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Infections sexuellement transmissibles

 

Infections sexuellement transmissibles

Professeur Pierre Aubry. Texte rédigé le 27/05/2006

 

1-Généralités

Depuis le début de l’infection à VIH/SIDA, les Infections sexuellement transmissibles (IST) ont connu un regain d’intérêt, parce que d’une part, elles constituent des co-facteurs de celle-ci et que, d’autre part, leur prise en charge adéquate permet de réduire l’acquisition de l’infection à VIH/SIDA.

Les IST peuvent être la cause d’un écoulement urétral ou vaginal, d’ulcérations génitales ou de végétations vénériennes. Les IST peuvent s’associer (ex.: chancre syphilitique et infection gonococcique [urétrite ou surinfection du chancre]). La notion d’un rapport sexuel à risque et non protégé oriente vers une IST.

 

1.       Les écoulements génitaux, urétral ou vaginal

1.1. L’Infection gonococcique à Neissera gonorrhoeae

Le gonocoque entraîne une urétrite aiguë chez l’homme avec des brûlures urétrales et une sécrétion urétrale purulente. Chez la femme, la maladie est insidieuse, entraînant des pertes vaginales jaunes et abondantes par atteinte du col utérin. L’infection ano-rectale ou proctite gonococcique est rencontrée chez l’homosexuel masculin et la femme.

A partir de l’atteinte génitale (urètre, col utérin, mais aussi canal anal, pharynx), le germe peut se propager localement le long des muqueuses entraînant chez la femme endométrite, bartholinite, salpingite, péri-hépatite, péritonite et chez l’homme, prostatite, épididymite. Les septicémies sont rares, cause d’arthrite ou de dermatite, exceptionnellement d’endocardite, de péricardite, de méningite.

La recherche du gonocoque fait appel à la coloration de Gram du prélèvement par écouvillonnage  au niveau de l’urètre ou du canal endo-cervical  qui met en évidence à  l’examen direct des diplocoques intracellulaires Gram négatif, à la culture sur milieu modifié de Thayer-Martin et à la détection de production de pénicillinase.

1.2. L’Infection génitale à Chlamydia trachomatis

Elle entraîne une urétrite sub-aiguë avec écoulement peu abondant chez l’homme. Chez la femme, c’est une cervicite érythémateuse de découverte souvent fortuite. Elle se complique d’endométrite et de salpingite.

Une leucocyturie amicrobienne attire l’attention. Le diagnostic repose sur la détection directe des antigènes par ELISA (lecture subjective), sur la culture cellulaire et sur la PCR.

1.3.  Traitement des écoulements génitaux

Les difficultés pour mettre en évidence d’autres agents que le gonocoque sur un écoulement génital souligne la pertinence de l’approche syndromique associant le traitement du gonocoque et du Chlamydia. L’azithromycine (ZITHROMAX®) à la dose de 1g per os (p.o.)a l’avantage d’être actif en prise unique sur les deux germes.

En cas de diagnostic de certitude, la gonococcie se traite par la céfixime (OROKEN®) p.o. 400 mg en dose unique ou la spectinomycine (TROBICINE®) IM 2 g en dose unique ou la ceftriaxone (ROCEPHINE®) IM 125 mg en dose unique ; la chlamydiose par la doxycycline 200 mg/j p.o. en 2 prises pendant 7 jours ou l’azythromycine p.o. 1g/j en dose unique.

La non-éfficacité du traitement doit faire rechercher une autre cause : trichomonase à Trichomonas vaginalis  à traiter par métronidazole (FLAGYL®) ou candidose à Candida albicans à traiter par clotrimazole (TRIMYSTEN®) ou nystatine (MYCOSTATINE®) comprimés gynécologiques.

 

2.       Les ulcérations génitales

 

2.1. Le chancre syphilitique

La première infection à évoquer devant une ulcération génitale est le chancre syphilitique du à Treponema pallidum.

2.1.1. Clinique

L’incubation est de 3 semaines en moyenne. L’ulcération est souvent unique, indurée et indolore, avec des adénopathies multiples (dont une grosse adénopathie «le préfet de l’aine»), indolores, fermes, non inflammatoires.

