Myosite tropicale. Cas clinique.

 

 

Observation :

 

Un jeune camerounais de 9 ans consulte à l’hôpital Laquintinie à Douala pour des douleurs à la fosse iliaque gauche et une fièvre supérieure à 39°C en plateau. Le début des troubles remonte à 6 jours.

A l’entrée, la température est à 39,6°C, l’état général altéré, la langue saburrale, la soif vive, les urines rares. La tension artérielle est à 85/60 mmHg, le pouls rapide. Il existe une attitude en flexion de la cuisse sur le bassin avec légère abduction et rotation externe, cette flexion est irréductible et toute tentative d’extension exacerbe la douleur au niveau de l’aine. Localement, en regard du pli inguinal gauche, l’examen, gêné par l’attitude vicieuse, ne retrouve pas d’anomalie et note l’absence d’adénopathies. Il existe au niveau de la cheville gauche une plaie surinfectée. Le reste de l’examen est normal.

L’interrogatoire apprend que cette symptomatologie a été précédée d’une diarrhée liquide non sanglante qui a régressé sous traitement symptomatique.

Les examens para-cliniques pratiqués en urgence montrent une hyperleucocytose à 16 400 globules blancs/mm3 avec 76% de polynucléaires neutrophiles et 8% d’éosinophiles, une accélération de la vitesse de sédimentation des hématies à 84 mm à la 1ére heure, une protéinurie à 0,40 g/l sans hématurie, une créatininèmie à 120  µmol/l. Le test d’Emmel est négatif. La radiographie du bassin ne montre pas de lésion au niveau de la hanche gauche. Il y a une grisaille diffuse de la fosse iliaque gauche à la radiographie de l’abdomen sans préparation. La radiographie thoracique est normale.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quels examens complémentaires sont utiles au diagnostic ?

Quels traitements proposez-vous ?

 

Discussion :

 

Chez cet enfant, le tableau clinique dominé par une flexion irréductible de la cuisse sur le bassin est celui d’un psoïtis qui doit faire d’emblée évoquer une myosite du psoas iliaque, d’autant que la fièvre et l’hyperleucocytose  orientent vers une suppuration profonde.

Cette myosite du psoas entre dans le cadre de la myosite tropicale (MT), infection bactérienne due le plus souvent à Staphylococcus aureus (80 à 100% des cas). La MT touche un ou plusieurs muscles squelettiques, et évolue spontanément vers l’abcèdation.

La MT est une maladie endémique dans les régions tropicales d’Afrique noire, d’Amérique latine, d’Asie et dans les Iles du Pacifique. Les cas rapportés en milieu non tropical sont cependant de plus en plus fréquents et sont souvent associés à l’infection VIH/SIDA (le terme tropical devrait donc être abandonné)..

Les muscles les plus souvent touchés sont ceux des cuisses, des mollets, des fesses. La fièvre est constante, l’impotence fonctionnelle franche, les muscles sont d’un dureté ligneuse avant que se constituent les abcès fluctuants caractéristiques.

Parmi les examens complémentaires utiles au diagnostic, on retiendra les hémocultures, la ponction à l’aiguille au stade suppuratif, faite si possible sous échographie. L’échographie est devenue le « maître-examen » permettant un diagnostic précoce. Elle montre une hypoéchogénicité plus ou moins franche selon le stade évolutif.
Les complications représentent 10% des cas:  septis sévère, complications cardio-vasculaires, rénales ou pleuro-pulmonaires.

Le traitement associe une antibiothérapie par pénicilline M et un drainage chirurgical ou par ponctions des zones abcédées. Si aucun germe est isolé, on associe le métronidazole (FLAGYL), d’autant qu’on suspecte une infection à anaérobies.

Dans le cas présenté, l a présence d’une porte d’entrée cutanée a permis d’isoler un staphylocoque doré. Les hémocultures sont restées stériles. Il n’a pas été pratique de ponction à l’aiguille, d’autant qu’il n’y avait pas de fluctuation et que l’échographie n’était pas disponible à cette période.

Le traitement a consiste en une antibiothérapie par oxacilline (BRISTOPEN 500), 50 mg/kg/j pendant 15 jours. L’apyrexie a été obtenue au 4éme jour, le psoïtis  a régressé en 8 jours et l’insuffisance rénale fonctionnelle a rétrocédé dès le début de la réhydratation.

En pratique, le pronostic de la MT est bon, y compris chez le sujet VIH positif, si comme dans le cas, il n’a pas de retard au diagnostic.

Les examens de selles faits à l’entrée sont revenus négatifs (parasitologie, bactériologie). Rappelons que l’hyperéosinophilie sanguine est classique dans la MT souvent supérieure à 1 500 el/mm3. L’IDR à la tuberculine était négative à la 72 ème heure, un abcès tuberculeux du psoas étant récusé compte-tenu de l’évolution favorable sus traitement antibiotique non spécifique.

 

 

 

Références :

 

Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit., mars 1990 , pp. 145-146.

Saissy J.M., Ducourau J.P., Tchoua R., Diatta B. Les myosites tropicales. Med. Trop., 1998, 58, 297-306.