n°
7. Mars 2007
La lettre d’information
n° 7 est consacrée à quatre sujets d’actualité ayant fait l'objet de
publications en 2006-2007.
La combinaison à dose fixe artémisinine-amodiaquine
dans le traitement de l'accès palustre simple à Plasmodium falciparum
D'après les directives 2006 de l'OMS
pour le traitement du paludisme, il faut traiter le paludisme simple à Plasmodium
falciparum avec des associations d'antipaludiques à base
d'artémisinine. L'artémisinine est la matière première des nouveaux traitements
antipaludéens ACT (Artemisinin based combined therapies). Son association avec
d'autres antipaludiques, dont l'élimination est plus lente, comme l'amodiaquine
ou la méfloquine, a prouvé son efficacité, même contre des Plasmodium
falciparum résistants à d'autres bithérapies.
Développée
par la Fondation DNDI «Drugs for Neglected Diseases initiative», créée en 2003
par Médecins Sans Frontières, la nouvelle formulation artémisinine/amodiaquine
[AS/AQ] permet de réduire le traitement à une prise par jour pendant 3 jours
tant chez l'adulte que chez l'enfant.
Quatre
dosages existent basés sur l'âge du patient :
- 3-11 mois, un comprimé d'AS/AQ (25 mg/67,5 mg),
-
1-6 ans, un comprimé d'AS/AQ (50 mg/135 mg),
-
7-13 ans, un comprimé d'AS/AQ (100 mg/270 mg),
-
14 ans et au-dessus, deux comprimés d'AS/AQ (100 mg/270 mg),
la
posologie journalière étant de.4 mg/kg d'artémisinine et de 10,8 mg/kg
d'amodiaquine.
C'est
la première fois dans l'histoire de l'industrie pharmaceutique qu'un grand
groupe privé s'est associée avec une Organisation Non Gouvernementale, le DNDI,
pour lancer un médicament. L'ASAQ® (c'est le nom du médicament), qui est
fabriqué au Maroc, doit être vendu à prix coûtant : le principe étant pas de
profits, pas de pertes.
Pilloy J. La
lutte contre le paludisme : le marché de l'artémisinine et des dérivés. Med.
Trop., 2006, 66, 554-557.
Symposium DNDI.
Séance délocalisée de la SPE à Ouagadougou, Burkina-Faso. Bull. Soc. Path. Exot., 2007,100, 67-69.
www.dndi.org
Zoonoses dues à des virus : attention
à leur explosion
Les
deux virus du sida, VIH1 et VIH2, proviennent de singes africains. Ce sont des
virus zoonotiques, comme c'est le cas pour au moins 75% des nouveaux virus
ayant émergés chez l'homme dans la deuxième moitié du XX siècle. On appelle, en effet, zoonoses les infections
qui sont transmises à l'homme par des animaux domestiques ou sauvages, de façon
directe ou indirecte. Le sida est donc une zoonose.
De
nombreuses zoonoses dues à des virus ont explosé ces 50 dernières années dans
le monde. Un exemple: le virus West-Nile,
isolé en Ouganda en 1937, connu en Afrique, en Europe au Moyen-Orient, en Inde,
émerge à New-York en 1999., puis gagne tous les Etats-Unis, le Canada, le
Mexique, les Caraïbes, l'Amérique latine.. Il est transmis par des moustiques à
des oiseaux, résidents ou migrateurs. Un autre exemple: le virus Ebola,
après avoir émergé en 1976, simultanément au Zaïre
(actuellement République Démocratique du Congo) et au Soudan, est resté
pratiquement silencieux à quelques petites épidémies près, pendant 18 ans.
Actuellement, les ré émergences du virus Ebola,
en Afrique Centrale, tendent à se multiplier. Le virus Ebola
infecte l'homme à partir de sang et des autres liquides biologiques de divers
animaux sauvages de la grande forêt ombrophile, surtout des singes, mais aussi
des antilopes, chassés ou trouvés morts, consommés après dépeçage.