Le chancre syphilitique correspond, dans l’histoire naturelle de la maladie à la syphilis primaire, qui, non traitée, évolue vers la syphilis secondaire (roséole, syphilides), puis après une phase de latence de longue durée (en moyenne 15 ans), vers la syphilis tertiaire dans 15% des cas environ (syphilis tertiaire bénigne avec lésions cutanéo-muqueuses et osseuses ou grave avec atteinte cardio-vasculaire et/ou neurologique)

2.2.2. Diagnostic

Il repose sur l’examen direct de la sérosité obtenue par raclage du fond du chancre qui met en évidence les tréponèmes au microscope à fond noir  et sur la sérologie syphilitique qui se positive dans les 5 à 10 premiers jours après l’apparition du chancre (VDRL  à J15, TPHA à J10, FTA à J5)

2.2.3. Traitement

Le traitement repose sur la benzathine-pénicilline (EXTENCILLINE®) IM à la dose de 2,4 MUI en dose unique. En cas d’allergie à la pénicilline, d’autres antibiotiques doivent être utilisés :  doxycycline p.o. 200 mg/j en 2 prises ou érythromycine 2 g/j en 2 prises ou azithromycine 1g/j, ces trois médicaments étant prescrits  pendant 14 jours.

 

2.2. Le chancre mou

Le chancre mou est maladie vénérienne due à Haemophilus ducreyi ou  bacille de Ducrey. Il est fréquent en zone tropicale.

2.2.1. Clinique

L’incubation est brève, en moyenne 2 à 5 jours. L’aspect est le plus souvent évocateur : ulcérations unique ou multiples, ovalaires, de 5 mm à 1,5 cm, à bords décollés, avec présence d’un double liseré jaune et rouge. Le fond est recouvert d’un enduit puriforme, la base est empâtée, non indurée. Le chancre mou, spontanément indolore, est douloureux à la pression et à la palpation. Les lésions d’auto-inoculation sont caractéristiques de l’affection et siégent en général au niveau des cuisses. Les adénopathies satellites sont toujours présentes, de siège inguinal, et ont un caractère inflammatoire. En l’absence de traitement et chez les malades n’observant pas de repos, l’adénopathie va évoluer vers la suppuration et la fistulisation : c’est le bubon chancrelleux.

2.2.2. Diagnostic

L’examen direct met en évidence des bacilles Gram négatif à coloration bipolaire. Ces bacilles siégent au nombre de 10 à 20 à l’intérieur des polynucléaires. Certains bacilles extracellulaires se regroupent en chaînettes

Il faut toujours penser à un chancre mixte d’où la réalisation systématique d’une sérologie syphilitique

2.2.3. Traitement

Le traitement fait appel à la doxycycline, 200 mg/j en 2 prises pendant 7 jours ou à l’érythromycine, 2g/j en 2 prises pendant 7 jours. Alternatives thérapeutiques : la ceftriaxone 250 mg IM en dose unique, azithromycine 1g p.o. en prise unique.

En l’absence de diagnostic de certitude, il faut traiter en première intention à la fois un chancre syphilitique et un chancre mou par la doxycycline, l’érythromycine ou  l’azithromycine pendant 14 jours.

 

2.3. La Donovanose

La donovanose ou granulome inguinal est dû à Calymmatobactérium granulomatis. Les foyers d’endémie sont l’Inde, l’Australie, la Papouasie Nouvelle Guinée, l’Afrique du sud, les Guyanes, les Caraïbes, le Brésil.

