Trichinose. Cas clinique.

 

Observation :

 

Un homme âgé de 32 ans, est hospitalisé au Centre Hospitalier de Saint-Denis à l’Ile de La Réunion pour une fièvre, une hémorragie conjonctivale bilatérale, une infiltration oedèmateuse du visage, une asthénie et des myalgies, le tout apparu il y a une semaine. 

Enseignant, il a passé ses vacances hivernales au Laos, d’où il est revenu il y a 3 semaines. Il a suivi une chimio-prophylaxie anti-palustre par méfloquine.

A l’admission, on note une conjonctivite hémorragique, un œdème du visage et des membres. La température est à 38,2°C.

L’interrogatoire apprend que le patient a présenté 48 heures avant l’apparition des oedèmes une éruption prurigineuse urticarienne , des troubles digestifs à type de douleurs abdominales, diarrhée, nausées et des myalgies diffuses accentuées par le repos et l’immobilité.

Il a, au cours de son séjour au Laos, mangé « localement », en particulier de la viande de porc mal cuite.

Les examens biologiques faits dès l’admission montrent une hyperéosinophilie sanguine à

2 568 éléments par microlitre, une élévation modérée des transaminases : ASAT à 52 UI, ALAT à 42 UI, une élévation franche des enzymes sériques musculaires : lactico-deshydrogénase (LDH) à 1346 UI/l, créatine phosphokinase (CPK) à 642 UI/l   La radiographie thoracique et l’électrocardiogramme sont normaux. L’examen des urines est sana anomalie. La recherche d’hématozoaires est négative.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quels examens para-cliniques sont utiles pour confirmer le diagnostic ?

Quel est le cycle de cette affection ?

Quel traitement devez-vous prescrire ?

 

Discussion :

 

Le tableau clinico-biologique présenté par ce malade est très évocateur de trichinose (ou trichinellose) : il associe fièvre, injection conjonctivale, œdème de la face (d’où le nom de « maladie des grosses têtes »), syndrome musculaire algique avec élévation des enzymes sériques et hyperéosinophilie. Il a été précédé d’une éruption urticarienne et de troubles digestifs.

L’anamnèse retrouve la consommation de viande de porc insuffisamment cuite au cours d’un séjour récent au Laos. Le diagnostic de trichinose est évoqué.

Le diagnostic de certitude sera apporté par la sérologie : méthode ELISA qui détecte des anticorps spécifiques trois semaines après le début des troubles.. La biopsie musculaire, faite 3 à 4  semaines après l’infection, peut montrer des larves enkystées de Trichinella sp., si celles-ci sont nombreuses et disséminées. Elle n’est plus utilisée en pratique pour le diagnostic.

La trichinose st une zoonose cosmopolite, due à un nématode du genre Trichinella s., petit ver rond filiforme à sexe séparé. Après l’ingestion de viande contaminée, les larves libérées après la lyse de leur paroi par les sucs gastrique, migrent vers l’intestin grêle, pénètrent dans la paroi, deviennent adultes, s’accouplent et pondent des larves. Celles-ci se disséminent dans tout l’organisme, et s’enkystent dans les muscles striés. Cette phase dure une vingtaine de jours.

L’homme est dans le cycle parasitaire un hôte accidentel. La contamination humaine se fait classiquement à partir de viande de porc ou de sanglier consommée insuffisamment cuite. Toutefois tout animal carnivore ou omnivore est apte à transmettre l’infection. Ainsi, plusieurs épidémies dues à la consommation de viande de cheval importée ont été observés depuis quelques années en France ( où persistent quelques cas sporadiques dus à la viande de sanglier). La trichinose sévit à l’état endémique notamment dans les pays du sud-est asiatique, à cause des traditions culinaires et de l’absence quasi-totale de contrôle vétérinaire.

Le traitement repose sur un benzo-imidazolé à diffusion tissulaire, ayant une action sur les larves enkystées (thiabendazole ou albendazole) et un corticothérapie. Le traitement doit être  précoce, institué dès la suspicion du diagnostic. Les éléments du diagnostic de certitude diagnostique (sérologie) seront obtenus ultérieurement

Un traitement précoce évite la survenue possible de complications cardiaque (myocardite), neurologique (encéphalite) ou pulmonaire qui peuvent aggraver le pronostic. La myocardite a une expression électro-cardiographique dans la majorité des cas (anomalies de la repolarisation, blocs de branche, blocs auriculo-ventriculaires), plus rarement clinique (insuffisance cardiaque avec asystolie irréductible)..

En pratique, l’albendazole (ZENTEL) est prescrit à la dose de 10 mg/kg/j pendant 10 jours. Une corticothérapie sous forme de prednisone (CORTANCYL) est prescrite à la dose de I mg /kg pendant 48 heures, puis à dose dégressive sur 10 jours. Sous ce traitement ,l’évolution chez notre malade a été favorable : disparition de la fièvre et des oedèmes en 48 heures, des myalgies en 10 jours. L’éosinophilie sanguine s’est normalisée au 3éme mois.
La prophylaxie repose sur la consommation de viandes bien cuites.

 

 

 

Références :

 

- Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulie edit., mars 1990, p.83.

- Debat Zoguereh D., Delmont J., Niang M., Pellissier J.E., Brouqui P. Image de trichinose. Med. Trop., 1998, 58, 31

 

 

 

 


Iconographie

 

- Malade : Hémorragie conjonctivale bilatérale, infiltration œdémateuse palpébro-faciale.