Porocéphalose. Cas clinique

 

Observation :

 

Un homme de 72 ans, villageois vivant en zone forestière , est hospitalisé au Centre hospitalier de Franceville (Gabon) pour y être opéré d’une hernie inguinale droite non compliquée, mais gênante par son volume. L’examen clinique est normal chez cet homme âgé mais toujours alerte, et poursuivant ses activités de chasse.

Le bilan biologique pré-opératoire est normal. Par contre, les radiographies thoracique et de l’abdomen sans préparation montrent de multiples opacités de tonalité calcique, arciformes ou  « en anneaux de clé ouverts », de 1cm de diamètre en moyenne, se projetant sur l’aire thoracique et abdomino-pelvienne, notamment en position hépatique.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quelles sont les modes de contamination de cette affection ?

Quel est le cycle évolutif de cette affection ?

Quel traitement peut-on proposer à ce sujet, au demeurant bien portant ?

 

Discussion :

Le diagnostic est celui d’images radiologiques, sans symptomatologie clinique. Ces images peuvent faire discuter une cysticercose, d’autant que des observations récentes de cysticercose au Togo, au Bénin, au Rwanda, au Burundi prouvent que cette maladie est bien présente en Afrique sub-saharienne. Cependant, d’une part l’aspect des calcifications est différent « en grains d’avoine », d’autre part, les calcifications sont plus diffuses.

Une trichinose est d’emblée éliminée, vu d’une part l’absence de tout antécédent évocateur, d’autre part de la localisation des larves de Trichinella spiralis au niveau des muscles striés.

En pratique, l’existence de calcifications multiples de répartition thoraco-abdominale, à prédominance hépatique, doit évoquer en Afrique centrale une porocéphalose.

La porocéphalose, qui entre dans le cadre des pentastomoses, représente l’infection accidentelle de l’homme par la larve d’un invertébré vermiforme, parasite des voies aériennes des serpents, en particulier des pythons (Afrique, Asie) et des vipères Bitis (Afriquecentrale). Les œufs, éliminés dans le milieu extérieur par voie aérienne ou fécale sont ingérés par un hôte intermédiaire, petit mammifère , en particulier les rongeurs. Les œufs embryonnès libèrent des larves qui franchissent la paroi intestinale, gagnent différents organes où elles deviennent des nymphes enkystées . Les rongeurs sont dévorés par les serpents, les nymphes vont se desenkyster , gagner activement les voies respiratoires des serpents et devenir adultes. L’homme prend accidentellement la place des rongeurs : il s’infecte en buvant de l’eau ou en mangeant des végétaux souillés par la salive ou les déjections des serpents ou en consommant la chair des serpents parasités. En Afrique noire, le dépeçage des serpents est probablement aussi en cause. Les nymphes vont se localiser au niveau du péritoine, du mésentère, sous la capsule de Glisson , de la plèvre, plus rarement du péricarde. Un certain nombre vont se calcifier et sont alors visibles sur les radiographies sans préparation ou en échographie, qui localise précisément les nymphes. .

Un des modes de contamination est retrouvé à l’interrogatoire de notre patient : c’est un mangeur de viande de serpent depuis son adolescence.

La porocéphalose est le plus souvent asymptomatique.  Elle peut entraîner des signes de compression (dus à des larves non calcifiées), en particulier au niveau abdominal : douleurs abdominales diffuses, troubles du transit, syndrome sub-occlusif qui conduit à l’intervention chirurgicale.

La laparotomie met  en évidence des structures nodulaires kystiques de 1 à 2 cm de diamètre, blanchâtres. L’examen direct et la dissection de ces structures montrent qu’il s’agit de nymphes encapsulées d’ Armillifer armillatus ou porocéphale. La preuve parasitologique a été apportée dans l’observation rapportée lors de l’intervention pour hernie inguinale, motif de l’hospitalisation. Le chirurgien a mis en évidence au niveau du péritoine des nymphes de porocéphale. Ce sont des larves blanchâtres, de quelques dizaines de mm de long, annelées, entourées d’une membrane anhiste et d’une coque kystique.

La porocéphalose humaine entre dans le cadre des Larva MigransViscérales (LMV), les larves étant en impasse parasitaire.

Il n’ a aucun traitement anti-parasitaire actif. Le seul traitement est chirurgical : il consiste à extraire les nymphes une à une, en cas de signes de compression.

 

 

Références :

- Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie edit., mars 1990,

pp. 94-95.

- Touze J.E., Peyron F., Malvy D. Médecine tropicale au quotidien. 100 cas cliniques. Format utile. Editions Varia, mars 2001, pp.149-151.

 

 

Iconographie :

-  Malade :  radiographie de l’abdomen sans préparation : opacités en anneaux..