La lettre d’information
n° 9 est consacrée aux XIIIème Actualités du Pharo qui
se sont tenues à Marseille du 6 au 8 septembre 2007 et dont le thème était la
Vaccinologie Tropicale.
En 1974, l'OMS
a lancé le Programme Elargi de Vaccination qui a été effectif en 1977.
La même année, le programme
international d'éradication de la variole (OIEV) a permis l'éradication de la variole., seule maladie
transmissible éradiquée à ce jour.
En 1988, le Global
Poliomyélitis Eradication Initiative (GPEI) a été lancé par l'Assemblée
Mondiale de la Santé avec pour objectif l'éradication de la poliomyélite
en 2005.
Quatre stratégies ont été mises en oeuvre pour réaliser cette
éradication : la vaccination systématique par le VPO, les activités de
vaccination supplémentaire (Journées Nationales de Vaccination), la
surveillance des virus sauvages par recensement et analyse virologique des cas
de paralysie flasque aiguë (réseau de laboratoires virologiques), les campagnes
ciblées de vaccination, appelées «opérations de ratissage».
Les résultats ont été spectaculaires jusqu’en 2003 : trois régions OMS
ont été certifiées exemptes de poliomyélite (Amérique en 1996, Pacifique
occidental en 2001, Europe en 2002), et alors qu'en 1988, il y avait plus de 350
000 cas par an, la maladie étant endémique dans 125 pays ; 15 ans plus
tard, en 2003, 682 cas avaient été déclarés, des virus sauvages ayant été
isolés dans seulement six pays : Inde, Pakistan, Afghanistan, Nigeria,
Niger, Egypte.
Mais, on a assisté en Afrique en 2003-2004 a une résurgence de la
poliomyélite à partir du réservoir d’endémie Nigeria-Niger. La suspension début
2004 des activités de vaccination au Nigeria, s’est traduite par une
importation de poliovirus sauvage vers 6 pays d’Afrique jusque là indemnes, et
notamment en Angola, au Soudan, puis dans la Corne de l’Afrique (Ethiopie,
Erythrée, Somalie) et hors d’Afrique au Yemen et en Indonésie. En 2006, 1997
cas ont été déclarés à l’OMS. La transmission du poliovirus sauvage n'a jamais
été interrompue dans 4 pays : Afghanistan, Inde, Nigeria et Pakistan.
Pour obtenir l’éradication de la poliomyélite, il faut atteindre 3
objectifs : la certification de l’éradication de la poliomyélite, le contrôle
des virus sauvages, l’arrêt de la vaccination. Quand cette éradication
sera-t-elle obtenue? Il est difficile de répondre. Deux événements récents font
douter d'une éradication prochaine :
- l’apparition de poliovirus dérivés du VPO : les Poliovirus
Circulants Dérivés de la souche Vaccinale ou PVDV. Les PVDV sont devenus
pathogènes et transmissibles par mutation ou recombinaison et ont été à
l’origine de flambées de poliomyélite dans 7 pays (Haïti, République
Dominicaine, Philippines, Madagascar, Chine, Indonésie, Cambodge). Les facteurs
de risque de l’émergence des PVDV sont les mêmes que pour la circulation des
poliovirus sauvages : faible couverture par le VPO, assainissement
médiocre, forte densité de population et conditions tropicales.
- le risque de bioterrorisme lié à l’emploi de virus polio, risque
potentiel, mais réel (introduction délibérée d’un poliovirus de type 2 dans des
lots de VPO en Inde, 2002-2003).
Les 3 objectifs sont en pratique «affectés» par l’existence des PVDV :
- la certification de l’éradication de la poliomyélite : il y a risque
de voir resurgir la poliomyélite à la faveur des PVDV après l’éradication des
virus sauvages, d’où la recommandation de l’OMS d’abandonner l’emploi du VPO le
plus rapidement possible après la certification globale de l’éradication en
raison des risques attachés aux PVDV,
- le contrôle des virus sauvages conservés est particulièrement
difficile : échantillons de virus conservés en laboratoire, échantillons
conservés clandestinement,
- l’arrêt de la vaccination Mais le VPI gardera sa place dans une stratégie
de contrôle face à la circulation des PVDV et à la libération accidentelle ou
volontaire de virus. « Il faut «abandonner le VPO sous la protection du
VPI». Ceci est possible dans les pays développés, difficile dans les PED qui,
compte tenu de son coût, ne pourront pas poursuivre la vaccination par le VPI.
De plus, si l’immunité muqueuse induite par le VPI est bonne en cas de
transmission par voie oro-pharyngée, elle est encore incertaine en cas de transmission par voie féco-orale
(PED).
En 1998, l’OMS a lancé un plan stratégique mondial contre la rougeole dont
le but était de voir baisser la mortalité au-dessous de 450 000 cas/an et pour
cela de faire passer la couverture vaccinale à 80% en 2005. Ce but est presque
atteint.
Les résultats des programmes
visant à éliminer la rougeole de la Région Amérique et Caraïbes sont
probants : la couverture vaccinale est de 92%, le nombre de décès
inférieur à 1 000. La Région qui a enregistré la plus forte baisse est
l’Afrique (50%), alors que l’Asie du sud n’a enregistré qu’une baisse de 23%.
