Tétanos néo-natal. Cas clinique

 

Observation :

Un nouveau-né âge de 6 jours est hospitalisé dans le service de pédiatrie de l’hôpital principal de Dakar pour la survenue de pleurs avec agitation, refus de téter , et fièvre depuis 24 heures. La mère a accouché à domicile. L’enfant a crié aussitôt. Aucun problème n’a été signalé au cours des 5 premiers jours.

A l’examen, on note un poids à 3,200 kg pour une taille de 50 cm, un périmètre crânien à  35 cm. La température rectale est de 38°7C, le pouls à 160/mn. Les muqueuses sont bien colorées, il n’y a pas de cyanose. L’enfant présente une hypertonie responsable d’une attitude particulière : bras collés au corps, avant-bras en demi-flexion, mains fermées, pouces repliés sous les autres doigts, membres inférieurs en extension.

Au cours de l’examen surviennent des crises toniques, de durée brève, caractérisées par une apnée, une attitude en opisthotonos, la tête est rejetée en arrière, le front plissé, les paupières serrées, la bouche pincée.

La conscience per-critique parait normale.

Le reste de l’examen est sans particularité. La recherche d’une infection focale, notamment ombilicale, est négative.

A la ponction lombaire, le LCR est clair.

 

Quels diagnostics doit-on évoquer ?

Quelle évolution peut-on prévoir ?

Quels traitements faut-il appliquer ?

Quelle est la prévention qui permet d’éviter cette maladie ?

 

Discussion :

Ce nouveau-né présente des troubles du comportement et du tonus dans un contexte fébrile. Les crises toniques peuvent donner le change avec des convulsions : une cause métabolique (hypoglycémie, hypocalcémie) pourrait être évoquée, mais n’expliquerait pas la fièvre. De même, sont éliminées des convulsions post-anoxiques : absence de souffrance fœtale, conscience per critique normale, pas de fièvre.

Une hémorragie cérébro-méningée par hypovitaminose K est écartée : nouveau-né eutrophique à terme, fièvre élevée, LCR non hémorragique. De même, au vu du LCR, une méningite néo-natale est éliminée.

Quant au neuro-paludisme, il est exceptionnel chez le nouveau-né.
En fait, le diagnostic de tétanos néo-natal est cliniquement évident :  crises hypertoniques à conscience conservée, évoluant sur un fond d’hypertonie globale, chez un nouveau-né né à domicile. En effet, l’absence d’asepsie lors de l’accouchement favorise le tétanos néo-natal en zone tropicale., les conditions de l’accouchement étant à priori septiques.

Il faut rappeler que le taux d’incidence du tétanos est de 10 à 50/ 100 000 dans les PED et les plus récentes estimations font état de 1 000 000 de nouveaux cas par an. Le problème le plus préoccupant est lié au tétanos néo-natal : en 1997, l’incidence était de 355 000 cas avec 248 000 décès. Le tétanos néo-natal  a un taux encore élevé dans plusieurs  pays d’Afrique, dont  le Sénégal. L’OMS pense obtenir un taux d’attaque du tétanos néo-natal inférieur à 1 cas pour 1 000 naissances vivantes en 2005.

La gravité du tétanos est établie selon les 6 critères de la classification internationale (Dakar, 1977). Cette classification, toujours d’actualité, permet d’établir un score pronostique :

-         tétanos frustre : le score est égal à 0, 1 ou 2,

-         tétanos de gravité modérée : le score est égal à 3,

-         tétanos grave : le score est égal à 4, 5 ou 6.

 

                Critères

                Score 0

                Score 1

 

Incubation

Invasion
Porte d’entrée

 

Paroxysmes

Température rectale

Pouls (nouveau-né)

 

 

              Ê 7 jours

              Ê 2 jours

        inconnue, ou autre voie

            que l’ombilic

               absents

               < 38,4°C

                 < 150

 

                Í 7 jours

                Í 2 jours

                ombilicale

               

                  présents

                    >38,4°C

                    > 150

 

Dans cette observation, le score est de 5, ce qui témoigne d’emblée d’un tétanos grave, avec un risque de mortalité supérieur à 80%.

Les buts du traitement sont, quelque soit le score pronostique, de neutraliser la toxine non encore fixée sur le système nerveux central, de traiter les symptômes du tétanos, d’éviter les surinfections, tout en préservant les fonctions vitales.

En conséquence, les mesures suivantes doivent être appliquées :

1- pour neutraliser la toxine : administration de sérum antitétanique 1 500 U en IM ou mieux, compte-tenu du score 5, 250 U en intra-thécal par voie occipitale

(les gammaglobulines ont un coût inaccessible dans les PED),

2- pour traiter les symptômes du tétanos :  traitement myorelaxant par diazepam (VALIUM) : 3 à 5 mg par voie IM ou intrarectale dès l’admission, avec relais par 5 mg/kg/j en continu à l’aide d’un pouce-seringue ou en discontinu toutes les 4 heures ; les paroxysmes sont traités par une injection IV lente d’1mg de diazepam, suivie d’une augmentation de la dose d’entretien de 1mg/kg/j. Il ne faut pas dépasser 10 mg/kg/j , dose au-delà de laquelle la ventilation mécanique est nécessaire. L’administration par sonde naso-gastrique est utile quand la voie IV est impossible.

3- pour lutter contre les surinfections : désinfection de la porte d’entrée, antibiothérapie : pénicilline G 100 000 U/ kg/j  pendant 10 jours en injections IV discontinues,

4- pour préserver les fonctions vitales : nursing et apport nutritionnel par gavages de lait maternel, recueilli au tire-lait, toutes les 3 heures

Il convient d’assurer un isolement du patient dans une salle à l’abri du bruit et de la lumière, en limitant les visites, source de paroxysmes.

Dés que possible, le traitement par voie IV est arrêté au profit de la voie naso-gastrique, il est poursuivi pendant une durée de 3 semaines environ durée habituelle de la persistance des symptômes.

Une vaccination antitétanique en sous-cutané (1/2 ml) est débutée dès le premier jour.

Sous traitement, l’évolution a été, dans le cas présenté, favorable.

La prévention du tétanos néo-natal est basée sur la vaccination de  toutes les femmes en âge de procréer, enceintes ou non, et une amélioration des conditions d’hygiène des accouchements, passant par la formation des accoucheuses.

 

Référence :

- Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie edit., mars 1990,

pp. 141-142.

 

Iconographie :

Malade : aspect d’un nouveau-né atteint de tétanos néo-natal.