La lettre d’information
n° 8 est consacrée à des sujets d’actualité ayant fait l'objet de conférence ou
de publications en 2006-2007.
Alors que l'ASAQ arrive sur le marché, on
parle du retour de la sensibilité à la chloroquine de Plasmodium falciparum.
La
chloroquine avait permis de contrôler le paludisme dès le début de la campagne
d'éradication du paludisme dans les années 1950. Mais, des résistances sont
survenues en partie dues à son usage en monothérapie à très grande échelle,
d'abord en Amérique latine et en Asie du Sud-est dès la fin des années 1950,
puis en Afrique au cours des années 1970-1980. La chloroquine avait été
efficace pendant 40 ans. L'association sulfadoxine-pyriméthamine qui lui a
succédé, n'a été efficace que 5 ans. Actuellement, l'artémisine (et ses
dérivés) est le médicament recommandé, toujours en association à un autre
antipaludéen de cible différente.
Les
études sur la résistance de P. falciparum
à la chloroquine laissaient présager que l'émergence de souches résistantes ne
serait par réversible. Or, une étude récente montre que le reversion complète
de la résistance à la chloroquine est possible et qu'elle s'accompagne d'un
retour de l'efficacité de la chloroquine dans le traitement des accès palustres
simples.
Cette
étude vient du Malawi, qui a été le premier pays a avoir abandonné l'usage de
la chloroquine en 1993 au profit de l'association sulfadoxine-pyriméthamine.
Cette étude randomisée porte sur 210
enfants, âgés de 6 mois à 12 ans, présentant un accès palustre simple à P.
falciparum, recevant soit de la chloroquine (10 mg /kg en une prise
orale à J0 et J1 et 5 mg/kg à J2), soit une prise unique de 1,25 mg/kg de
sulfadoxine et 25 mg/kg de pyriméthamine. Les résultats montrent une efficacité
cumulée du traitement par la chloroquine dans 99% des cas, contre 21% pour
l'association sulfadoxine-pyriméthamine.
Ces
bons résultats ne doivent pas faire réintroduire la chloroquine en monothérapie
dans le traitement des accès palustres simples, mais doivent faire
« recycler » la chloroquine dans une combinaison fixe avec
l'artésunate.
Le
premier mars 2007, la fondation DNDi en partenariat avec Sanofi-Aventis a lancé
un nouveau médicament antipaludique, l'ASAQ®, combinaison fixe associant
artésunate+amodiaquine. Le traitement complet avec l'ASAQ® coûte moins de 0,50
$ pour les enfants de moins de 6 ans et moins de 1 $ pour les enfants plus âgés
et les adultes. Le prix d'une association fixe artésunate-chloroquine ne
pourrait-il pas être moins élevé que l'association fixe artésunate-amodiaquine?
Laufer M.K.,
Thesing P.C., Edddington N.D. et al. Return of chloroquine antimalarial
efficacy in Malawi. N. Engl. J. Med. ,2006, 55, 1959-1966.
Kiechel J.R., Pécoul B. L'ASAQ, une
avancée dans la lutte contre le paludisme. Med. Trop.,
2007, 67, 109-110.
La
vaccination de l'enfant par le vaccin antipneumococcique conjugué dans les PED
Les infections respiratoires
aiguës entraînent 2 millions de morts chez les enfants, en grande majorité dans
les pays en développement. Le germe responsable est le plus souvent le
pneumocoque. Le vaccin antipneumococcique 7-valent peut faire baisser de manière
importante la morbidité et la mortalité infantile dans ces pays. L'OMS considère
l'introduction du vaccin antipneumococcique conjugué dans les programmes
nationaux de vaccination infantile comme prioritaire dans les pays où la
mortalité des enfants de moins de 5 ans est supérieure à 50/1000. De plus, la vaccination
antipneumococcique doit être prioritaire chez les enfants infectés par le VIH
et chez les enfants drépanocytaires.
Le vaccin 7-valent peut être
administré en même temps que le DTC et les vaccins contre l'hépatite B, Haemophilus
influenzae type
b et la poliomyélite, sous réserve de choisir un site d'injection différent.
Deux calendriers vaccinaux sont efficaces : une série d'injections à 6, 10 et
14 semaines et une série à 2, 4 et 6 mois, cette dernière devant être suivie
d'une dose de rappel entre 12 et 15 mois.
Le coût-efficacité de
la vaccination antipneumococcique a été évalué par l'équipe de Sinha chez les
enfants de 6 à 14 semaines dans 72 pays bénéficiant d'aides financières de la
part du GAVI. Dans les 72 pays étudiés et avec un taux de couverture vaccinale
similaire à celle du DTC, la vaccination antipneumococcique éviterait par an
262 000 décès parmi les enfants de 3 à 29 mois. Si tous les enfants étaient
vaccinés, le nombre de vies sauvées serait alors de 407 000 par an. Au prix de
5 dollars US la dose de vaccin, la vaccination serait « coût efficace »
dans 71 pays (99%) et « très coût-efficace » dans 68 pays (94%) selon
le produit intérieur brut par personne du pays considéré.
OMS.
Vaccin antipneumococcique conjugué pour la vaccination infantile-note
d'information de l'OMS. REH, 2007, 82, 93-104.