2.3.1. Clinique

L’incubation est longue (durée moyenne : 50 jours). Les ulcérations bourgeonnantes, localisées sur l ‘appareil génital ou, plus rarement, dans la région anale, saignent facilement au contact (ulcérations dites framboisiformes), sont indolores, s’étendent par contiguïté «en feuille de livre». Les bords des ulcérations sont en margelle de puits. Il n’y a pas d’adénopathie satellite, mais il peut exister des pseudo-bubons par diffusion sous-cutanée (aires inguinales). La localisation la plus fréquente chez l’homme est le prépuce, le sillon balano-préputial et, plus rarement, le gland  et chez la femme, la fourchette et les lèvres. Il existe des localisations extra-génitales, surtout orales. L’évolution non traitée peut s’étaler sur des années avec des destructions tissulaires étendues, laissant des cicatrices rétractiles ou d’importantes mutilations. De ces lésions sourd en permanence une sérosité

2.3.2. Diagnostic

La présence sur le frottis de raclage de bacilles Gram négatif dans les histiocytes, prenant une coloration bipolaire (les corps de Donovan) fait le diagnostic de donovanose

Le diagnostic peut être complété par un examen histopathologique, en particulier en cas de localisation cervicale chez la femme. La PCR est en développement.

2.3.3. Traitement

Le traitement de la donovanose fait appel en première intention à la doxycycline p.o. , 200 mg/j en 2 prises au minimum pendant 14 jours, au cotrimoxazole 1600 mg SMX + 320 mg TMP/jour en 2 prises pendant au minimum 14 jours, à l’azithromycine 1g le premier jour, puis 500 mg/j les 7 jours suivants (voir en cure unique de 1 g). Les alternatives : ciprofloxacine, érythromycine.

 

2.4. La lymphogranulomatose vénérienne ou maladie de Nicolas et Favre

2.4.1. Clinique

La lymphogranulomatose vénérienne ou maladie de Nicolas et Favre est due à Chlamydia trachomatis. C’est en pratique une maladie systémique chronique, dont le point de départ est une vésicule herpétiforme génitale souvent méconnue. La maladie se révèle par deux tableaux cliniques principaux : adénites inguinales réparties de part et d’autre de l’arcade crurale (signe de la poulie) évoluant vers la fistulisation (en pomme d’arrosoir) et une rectite aiguë.

2.4.2. Diagnostic

Il repose sur la mise en évidence de Chlamydia trachomatis par culture cellulaire à partir de  la ponction ganglionnaire et sur le sérodiagnostic FC, IFI, ELISA.

2.4.3. Traitement

Il repose sur la  doxycycline 200 mg/j en 2 prises ou l’érythromycine 2g/j en 2 prises p.o. pendant au minimum 14 jours et une ponction du ganglion s’il est fluctuant.

 

2.5. L’herpès

2.5.1. Clinique

Il est du à Herpes simplex virus 2 (HVS 2) ou à HVS 1. La primo-infection se caractérise par des vésicules très douloureuses et une fièvre. Les vésicules évoluent vers des érosions multiples groupées en bouquet, avec de multiples adénopathies de petite taille, sensibles et fermes. Les lésions sont chez l’homme sur le fourreau, le prépuce ou le gland, chez la femme, elles entraînent une vulvo-vaginite. Après la primo-infection, la fréquence des récurrences herpétiques génitales est très variable, en moyenne 3 à 4 récurrences annuelles sont observées.

2.5.2. Diagnostic

Il est basé sur l’isolement du virus par culture et la PCR. Le cytodiagnostic de Tzanck est une technique peu sensible.

2.5.3. Traitement 

L’aciclovir (ZOVIRAX®) comprimés à 200 mg, 1g/j à répartir dans la journée pendant 10 jours. En cas de récurrences, abstention ou acyclovir 1 g/j pendant 5 jours.

 

3.       Végétations vénériennes dues à des human papillomavirus  (HPV) :

Il s’agit d’infections génitales très contagieuses se caractérisant cliniquement par des condylomes acuminés (crêtes de coq) ou des condylomes plats (papules surélevées), indolores, multiples, localisées aux organes génitaux externes et à l’anus, mais aussi au rectum, au vagin, au col de l’utérus et à l’urètre. La complication des infections à HPV est le cancer du col de l’utérus d’où la nécessite d’une colposcopie.
Le diagnostic repose sur l’étude cytologique de frottis ou de biopsie des lésions et la PCR.
Le traitement : désinfection locale, application prudente d’une préparation à base de podophyllotoxine à 0,5% en cas de petits condylomes des organes génitaux externes, de l’anus et du vagin ou si la lésion fait plus de 3 cm sur la cryothérapie, l’électrocoagulation ou l’excision chirurgicale.

