Un séjour de jeunes sportifs
français au Sénégal
Une équipe de 14
footballeurs amateurs de la région bordelaise, âgés en moyenne de 19 ans, doit
se rendre pendant 3 semaines au Sénégal, dans le cadre de matchs amicaux avec
des équipes locales, d’abord à Dakar et à Rufisque, puis au sud à Kaolack,
ensuite au nord à Thiès et à Saint Louis du Sénégal. Ils disputeront un match
tous les 4 jours.
Leur séjour est prévu en
juillet 2006.
Les joueurs seront
accompagnés par leur entraîneur et par un kinésithérapeute, âgés respectivement
de 35 et de 26 ans, le kinésithérapeute étant joueur remplaçant.
Le président de leur Club
doit les accompagner à l’aller, mais son retour en France est prévu, pour des
raisons professionnelles, après 4 jours sur place.
L’hébergement des joueurs
est prévu dans les familles des joueurs sénégalais. Le président, qui se
déplacera seulement à Rufisque,
rentrera à Dakar le soir et logera dans un hôtel climatisé, les accompagnateurs dans un hôtel climatisé
ou non selon le lieu de passage.
Les joueurs et leurs deux
accompagnateurs sont en bon état physique et mental. Il n’y a pas parmi eux
d’allergique connu. Ils sont régulièrement examinés dans le cadre de leur
activité sportive (examen clinique, électrocardiogramme). Ils sont à jour de leurs
vaccinations du calendrier vaccinal français.
Le président du club, âgé
de 55 ans, est par contre malade. Il est obèse (92 k pour 1 m 73), hypertendu,
diabétique (diabète de type 2), hypercholestérolémique. Il prend tous les jours
un béta-bloquant, un antidiabétique oral et un anticholestérolémiant. Il ne
fait pas de régime alimentaire. Il ne fait pas de sport.
1- Quels sont les conseils
que vous allez donner à ce groupe qui se rend au Sénégal, compte tenu de la
biogéographie du Sénégal et des principales maladies transmissibles ou non qui
y sévissent ?
2- Quel conseil particulier
donner à ces jeunes sportifs qui se trouvent au Sénégal en saison
chaude et humide ?
3- Quelles vaccinations
allez-vous recommander ?
4- Quelles sont les
antipaludiques recommandés en chimioprophylaxie du paludisme au Sénégal ?
5- Quels médicaments
doivent-ils emporter ?
6- Quel(s) examen(s)
allez-vous demander au retour en France pour les participants de ce séjour
sous les tropiques ?
Discussion
1- Le Sénégal a un
climat tropical. La saison des pluies
dure de juillet à octobre. Le groupe va donc se trouver au Sénégal en pleine
saison chaude et humide avec un taux d’hydrométrie très élevé. La température
moyenne à Dakar en juillet est de 27,3°C.
Les risques sont
classiquement représentés par :
- les maladies du péril
fécal : la diarrhée est le problème de santé qui affecte le plus
fréquemment les voyageurs, son taux d’attaque dépassant les 50%. Il s’agit
généralement d’un épisode diarrhéique aigu bénin spontanément résolutif en 1 à
3 jours, mais qui est particulièrement inconfortable. Il est secondaire à une
contamination d’origine alimentaire ou hydrique réalisant la turista. Il s’agit
rarement d’une diarrhée infectieuse comme le choléra, la fièvre typhoïde
ou d’une hépatite à virus A ou de
parasitoses digestives.
- les maladies à
transmission vectorielle : en premier lieu le paludisme qui existe toute
l’année avec une recrudescence des piqûres d’Anophèles en saison chaude, mais aussi des arboviroses, en
particulier de la fièvre jaune transmise par des Aedes, de la leishmaniose cutanée transmise par des Phlébotomes, de la fièvre récurrente
dakaroise transmise par des tiques.
- les maladies à
transmission sexuelle, mais aussi transmise par les injections, en particulier
l’hépatite à virus B et l’infection à VIH/SIDA. Les IST représentent le risque
lié au rencontre d’un soir. Elles sont transmises par des personnes apparemment
saines et qui peuvent transmettre la maladie sans le savoir.
- les maladies à
transmission cutanée : schistosomiases, anguillulose, ankylostomasie,
- les maladies à
transmission respiratoire : tuberculose, méningite cérébro-spinale à
méningocoques en saison sèche
Il ne faut cependant pas se
limiter aux risques dus aux maladies transmissibles et minimiser les risques dus aux accidents de
la circulation au cours des déplacements vers les villes de la côte ou de
l’intérieur.
Il faut donc conseiller à
ces jeunes sportifs et à leurs accompagnateurs de se prémunir :
-
contre les maladies du
péril fécal par une bonne hygiène alimentaire (eaux de boissons, aliments),
-
contre les piqûres
d’arthropodes vecteurs par le port de vêtements à manches longues de couleur
claire le soir, de lotions antimoustiques sur les parties découvertes dans la
journée et les moustiquaires imprégnées d’insecticides la nuit, en rappelant
que les Anophèles piquent la nuit et
les Aedes le jour,
-
par l’interdiction des
baignades en eaux douces et de la marche pieds nus sur les sols humides,
-
par l’abstinence ou le
port de préservatif contre les infections sexuellement transmissibles.
Les derniers cas de choléra
au Sénégal datent de décembre 2005 et la dernière épidémie de fièvre jaune de
2002.