Quelles sont
les raisons de cette émergence des zoonoses?
L'explosion des
maladies d'origine animale est avant tout liée à l'homme. La démographie
galopante, avec le passage d'un milliard d'humains en 1900 à 6,5 milliards en
2006, s'est faite au détriment des territoires de vie sauvage et a mis en
contact les humains avec des animaux sauvages. Un exemple : le virus Junin, agent
de la Fièvre hémorragique d'Argentine décrite en 1943, est actuellement en
expansion , liée à son réservoir de virus, un rongeur, Calomys
musculinus, qui a proliféré dans le pays.
Les marchés
traditionnels mettent en contact étroit des animaux vivants et des humains: ils
sont accusés d'avoir facilité la diffusion du virus H5N1 chez les oiseaux en
Asie du sud-est et celle du SRAS chez les civettes en Chine. Quant à
l'écotourisme, il progresse de 10% par an depuis 1985 et a pour conséquence le
développement de zoonoses. Un exemple d'actualité dans l'Océan indien :
l'infection à virus Chikungunya, pour laquelle l'entretien du virus est assuré
en Afrique de l'Est par des singes et des moustiques forestiers, la maladie se
transmettant par la suite, dès son émergence, d'homme à homme par le moustique
vecteur.
Chastel C.
Virus émergents. Vers de nouvelles pandémies? Vuibert- Adapt. 2006, 313 p.
Chomel B.B., Belotto A., Meslin F-X. Wildlife, exotic
pets, and emerging zoonoses. Emerging Infectious Diseases, 2007, 13, 6-11.
Le monkey-pox ou variole du singe : une virose toujours
d'actualité
L'orthopoxvirose
simienne, appelée aussi monkey-pox ou variole du singe, est une infection
virale dont les manifestations cliniques évoquent celles de la variole. Il est
toujours d'actualité. En effet, à côte des mini-épidémies africaines
intertropicales, sont apparues des formes épidémiques, notamment en 2003, aux
Etats-Unis.
Le virus du monkey-pox a été isolé en 1958 de singes Macacus cynomolgus. Il a été reconnu chez l’homme en 1970 au
Zaïre (RDC) où des cas sporadiques ou des mini-épidémies ont été décrits de
1970 à 1986. Des enquêtes sérologiques ont montré que des singes, des écureuils
arboricoles, des rongeurs et des antilopes pouvaient être des réservoirs de
virus. Le monkey-pox a flambé
brutalement en 1996 sur un mode épidémique en RDC. Le fait nouveau a été la
très forte proportion de cas secondaires par transmission interhumaine directe.
Le monkey-pox a été rapporte dans cinq pays d'Afrique
centrale : Nigeria, Cameroun, Gabon, République centrafricaine et RDC (qui
compte 90% des cas), et dans trois pays d' Afrique de l' Ouest : Côte d’Ivoire,
Sierra Léone, Libéria.
En
2003, le monkey-pox a provoqué une épidémie aux USA, avec
82 cas humains, la source de l’infection étant des rats de Gambie et des
écureuils arboricoles importés du Ghana, porteurs du monkey-pox virus, ayant
contaminés des chiens de prairie familiers et un lapin, lesquels ont à leur
tour infestés des humains, amateurs d’animaux de compagnie.
Les critères de
diagnostic actuellement utilisés sont ceux du CDC d'Atlanta modifiés en 2003.
La maladie débute par de la fièvre, des arthralgies et des myalgies. Une
éruption papulo-vésiculeuse apparaît 48 à 72 heures après le début de la
fièvre. Elle prédomine au visage et aux extrémités des membres (paume des mains
et plante des pieds). Elle est à distribution centrifuge. L'éruption apparaît
en un jour et les lésions sont au même stade d'évolution sur tout le corps. Les
enfants de 5 à 9 ans sont les plus exposés. Le traitement est symptomatique. La
vaccination antivariolique protégeant contre le monkey-pox, le personnel
soignant des zones d'endémie devrait être vacciné contre la variole. La
mortalité, qui était de 10 à 30% au cours des premières mini-épidémies, a chuté
à 1,5 à 3% lors de l'épidémie de 1996-1997 en dépit de la transmission
interhumaine. Il n'y a eu aucun décès aux USA en 2003.