Deux vaccins viennent d’être mis au point : contre les HPV : un vaccin quadrivalent (HPV de types 16 et 18 impliqués dans le cancer du col de l’utérus ainsi que les types 6 et 11 impliqués dans les condylomes acuminés, un vaccin bivalent HPV 16 et 18. Ces vaccins ont une efficacité de 100% dans la prévention du cancer du col utérin, d’où l’intérêt du dépistage actif et de la vaccination prophylactique.

 

4.       Prévention des IST

Les modalités de lutte contre les IST consistent en une prévention primaire portant sur les comportements sexuels à moindre risque : préservatif, abstinence ou fidélité ; en une prévention secondaire : prise en charge curative des IST ; en une prise en charge du ou des partenaires sexuels, essentielle mais toujours difficile ;  dans le dépistage de l’infection à VIH/SIDA, mais aussi des hépatites virales B et C ; dans la prise en charge des groupes à risque particuliers, professionnelles du sexe et leurs clients.

En zone tropicale, on note d’une part la faible part de la prostitution «officielle» dans la transmission des IST et d’autre part l’importance relative de la prostitution clandestine au cours des rapports «monnayes».

 

Références

 

De Barbeyrac B., Bébéar C., Géniaux M. Maladie de Nicolas et Favre. Encycl. Med. Chir, Maladies infectieuses, 8-076-A-10, 2001, 6 p.

Janier M, Caumes E. Syphilis. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-039-A-10, 2003, 17 p. Douvier S., Dalac S. Infections à papillomavirus. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-054-A-10, 2004, 19 p.

Clyti E., Pradinaud R. Donovanose. Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-020-A-10, 2004, 5 p. Ly F., Gueye N., Samb N.B. et coll. Etude prospective des infections sexuellement transmissibles à Dakar. Med. Trop., 2006, 66, 64-68.

 

Tableau - Critères diagnostiques et traitement des ulcérations génitales.

 

 

 

Syphilis primaire

 

 

Chancre mou

 

Donovanose

 

Lymphogranulomatose

vénérienne

 

 

Herpès

 

Agent pathogène

 

 

Treponema pallidum

 

Hémophilus ducreyi

 

Colymmato-

bacterium granulomatis

 

Chlamydia trachomatis

 

Herpés virus simplex

 

Incubation

 

 

10 à 90 jours

 

Courte

(2 à 5 jours)

 

 

Longue

(50 jours)

 

Courte (3 jours à 3 semaines)

 

Courte

1 à 10 jours

 

Clinique

 

 

Chancre unique, induré, indolore, ADP (préfet de l’aine)

 

Chancres multiples,

non indurés, douloureux 

ADP douloureuses Bubon

 

 

Ulcérations indolores

Pseudobubon

 

Erosion ou papule ADP unilatérale

Suppurée (bubon)

 

Vésicules, ulcérations douloureuses

ADP multiples

 

 

Evolution spontanée

 

 

Régression en 3 à 6 semaines

 

Fistulisation

des ADP

 

Mutilation

 

Fistulisation des ADP

 

Régression

Récurrences

 

Examen direct

 

 

Microscope à fond noir :

tréponèmes

 

BGN

en chaînettes

 

BGN: corps

de Donovan

 

 

Culture cellulaire

 

Culture cellulaire

 

Sérologie

 

 

FTA, puis TPHA et VDRL

 

          -

 

          -

 

FC, IFI, ELISA

 

 

 

Traitement

 

 

Pénicilline retard

Doxyxycline

Erythromycine

Azithromycine

 

Doxycycline

Erythromycine

Ceftriaxone

Azithromycine

 

Doxycycline

Cotrimoxazole

Azithromycine Ciprofloxacine

Erythromycine

 

 

Doxycycline

Erythromycine

 

Aciclovir