2- Il faut éviter chez ces
sujets sportifs les accidents dus à la chaleur. Les jeunes sportifs vont effectuer
deux fois par semaine un effort dans une ambiance chaude et humide. Ils
arrivent directement d’Europe. Un défaut d’apport hydrique conduit au coup de
chaleur. Il faut leur expliquer avant le départ les signes qui doivent les
alerter : troubles du comportement, crampes, céphalées, soif intense. Ces
signes doivent amener la prise immédiate de la température et une réaction
thérapeutique rapide et intense. La réfrigération, la correction de la
déshydratation et de l’état de choc doivent débuter immédiatement. Le
kinésithérapeute devra être informé de la possible survenue d’un coup de
chaleur au cours d’un match.
3- Les vaccinations
recommandées chez ces adultes ayant leur calendrier vaccinal français à jour sont :
-
la vaccination contre la
fièvre jaune, obligatoire, à faire au minimum 10 jours avant le départ, valable
10 ans,
-
la vaccination contre
l’hépatite à virus A chez tous les sujets de moins de 50 ans,
-
la vaccination contre
l’hépatite à virus B chez des sujets jeunes, sexuellement actifs et non encore
vaccinés,
La vaccination contre la
fièvre typhoïde est à discuter, le séjour étant limité à 3 semaines, ainsi que
la vaccination contre la méningite cérébro-spinale à méningocoques, le risque
d’épidémie étant faible en saison humide.
La vaccination contre le
choléra doit être pratiquée, même si les précautions élémentaires d’hygiène
sont prises, compte-tenu de l’épidémie récente de choléra au Sénégal. Elle sera pratiquée avec le vaccin buvable
DUKORAL®r recommandé par l’OMS dans les zones d’endémie.
Enfin, la vaccination
contre la rage ne sera pas recommandée, mais il faudra se méfier des chiens
errants, si les jeunes se promènent dans les quartiers le soir.
4 Le chimioprophylaxie
anti-paludique au Sénégal, pays du groupe 3, repose sur la méfloquine (LARIAM®),
l’atovaquoine+proguanil (MALARONE®) ou la doxyxycline (DOXY-PALU®). Le choix se
fera sur La MALARONE® compte-tenu de son activité schizonticide dans les formes
tissulaires de Plasmodium falciparum
en développement transitoire dans le foie, permettant une prise au retour en
France limitée à 7 jours.
La MALARONE® sera prescrite
à la dose de 1 comprimé chaque jour pendant le séjour et 1 comprimé par jour
pendant 7 jours après le retour. Il sera rappelé qu’aucune prophylaxie
antipalustre n’est fiable à 100% et qu’il est utile d’emmener des médicaments
pour un traitement présomptif du paludisme (Quinine, LARIAM® ou MALARONE®) qui
seront confiés au kinésithérapeute, seul personnel de santé du groupe
5- Les médicaments à
emporter constituent la trousse médicale : elle doit permettre le
traitement et la prévention des affections courantes.
Le président du club doit
emporter les médicaments qu’il prend chaque jour en quantité suffisante, son
avion pouvant avoir du retard, voir être annulé.
La trousse médicale devra
comporter, outre des médicaments, des objets de soins et de
pansements :
- médicaments :
antalgiques, antipyrétiques (paracétamol), antidiarrhéiques (racécadotril),
antispasmodique, antihistaminique, antibiotiques (conseiller une fluoroquinolone
et l’association amoxicilline-acide clavulanique), anti-inflammatoire non
stéroïdien, collyre antiseptique, pommade antifongique
- objets de soins et de
pansements : seringues à usage unique (ne pas oublier un certificat
médical justifiant le port de seringues), petits pansements, sparadrap,
désinfectants à usage externe, répulsifs, crèmes solaires, préservatifs,
désinfectants de l’eau de boisson,
6- Au retour, un examen
clinique systématique n’est pas indispensable chez les jeunes sportifs et leurs
accompagnateurs. Il leur sera recommandé :
-
de ne pas oublier de
poursuivre la chimioprophylaxie antipalustre par la MALARONE®) pendant 7 jours,
-
de consulter
immédiatement en cas de fièvre, de prurit, de diarrhée ou de dysenterie, ou de
toute autre manifestation survenant au retour et qui peuvent se manifester
plusieurs mois (jusqu’à un an) après le retour. Un bilan biologique sera alors
pratiqué selon la symptomatologie clinique.
Quant au président, qui
sera resté peu de temps au Sénégal et dans des conditions de séjour favorables
(climatisation), il lui appartient de
se faire suivre régulièrement et de faire un régime alimentaire adapté à son
diabète. Mais, cela n’a rien à voir avec le problème posé par le séjour au Sénégal
des jeunes footballeurs et de leurs accompagnateurs.
Références
-
Aubry P., Touze J.E.
Coup de chaleur. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié édit., mars 1990, 224-225.
-
Touze J.E., Peyron F.,
Malvy D. Un séjour au Mali. Médecine Tropicale au quotidien. 100 cas cliniques.
Format Utile. Editions Varia, 2001, 313-317.
-
Bouchaud O. Conseils
médicaux pour les voyages internationaux. Edition 2003, Beaufour Ipsen, 147 p.
-
BEH. Numéro thématique.
Santé des voyageurs et recommandations sanitaires 2005. N° 24-25/2005, 117-128.
-
BEH. Calendrier vaccinal
2005 et autres avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France relatifs
à la vaccination. N° 29/30/2005, 141-157.
-
Société de Médecine des
Voyages, Adimi/Edison. Les maux du voyage. Dictionnaire de Médecine des
Voyages. Troisième édition, juillet 2005, 172 p.
Professeur Pierre Aubry.
Texte rédigé le 15/04/2006.