Une mini-épidémie
observée récemment à l'hôpital d' Imfpondo en RDC rappelle l'actualité du
monkey-pox
Chastel C.
Quand le monkey-pox réussit à s’échapper d’Afrique. Virologie, 2004, 8, 83-86.
Chastel C.
Virus émergents. Vers de nouvemme pandémies? Vuibert- Adaot, 2006, 313 p.
Boumandouki P.,
Bileckot R. Ibara J.R. Orthopoxvirose simienne (ou variole du singe) : étude de
8 cas observés à l'hôpital d'Impfondo de la Répiblique du Congo. Bull. Soc. Path. Exot., 2007, 100,
17-21.
Difficultés d'accès et d'observance aux médicaments
antirétroviraux dans les pays du Sud pays du sud
Le secteur de
la santé est confronté dans les pays du Sud à l'initiative «3 000 000 d'ici
2005» (3 by 5) de l'OMS, c'est-à-dire en pratique à l'accès des malades du sida
des pays du Sud, en particulier d'Afrique noire, aux traitements antirétroviraux (ARV). L'Afrique est, en effet,
le continent le plus touché par le fléau du sida, ce continent représente 90%
des sujets infectés par le VIH, alors que sa population est évaluée de 11-12%
de la population mondiale.
Si l'objectif
de l'OMS n'a pas été atteint, il a provoqué cependant une réelle impulsion,
puisqu'on estime que 250 à 350 000 décès ont été évités en 2005 grâce à un plus large accès aux ARV dans les
pays du Sud.
Pour obtenir
une efficacité correcte des ARV et éviter l'apparition de souches résistantes,
il faut un suivi des prises
thérapeutiques supérieur à 90%. Une des causes les plus fréquentes de
mauvaise observance dans les pays du Sud est
la non disponibilité des ARV en raison de rupture d'approvisionnement.
D'autres causes sont soulignées par les malades : reprise de l'appétit sous ARV
entraînant des dépenses accrues pour se nourrir, manque d'information, coûts
annexes (incluant examens biologiques, transports, pertes de revenus), effets
secondaires, longs temps d'attente, stigmatisation et discrimination.
Optimiser
l'observance est l'élément clé du succès des programmes en cours dans les pays
du Sud, programmes dans lesquels l'on recommande un suivi biologique allégé,
ainsi que la prescription en première ligne de molécules antirétrovirales
efficaces, mais dont la barrière génétique est faible (efavirenz, nevirapine).
Les conséquences de la non-observance sont redoutables pour le devenir des
patients des pays du Sud, pour lesquels il y a peu de moyens d'évaluation et
d'alternatives thérapeutiques. L'amélioration de l'observance impose une prise
en charge pluridisciplinaire impliquant tous les acteurs de soins, mais aussi
les personnels du secteur social et les membres des associations type personnes
vivant avec le VIH (PVVIH).
Boisseau C.,
Degui H., Bruneton C., Rey J.L. Difficultés d'accès aux antirétroviraux sans
les pays d'Afrique francophone: état des lieux en 2004. Méd. Trop., 2006, 66,
589-592.
Mouala C., Roux
P., Okome M. et coll. Bilan de quelques études de l'observance aux ARV en
Afrique. Méd. Trop., 2006, 66, 610-614.
Eholié S.P.,
N'Dour C.T., Cissé M., Bissagnéne E., Girard P.P. L'observance aux traitements
antirétroviraux : particularités africaines. Médecine et Maladies infectieuses,
2006, 36, 443-448.
La lettre d’information du diplôme et de la capacité de médecine
tropicale des pays de l’océan indien. n°7 – mars 2007. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz.
aubry.pierre@wandoo.fr
Professeur Pierre Aubry -
Texte rédigé le 28 mars 2007.