Sinha
A. et coll. Cost-effectiveness
of pneumococcal conjugate vaccination in the prevention of child mortality, an
international economic analysis. Lancet, 2007, 369, 389-396.
La
circoncision est utile dans la prévention contre le VIH
L'OMS et l'UNAIDS ont
insisté récemment sur la prévention de l'infection à VIH/SIDA par la circoncision.
Les résultats de deux essais conduits au Kenya et en Ouganda confirment ceux
d'une étude similaire et antérieure effectuée en Afrique du Sud. Ces trois
essais apportent la preuve que le risque de contracter le VIH est réduit de 50
à 60% par la circoncision. Les pays qui connaissent des taux élevés d'infection
à VIH/SIDA par transmission hétérosexuelle (plus de 15%) et une faible
prévalence de la circoncision (moins de 20%) disposent désormais d'une nouvelle
intervention capable de réduire le nombre d'infections par le VIH chez les
hommes. L'explication de ce phénomène tient à la plus grande vulnérabilité des
cellules du prépuce face au virus.
C'est en Afrique que
la circoncision pourrait le mieux contribuer à limiter la propagation de la
maladie. Elle permettrait de prévenir 2 millions d'infections par le VIH et 300
000 morts dus au sida dans les 10 prochaines années. Des études sont en cours
en Ouganda pour savoir si ce gain sera aussi observé chez les femmes de
partenaires circoncis et dont l'infection est faiblement réplicative.
La circoncision confère
une protection à titre collectif. Il reste encore 50 à 60% de risque, soit
presque un cas sur deux. La circoncision est donc utile, sous réserve qu'elle
n'encourage pas ou n'amplifie pas les comportements sexuels à risque et ne
dispense pas de l'utilisation du préservatif.
Bailey R.C., Moses S., Parker C.B. et
coll. Male circumcision for HIV prevention in young men in Kisumu, Kenya : a randomised
controlled traial. Lancet, 2007, 369, 643-656.
Gray
R.H., Kigazi G., Serwadda D. et coll. Male circumcision for HIV prevention in men in Rakal,
Uganda : a randomized trial. Lancet, 2007, 369, 657-665.
Gray R.H., Li X., Kogozy G. The impact of
male circumcision on HIV incidence and cost per infection prevented : a
stochastic sumulation model from Rakai, Uganda. AIDS, 2007, 21, 845-850.
La
peste a encore de l'avenir.
La Conférence
inter-régionale sur la prévention et le contrôle de la peste s'est tenue à
Antananarivo du 7 au 11 avril 2006. La peste, malgré l'amélioration des
conditions d'hygiène et l'emploi des antibiotiques n'appartient pas au passé.
Elle montre même une tendance à l'extension ou à la réapparition. De longues
périodes de silence peuvent faire croire que la peste est éteinte alors qu'elle
continue à circuler dans le réservoir animal. Ainsi, la peste a ré émerger dans
le port de Mahajanga à Madagascar après 63 ans de silence, et dans le
département d'Oran en Algérie 50 ans après le dernier cas.
Madagascar notifie
900 cas par an de peste et en Afrique, les pays les plus touchés sont la
République Démocratique du Congo (plus de 1 000 cas notifiés par an), le
Mozambique, l'Ouganda et la Tanzanie. Deux pays d'Asie rapportent des cas : le
Kazakhstan et le Turkménistan. En Amérique, des foyers persistent en Equateur,
au Pérou en Bolivie, au Brésil et toujours aux USA.
Le diagnostic de
certitude est basé sur la culture et la mise en évidence d'une séroconversion
(diagnostic rétrospectif). Les autres méthodes de diagnostic sont l'observation
microscopique d'un frottis après coloration, la détection de l'antigène F1 par
immunofluorescence ou par ELISA, la détection de l'anticorps anti-F1 par ELISA,
la PCR.
Quant au test de
diagnostic rapide, faisant appel à l'immuno chromatographie pour détecter
l'antigène F1 et qui permet un diagnostic sur le terrain, au lit du malade, il
est cité dans la définition standard d'un cas confirmé comme un examen
complémentaire à pratiquer devant un cas clinique suspect, «dans les régions
d'endémie lorsque aucun autre test de confirmation ne peu être pratiqué». Ce
qui est le cas dans les pays en développement.
Le traitement fait
appel aux antibiotiques accessibles en zone d'endémie : aminoglycosides
(streptomycine), tétracyclines et sulfonamides; qui sont aussi prescrits en
prophylaxie chez les sujets contacts de peste pulmonaire. De nouveaux vaccins
sont à l'étude.
OMS.
Réunion internationale sur la lutte contre la peste : cette calamité ancienne a
encore de l'avenir. REH, 2006, 81, 278- 284.
Cot
S., Bertherat E. La peste : le vieux fléau se porte bien. Conférence
inter-régionale sur la prévention et le contrôle de la peste. 7-11 avril 2006,
Anatananarivo, Madagascar. Med. Trop., 2007, 67, 117-118.
La lettre d’information du diplôme et de la capacité de
médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°8 – juin 2007. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500 Saint-Jean-de-Luz.
aubry.pierre@wandoo.fr
Professeur Pierre Aubry - Texte rédigé le 16 juin 2007.