Loase. Cas clinique.

 

Observation :

 

Un français de 34 ans, forestier au Gabon depuis 3 ans, consulte pour au Centre hospitalier de Franceville, pour une tuméfaction prurigineuse du dos de la main gauche apparue depuis 24 heures.

Il a présenté 2 épisodes identiques, mais de topographie différente (avant-bras droit, dos de la main droite) survenus il y a 3 et 7 mois auparavant, et qui avaient été spontanément résolutifs respectivement en 24 et 48 heures. L’examen clinique montre un œdème de la face dorsale de la main gauche, avec un aspect érythémateux de la peau en regard . La mobilité de l’articulation du poignet et des articulations métacarpo-phalangiennes est conservée. Il n’existe pas, au niveau de la main, de porte d’entrée évidente d’une infection et il n’y a ni lymphangite, ni adénopathie axillaire homolatérale.

La numération formule sanguine montre une éosinophilie sanguine à 4 200 élements/mm3 .

Quel est votre diagnostic ?

Quels examens complémentaires sont nécessaires pour confirmer ce diagnostic ?

Quel traitement allez-vous prescrire ?

Y a-t-il une prophylaxie pour éviter cette affection ?

 

Discussion :

 

Les conditions de travail de ce transplanté (forestier), les caractères de l’œdème, prurigineux, récidivant, fugace, de topographie variable, doivent faire envisager le diagnostic d’oedèmes de Calabar (du nom d’une localité du Nigeria), signe le plus typique de la Loase ou filariose à Loa-loa.

De plus, la NFS met en évidence une hyperéosinophilie sanguine dont l’origine parasitaire est probable en Afrique sub-saharienne.

La recherche de microfilaires est faite par l’examen microscopique direct d’une goutte de sang entre lame et lamelle qui montre la présence de parasites vivants, mobiles, extra-érythrocytaires, de 300 µ/ 8 µ, dont les caractères morphologiques permettent d’affirmer la filariose à Loa-loa

La Loase est une filariose exclusivement africaine, rencontrée dans les régions forestières d’Afrique centrale (Gabon, République populaire du Congo, République démocratique du Congo, Cameroun, Nigeria, République centrafricaine).

Elle est due à la filaire Loa-loa strictement humaine. La filaire adulte (FA) vit dans le tissu sous-cutané, émet des microfilaires (mf) à périodicité diurne. La maladie est transmise par la piqûre d’un tabanidé, le chrysops ou mouche rouge, qui pique le jour. Il abonde dans les forêts chaudes et humides, prés des marigots.

La Loase est cause de prurit, d’éruptions cutanées de type urticariennes, d’oedèmes de Calabar et lors de la migration des FA, de reptation du ver sous la peau, qui se traduit par un cordon serpigineux, palpable, mobile, se déplaçant d’environ un centimètre par minute, et de migration sous-conjonctivale responsable de photophobie et de larmoiement.

En zone d’endémie, la majorité des porteurs sont asymptomatiques. En pratique, la complication à éviter est « l’encéphalite loasique », caractérisée par un coma fébrile, survenant moins de 5 jours après la prise d’un traitement microfilaricide, une parasitémie  supérieure à 30 000 microfilaires/ml et la présence de microfilaires dans le liquide céphalo-rachidien. 
Le diagnostic est parasitologique par la mise en évidence des FA lors de leur migration sous la peau ou sous la conjonctive, ou la mise en évidence des mf dans le sang  pendant les heures chaudes de la journée. Il est essentiel de faire une numération des mf car elle va conditionner le traitement. La sérologie par immunofluoresence indirecte (seuil 1/40) est contributive pour le diagnostic, si la microfilarémie est négative.
Le traitement repose sur  deux médicaments microfilaricides : l’ivermectine et la diéthylcarbamazine (DEC). L’ivermectine (MECTIZAN, STROMECTOL) est prescrite à la dose de 200 µg/kg en prise unique. Elle a remplacé en première intention la DEC (NOTEZINE) qui est à l’origine de réactions anaphylactiques sévères, voir d’encéphalite loasique mortelle. En effet, le traitement de la Loase est potentiellement dangereux, compte-tenu de la lyse microfilarienne brutale en début de traitement. C’est pourquoi, le traitement par la NOTEZINE (comprimés à 100 mg) commençait par ¼ de comprimé , dose doublée chaque jour pour atteindre la posologie de 400 mg/j.

Le traitement de la Loase par l’ivermectine n’est pas sans risque. Ainsi, chez des patients traités pour Onchocercose, ayant une co-infection Onchocercose- Loase , il a été observé des effets indésirables sévères si la microfilarémie etait supérieure à 8 000 mf/ml, et des encéphalopathies, si la microfilarémie était supérieure à 30 000 mf/ml.

Le traitement de l’Onchocercose doit donc toujours être précédé d’une numération des microfilaires.

Le schéma thérapeutique actuel est l’ivermectine seule. Des schémas associant ivermectine et DEC ont été proposes, en commençant toujours par l’ivermectine qui entraîne une réduction significative de la microfilarémie, puis la DEC à la dose de 8mg/kg pendant 21 jours. Ce traitement est fait en milieu hospitalier, associé à des antihistaminiques et des corticoïdes pendant la première semaine.

La prophylaxie repose sur la protection mécanique et chimique (répulsifs) contre les piqûres de chrysops. Elle est difficile en zone forestière. Quant à la prophylaxie médicamenteuse, elle est discutée : la NOTEZINE à la dose de 100 mg en prise hebdomadaire, peut être conseillée chez les expatriés exposés.

 

 

 

 

Références :

Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie edit., mars 1990,

pp. 55- 56.

Darie H., Le Guyadec T. Image de Loase. Med. Trop., 1997, 57, 120..

 

 

 

Iconographie :

Malade : oedème de Calabar du dos de la main gauche.