant regagné leur pays d’origine.

La mélioïdose, dont 2 cas ont été observés en 2004 dans l’Océan indien (un à Maurice, l’autre à La Réunion en provenance de Madagascar) est une zoonose bactérienne, due à Burkholderia pseudomallei , bacille tellurique particulièrement invasif, résistant, transmis par voie aérienne ou cutanée. La tendance aux récurrences est un caractère remarquable de cette maladie.

Des cas de mélioïdose pulmonaire ont été rapportés dans le sud de la Thaïlande et en Indonésie (province de Banda Aceh) en 2005 : 6 patients en Thaïlande alors que seulement 9 cas avaient été diagnostiqués dans le même hôpital au cours des 6 années précédentes, 10 cas en Indonésie avec une bactériologie des crachats positive dans 4 cas pour B. pseudomallei. Un cas de mélioïdose cutanée abcédée siégeant au niveau du pied droit a été décrit chez un touriste suédois infecté en Thaïlande. Compte tenu des récurrences pouvant survenir plusieurs années après la contamination, tout survivant du tsunami peut être affecté un jour ou l’autre par la maladie. D’autre part, deux cas de mélioïdose au retour d’un séjour en Asie (la maladie n’est endémique qu’en Asie du sud-est et dans le nord de l’Australie) ont été rapportés chez des européens en 2005 : l’un chez un homme de 70 ans, de nationalité française, sans antécédent particulier, présentant une pneumopathie (B. pseudomallei a été isole par culture dans l’expectoration bronchique) au retour d’un voyage au Vietnam et au Cambodge, l’autre chez une femme de 90 ans, de nationalité belge, diabétique, présentant une lésion cutanée (chancre d’inoculation), après un séjour au Bangladesh.

Une revue générale sur la mélioïdose a été publiée en 2005 dans Médecine et maladies infectieuses, 35 (2005) 469-475..

 

Chierakul W. et coll. Melioidosis in six tsunami survivors in southern Thaïland. Clin. Infect. Dis, 2005, 41, 982-990.

Athan E. et coll. Melioidosis in tsunami survivors. Emerg. Infect. Dis., 2005, 11, 1638-1639.

Svensson E. et coll. Cutaneous melioidosis in a Swedish tourist after the tsunami in 2004. Scand. J. Infect. Dis., 2006, 38, 71-74.

Mandjee A. Infection à Burkholderia pseudomallei au retour d’un voyage dans le Sud-est asiatique. Médecine et maladies infectieuses, 2005, 35, 88-90.

Malvy D et coll. Imported cutaneous melioïdosis. First case with an iolated chancre presentation among a 90-year old traveller.Abstract Book, Medicine and Health in the Tropics, Marseille, France, 11-15 september 2005, P 595, p 265.

 

 

 

Le Syndrome de restauration immunitaire au cours du sida traité par antirétroviraux.

 

L’introduction depuis 1996 des traitements antirétroviraux (ARV) contre le sida est à l’origine d’un nouveau syndrome : le Syndrome de Restauration Immunitaire ou Syndrome de Reconstitution Immune (SRI), qui se définit comme une réaction inflammatoire inhabituelle à une infection (opportuniste ou non), survenant chez des patients atteints de sida (CD4+ < 200/µL), dans les premières semaines qui suivent l’introduction des ARV. L’agent infectieux en cause pré-exixte toujours à l’introduction des ARV. Les premières observations de SRI ont concerné l’infection à Cytomégalovirus et les mycobactérioses (Mycobactérium tuberculosis, M. avium).

Une étude rétrospective permet de déterminer l’incidence et les facteurs favorisant le développement du SRI. Il n’existe aucune différence entre l’âge, le taux de lymphocytes CD4+ et la charge virale VIH au moment du diagnostic entre les patients ayant développé un SRI et les autres. Le délai médian entre l’introduction des ARV et le diagnostic du SRI est de 46 jours. Les trois facteurs influençant la survenue d’un SRI sont : une diminution de 2 log de la charge virale VIH, une trithérapie ARV instaurée dans les 30 premiers jours, le fait d’être naïf d’ARV au moment du diagnostic de l’infection. La survenue du SRI n’est pas influencée par la combinaison d’ARV choisie. Les patients ayant eu un SRI ont une meilleure reconstitution immune à 24 mois, définie par une augmentation des CD4+ de 100/µL et un taux plus élevé de contrôle virologique défini par une charge virale < 400 copies/ml. Ainsi, le développement du SRI est bien favorisé par une réponse immunologique forte.

Alors que le nombre de personnes vivant avec le VIH continue d’augmenter (ONUSIDA. L’épidémie mondiale de sida, décembre 2006), que de nouveaux traitements moins contraignants (multithérapie en une prise orale par jour) rendent le traitement du sida acceptable et l’observance possible dans les pays les plus défavorisés, il faut redouter que le SRI associé à une infection ne soit de plus en plus fréquent.

 

Shelburne S.A et coll. Incidence and risk factors for immune reconstitution inflammatory syndrom during highly active antiretroviral therapy. AIDS, 2005, 19, 399-406.

