Onchocercose. Cas clinique.

 

Observation :

 

Une jeune femme de 26 ans, cultivatrice à Nyanza-lac, village du Burundi frontière avec la Tanzanie, au bord du lac Tanganyika, consulte au CHU de Kamenge à Bujumbura, pour un prurit et des tuméfactions sous-cutanées au niveau de la ceinture pelvienne.

L’examen de cette patiente , en bon été général, montre quelques lésions de grattage et deux tuméfactions de la taille d’une mandarine roulant sous le doigt, durs, indolores, n’adhérant pas à la peau ni au plan profond, situées en regard des crêtes iliaques.

A l’interrogatoire orienté, on note l’apparition récente d’une baisse de l’acuité visuelle plus marquée le soir.

L’examen ophtamologique à la lampe à fente montre une kératite ponctuée sous épithéliale. L’examen du fond d’œil à l’ophtamoscope est normal.

La numération formule sanguine dépiste une hyperéosinophilie sanguine à 1 150 el/mm3.

 

Quel(s) diagnostic(s) évoquez-vous ?

Quel(s) examen(s) paraclinique(s) sont nécessaires pour confirmer le diagnostic retenu ?

Quel est le traitement de cette affection ?

Quelle en est la prophylaxie ?

 

 

Discussion :

 

Cette malade présente un prurit, des nodules sous-cutanés et des lésions oculaires au niveau de la chambre antérieure de l’œil.

Le diagnostic de nodules ou kystes onchocerquiens associés à une kératite débutante, est évoqué, d’autant que des cas d’onchocercose ont été rapportés dans son village.
Le diagnostic est affirmé par deux biopsies cutanées exsangues (BCE) faites au niveau de crêtes iliaques, à distance des nodules, qui montrent de très nombreuses microfilaires (mf). L’onchocercose est une filariose dermique due à une filaire spécifiquement humaine, Onchocerca volvulus.. Celle-ci sévit à l’état endémique dans de nombreux pays d’Afrique, en particulier d’Afrique centrale et d’Amérique latine. Elle est transmise à l’homme par la piqûre d’une simulie, qui inocule lors d’un repas sanguin la microfilaire qui rejoindra le derme et y restera à l’âge adulte . La filaire adulte (FA) est soit libre dans le derme, soit emprisonnée dans un nodule fibreux appelé « onchocercome ».


Bien que le plus souvent latente et alors de découverte fortuite, l’onchocercose peut se manifester cliniquement par deux types de lésions :

- cutanées : nodules onchocerquiens, onchodermite (prurigo, lichénification, gale filarienne),  dépigmentation connue sous le nom de « peau de léopard »,

- oculaires, intéressant le segment antérieur  (cornée, iris) et postérieur (chorio-rétine et nerf optique) de l’œil. Les lésions chorio-rétiniennes et l’atrophie du nerf optique conduisent à la cécité (« la cécité des rivières »).  

C’est l’augmentation progressive, du fait des infections répétées de la charge filarienne, qui entraîne l’apparition des complications.

Le traitement de l’onchocercose est basé sur l’ivermectine (MECTIZAN 3 mg) à la dose de 200 µg /kg ,en une seule administration orale, que l’on renouvelle tous les 6 à 12 mois.  C’est ce traitement qui a été prescrit chez notre malade qui a subi une ablation des deux kystes onchocerquiens, ce qui diminue la charge en FA. Leur examen anatomo-pathologique a montré au sein de plusieurs petits nodules fibrohyalins de multiples structures parasitaires d’environ 100 à 200 µ, avec dans certaines un utérus contenant de multiples larves. En périphérie, il existait une réaction inflammatoire de type granulome giganto-cellulaire et une fibrose au début. 

La surveillance a été clinique : disparition du prurit, après une brève exacerbation due au traitement, et amélioration de l’acuité visuelle. L’éosinophilie sanguine a augmenté après le traitement, puis s’est stabilisée au-dessous de 600 él/mm 3.

La prophylaxie de l’onchocercose repose sur l’ivermectine, 200 µg  en prise unique annuelle. C’est un traitement de masse. Il n’y a pas de co-infection Onchocercose- Loase dans la zone géographique où réside notre patiente, donc pas de risque de réactions anaphylactiques.

 

L’onchocercose est encore un véritable problème de santé publique en Afrique noire. Elle est cause de 300 000 aveugles. Son importance a été reconnue dès 1950. L’OMS a lancé deux programmes de lutte:

-         le Programme de lutte contre l’Onchocercose en Afrique de l’ouest (OCP) qui a débuté dés 1974 et se termine en 2002,

-         le Programme Africain de lutte contre l’Onchocercose (APOC) qui intéresse l’Afrique de l’ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’est : il a débuté en 1995 et doit se terminer en 2007.

Jusque dans les années 1980, la seule méthode de lutte contre l’onchocercose était l’éradication des populations de simulies. Une nouvelle étape a été franchie à partir de1980 par la découverte de l’ivermectine, médicament microfilaricide efficace en prise orale unique et fourni gratuitement dès 1987 par les laboratoires Merck & Co. Le bilan de l’OCP est très positif : 1 500 000 sujets infectés guéris,.25 000 000 hectares de terres « récupérées » pouvant nourrir 17 000 000 de personnes . Le coût est de 437 000 000 de dollars US, soit 0,45 dollar US par personne et par an.

Le Burundi na faisait pas partie du projet OCP. Le nombre de sujets infectés était en 1995 d’environ 150 000, mais l’Onchocercose n’était pas considérée comme un problème de santé publique.

 

 

 

 

Références :

- Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie edit., mars 1990,

      pp. 59-60.

- Boussinecq M. L’onchocercose humaine en Afrique. Med. Trop., 1997, 57, 389-400.

 

 

 

 

Iconographie :

- Malade : nodules onchocerquiens au niveau des crêtes iliaques.