L’explication vient de l’absence d’activités de vaccination supplémentaire
(VAS) en Asie, alors qu’elles ont commencé en Afrique dès 1996. En décembre
2005, 87% de la population âgée de moins de 15 ans avait fait l'objet en Afrique
d'AVS. Mais, deux pays : le Nigeria et la République Démocratique du Congo sont
en retard.
En 2006, l'OMS projette d'atteindre une couverture vaccinale mondiale
dépassant les 90% et plus précisément d'obtenir en 2010 une diminution de la
mortalité de 90% par rapport à son niveau de 2000. Pour cela, les stratégies
suivantes ont été adoptées : renforcement des performances de la vaccination de
routine (PEV), prévision d'un second créneau pour la vaccination anti-rougeoleuse,
surveillance épidémiologique des cas de rougeole avec confirmation par le
laboratoire, meilleure prise en charge des cas. En 2005, la mortalité annuelle
de la rougeole en Afrique ne représente plus que 75% de ce qu'elle était en
1999, soit 150 000 enfants décédés dans l'année. C'est, bien sûr, encore
beaucoup trop.
Alors qu'on dispose depuis un demi-siècle d'un vaccin efficace, bien
toléré et d'un coût abordable, l'OMS a calculé qu'entre 2006 et 2050, de
grandes épidémies de Fièvre jaune tueront
1,5 à 2, 7 millions d'humains : l'OMS parle de maladie réémergente. En
conséquence, l'initiative OMS et UNICEF 2005 prévoit d'immuniser 48 millions de
personnes dans 12 pays à très haut risque de fièvre jaune d'ici 2010. La
population des 12 pays retenus est de 283 millions. Le développement d'une
«barrière immunitaire» capable de réduire le risque épidémique dans les années
à venir repose sur la réalisation de campagnes de vaccination systématique des
populations exposées par le vaccin à virus vivant (vaccin 17 D ou souches
vaccinales dérivées, 17 DD atténué).
La dengue, l'infection à virus Chikungunya,
la fièvre de la Vallée du Rift sont des arbovirose émergentes, pour lesquelles il n'y a pas encore de
vaccins utilisables en santé publique.
Le problème de la vaccination contre la Méningite cérébro-spinale
à méningocoques est particulier. Il ne
s'agit pas pour l'OMS de vaccination préventive, puisque l'OMS recommande pour
lutter contre les flambées épidémiques de MCSm de procéder à une
« vaccination de circonstance ». La vaccination de circonstance est
déclenchée sous la menace épidémiologique détectée en utilisant deux seuils
épidémiologiques (OMS, 2000) :
- le
seuil d’alerte : il permet de donner l’alarme et de lancer une enquête au
début d’épidémie ; de vérifier l’état de préparation pour faire face à une
épidémie ; de déclencher une campagne de vaccination en cas d’épidémie
dans une zone proche et de déterminer les zones prioritaires au cours
d’une campagne de vaccination au cours d’une épidémie ;
- le
seuil épidémique : il permet de confirmer l’émergence d’une épidémie afin
de renforcer les mesures de contrôle : vaccination de masse et prise en
charge thérapeutique adaptée.
La vaccination de circonstance n’est donc pas une arme prophylactique,
mais un recours en cas d’épidémie avérée.
Les
activités de surveillance sont actuellement renforcées dans 12 pays
africains : Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Ghana,
Mali, Niger, Nigeria, RCA, Tchad et Togo.
La
vaccination est programmée avec le vaccin polyosidique non conjugué bivalent AC
ou trivalent ACW135 en fonction du sérogroupe à l’origine de l’épidémie. Le
vaccin ACW135 ne doit être utilisé que dans le cas d’épidémie à W135. Ces
vaccins confèrent une protection uniquement à partir de l'âge de 2 ans.
La vaccination contre la Peste pose aussi un problème dans la
mesure où cette vaccination a existé et a permis de contrôler la maladie grâce
au vaccin EV 76 de Girard et Robic. Son utilisation a été interrompue en 1959. Depuis,
il n'existe qu'un seul vaccin dont la commercialisation n'est assurée qu'en
Australie.
Plusieurs
maladies font toujours l'objet de recherches vaccinales et an particulier les
maladies parasitaires, au premier rang desquelles le paludisme. Les recherche sur les vaccins contre le paludisme ont débuté en 1967.
Quant aux recherche sur le vaccin contre l'infection
à VIH/SIDA datent de 1987, leurs mises au point
« piétinent » toujours et l'on peut se demander s'il sera possible
d'y parvenir dans un avenir raisonnable.
Référence:
Ensemble d'auteurs. Vaccinologie tropicale. Méd.Trop., 2007, 67, 319-356.
La lettre d’information du diplôme et de la capacité de
médecine tropicale des pays de l’océan indien. N°9 – septembre 2007. Pr. Pierre Aubry, 11 rue Pierre Loti, 64 500
Saint-Jean-de-Luz. aubry.pierre@wandoo.fr
Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 18/09/2007.