 

 

Tuberculose multirésistante et tuberculose ultrarésistante

 

La tuberculose multirésistante (MR) est définie par une résistance à au moins deux médicaments majeurs, l’isoniazide et la rifampicine. La tuberculose ultrarésistante (UR) est définie comme : 1. résistante au moins à la rifampicine et à l’isoniazide à laquelle s’ajoutent, 2. une résistance aux fluoroquinolones, 3. et a un ou plus des antituberculeux injectables suivant : amikacine, capréomycine et kanamicine. La tuberculose UR est le résultat d’une lutte insuffisante contre la tuberculose. Elle est associée à des taux de mortalité élevés. Les sujets infectés par le VIH y sont particulièrement sensibles.

L’Afrique australe est touchée par la tuberculose UR (Afrique du sud, Lesotho, Swaziland).

 

OMS. Tuberculose à bacilles ultrarésistants (tuberculose UR) : recommandations en matière de prévention et de lutte contre la maladie. REH, 2006, 81, 430-432.

 

 

 

Quels  traitements antibiotiques du choléra en 2006 ?

 

Le traitement du choléra repose en premier lieu sur une réhydratation précoce et adéquate, l’antibiothérapie permettant de réduire le volume et la durée de la diarrhée, donc la durée d’hospitalisation. Les épidémies de choléra se succèdent et il y a eu en 2005 une hausse globale de 30% des cas déclarés par rapport à 2004. La doxycycline en prise unique est le traitement antibiotique de référence.  Son emploi chez l’enfant de moins de huit ans et chez la femme enceinte, même en prise unique, est déconseillé. L’alternative est l’érythromycine, mais son inconvénient majeur est la répétition des prises (12 au total en 3 jours). La ciprofloxacine à la dose unique de 20 mg/kg (1 g chez l’adulte) est aussi active que l’érythromycine, mais a les inconvénients des fluoroquinolones : coût élevé, risque d’émergence de résistance, prescription déconseillée chez les jeunes enfants et les femmes enceintes. Une nouvelle alternative thérapeutique est l’azithromycine en prise unique (1 g chez l’adulte) qui a pour avantages : l’absence  de contre-indication chez les jeunes enfants et les femmes enceintes, son faible coût, une efficacité supérieure à l’érythromycine et comparable à la doxycycline et à la ciprofloxacine.

Cependant, la ciprofloxacine est actuellement déjà inefficace dans le traitement du choléra au Bangladesh, ce qui peut s’expliquer par un usage anarchique des fluoroquinolones. Quelle sera dans l’avenir l’efficacité de l’azithromycine dans le traitement du choléra, si elle est largement prescrite ?

 

Griffith C.D. et coll. Review of reported cholera outbbreaks worldwide 1995-2005. Am. J. Trop. Med. Hyg., 2006, 75, 973-977.

Saha D. et coll. Single-dose cipropfloxacin versus 12-dose erythromycin for childhood cholera : a randomized controlled trial.  Lancet, 2005, 366, 1085-1092.

Saha D. et coll. Single-dose azithromycin for the treatment of cholera in adults. N. Engl. J. Med., 2006, 354, 2452-2462. 

 

 

 

Quels traitements du paludisme grave en 2006 ?

 

Alors que l’incidence estimée du paludisme est bien supérieure aux données officielles (l’incidence serait de 515 millions, et non des 273 millions officiels), on cherche toujours le médicament idéal pour le traitement des formes graves du paludisme. Si la quinine reste le médicament de référence, la redécouverte du Quinghaosu a permis le développement de deux dérivés actifs : l’artéméther et l’artésunate. Les essais cliniques randomisés qui ont comparé l’artéméther à la quinine n’ont pas montré de bénéfice en termes de survie. Cependant, l’artéméther est mieux toléré et plus facile d’administration (voie intramusculaire). L’artésunate est-elle plus efficace que la quinine? L’artésunate, par voie intraveineuse directe (a la dose de 2,4 mg/kg à l’admission, puis à 12 heures, 24 heures et tous les jours jusqu’à ce que la voie orale soit possible à la dose de 2 mg/kg/j pour une durée totale de 7 jours, avec une dose totale cumulée de 14 à 18 mg/kg), a été comparée à la quinine sous forme de dihydrochlorite (dose de charge de 20 mg/kg en perfusion intraveineuse, suivie d’une dose d’entretien de 10 mg/kg sur 2 à 8 heures, trois fois par jour, jusqu’à ce qu’un relais par voie orale puisse être effectué, 10 mg/kg x 3 j, pour une durée totale de traitement de 7 jours). La doxycycline orale a été prescrite dans les 2 groupes de malades. Les bénéfices de l’artésunate par rapport à la quinine sont : sa facilité d’administration (IV directe), une action plus précoce, une efficacité supérieure (jugée sur la mortalité et les séquelles neurologiques). Cette étude a été menée en Asie, essentiellement chez des adultes ; elle doit être aussi menée en Afrique subsaharienne et chez des enfants. A noter qu’il n’y a pas actuellement d’artésunate parentérale disponible en pratique courante.

 

Snow R.W. The global distribution of clinical episodes of Plasmodium falciparum malaria. Nature , 2005, 434, 214-217.

The Artemether-Quinine Meta-analysis Study Group. A meta-analysis using individual patient data of trials comparing artemether with quinine in the treatment of severe falciparum malaria. Trans. Roy. Soc. Trop. Med. Hyg., 2001, 95, 637-650.

South East Asian Quinine Artesunate Malaria Trial (SEAQUAMAT) group. Artesunate versus quinine for treatment of severe falciparum malaria : a rendomised trial. Lancet, 2005, 366, 717-725.

 

 

 

La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine tropicale des pays de l’Océan indien. n°6 –décembre 2006. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr